Houbart François-Henri, Histoire de l'orgue en Orléanais et dans le Loiret : inventaire des orgues, facteurs, organistes, compositeurs. Delatour France Sampzon 2016 [480 p. ; ISBN 978-2-7521-0302-4 ; 59 €]
L'organiste François-Henri Houbart a eu de grands maîtres tels Suzanne Chaisemartin, Michel Chapuis ou Pierre Cochereau, il a occupé plusieurs tribunes parisiennes, Saint-Séverin, Saint-Nicolas-des-Champs, Sainte-Élisabeth-des-Champs avant d'être le titulaire du grand orgue de l'église de la Madeleine. Pour le ministère de la musique, il a participé à la Commission des orgues, et à la Commission des orgues historiques pour le Loiret et le Loir-et-Cher, des fonctions qui semblent lui avoir donné la passion de l'archive.
Pour la Commission et cet ouvrage il a pisté et remué une énorme masse de documents témoins du passé des orgues. Une activité assez colossale, gratifiante pour la curiosité aiguisée, pénible aussi quand il faut déchiffrer les écritures et veiller à ne pas faire de contresens dans un français qui évolue et se modifie assez rapidement.
Au centre est l'inventaire de soixante-dix orgues et dans la foulée la signalisation, par les restes physiques ou l'archive, d'une quarantaine d'autres, disparus ou injouables.
Il paraît naturel d'avoir eu envie d'en savoir plus sur les organiers et aux autres personnalités liées à ces orgues.
Malheureusement, l'auteur n'a pas su se libérer de l'archive, ou voulu mener l'opération historiciste somme toute idéologique. L'ouvrage n'honore donc pas son titre, en reste à son sous-titre : Inventaire des orgues, facteurs, organistes, compositeurs, ou si on veut à la vieille histoire positiviste qui suppose que présenter méthodiquement des faits d'archive fait sens et histoire. Or faire histoire, c'est expliquer l'archive, imaginer les activités humaines qui l'ont produite, aussi ce qu'elle ne révèle pas directement.
Ces dévoilements sont possibles quand on pose des questions à la documentation, non quand on se laisse guider par elle, comme c'est ici le cas. Tout est dans le va-et-vient dialectique entre le questionnaire et l'intrigue qu'il nourrit, qui fait histoire, qui donne une vision dynamique du passé dans ce qu'il a de spécifique et d'humain. D'autant que dans le titre « orgue » est au singulier.
Cet ouvrage est donc en réalité un dense dossier documentaire, une succession de fiches et de témoignages d'archive (dont les sources sont d'ailleurs signalées dans texte) pouvant servir à une histoire des orgues (au pluriel) de la région circonscrite, qu'il faudra retravailler selon un questionnaire, élaguer des détails inutiles, ici parfois en tiroirs, de pure érudition, qui alourdissent la lecture et brouille le sujet.
Dans cette volonté de vouloir tout ramasser à la vieille manière positiviste ou à la plus récente wikipédienne, on peut outrepasser les limites de la décence historique.
Ainsi, emporté par sa passion et son enthousiasme, l'auteur appelle à la tribune d'honneur des orgues orléanais Félix Mendelsohn, car sa belle-mère y avait des aïeux (en réalité ancrés en Allemagne depuis plusieurs générations) et que donc sa fille aussi, et que par la transmission du mariage, Mendelsohn aussi. Ce qui donne dans la bonne préface de Sylvie Le Clech, directrice régionale des affaires culturelles du Centre-Val de Loire : « Mendelsohn avait épousé une Orléanaise ».
Comme quoi le positivisme peut être très relatif et l'archive mauvaise conseillère.
Jean-Marc Warszawski
22 décembre 2017
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