Fanny Robillard (violon), Paloma Kouider (piano), Debussy, Szymanowski, Hahn, Ravel. Évidence 2017 (EVCD 039).
Enregistré à Flaine en mars 2017.
La violoniste Fanny Robillard, passée par le Conservatoire national supérieur de Lyon, puis par München et Berlin, a été chef d’attaque des seconds violons au London Symphonie Orchestra, elle joue dans des orchestres dans le rang ou en soliste, en France, mais aussi à l’étranger comme au philharmonique de Berlin ou à Beyrouth, celui du Liban.
Comme Fanny Robillard, la pianiste Paloma Kouider est « révélation classique » de l’ADAMI. Elle a étudié le piano à l’École normale de musique de Paris, est passée pas Florence avant de poursuivre ses études musicales à l’Université des arts de la scène de Vienne, en Autriche. Depuis elle se produit sur bien des scènes à piano, chambriste oui soliste, de la Roque d’Anthéron aux Folles journées de Tokyo, du Festival radio-France- Montpellier aux Moments musicaux de Gstaad.
Ensemble elles jouent au sein du trio Karénine, avec le violoncelliste Louis Rodde, un trio lauréat de plusieurs prix, dont celui de l’ARD à München. Pour cet enregistrement elles ont décidé de rester entre filles.
Le cédé s’ouvre et se termine par deux œuvres obligatoires, à juste titre, au carnet d’adresses du genre. La sonate pour violon, et piano de Claude Debussy, l’une des trois sonates « dans le style français », sur les six prévues, qu’il arrive à achever, miné par la maladie dans un pays miné par la guerre. La sonate de Maurice Ravel composée peu de temps après. Deux œuvres particulièrement réussies, propres à alimenter le mythe d’une musique française claire et simple (libérée du wagnérisme), entre un Debussy se disant « simple comme l’herbe » (avec une petite escapade espagnole dans cette sonate), et un Ravel qui a eu besoin de cinq années pour « éliminer les notes inutiles », et se convaincre que le piano et le violon n’étaient pas incompatibles (avec le célèbre blues du second mouvement).
La curiosité se portera sur les Mythes, œuvre tout aussi colossale que les deux autres, mais moins souvent jouée, de Karol Szymanowski, lequel était persuadé que cette trilogie de 1915 ouvrait une voie nouvelle dans les relations entre le violon et le piano, qu’elle avait même influencé tous les compositeurs qui avaient cotisé au genre après lui. On a envie de lui donner raison.
Cette œuvre étonne toujours, pas ce style personnel formé d’une telle accumulation de traits techniques différents, de mobilité, de figures expressives, de modules qui semblent renouvelables à l’infini, dans un élan cohérent de bout en bout lumineux, où Karol Szymanowski veut faire feu de tout brin d’herbe, plutôt n’en veut mettre aucun au feu et rendre toutes les notes utiles. On, se demande si Fanny Robillard et Paloma Kouider emportent cette œuvre ou si elles sont emportées par elle. L’auditeur serait bien difficile de ne pas se laisser emporter par les deux.
En intermède, cet enregistrement propose un nocturne de Reynaldo Hahn, une belle mélodie accompagnée, qui nous rappelle, outre le plaisir des oreilles, l’émancipation de la musique profane, des cours et salons aristocratiques se prolongeant quelque peu dans les salons bourgeois un peu gentilshommes, là où sont Hahn et son amant Proust, se cherchant une nouvelle cosmogonie, les lignées aristocratiques n’étant plus le centre d’un monde devenu citoyen, ce mouvement si mal dit romantique ou de musiques nationales (c’est la même chose), duquel ont émergé Ravel ou Debussy, et la clarté française et la tout aussi claire polonaise avec Szymanowski.
Karol Szymanowski, « La fontaine d'Arethuse » (Mythes), premières mesures, plage 4.1-3. Claude Debussy, Sonate pour violon et piano (1917) : Allegro vivo, Intermède fantastoique et léger, Finale très animé, 4-6. Karol Szymanowski, Mythes (1915) : La fontaine d'Arethuse, Narcisse, Dryades et Pan, 7. Reynaldo Hahn, Nocturne, 8-10. Allegretto, Blues, Perpetuum Mobile.
Jean-Marc Warszawski
22 novembre 2017
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