Quand on arrive à Coutances en plein festival, il faut d'abord se garer hors du centre car la ville double sa population (80000 spectateurs en 8 jours, dont la moitié sur les animations gratuites) mais en fait, on est très vite dans les lieux phares. On prend d'abord un café dans les jardins de l'Évêché, à l'ombre car il commence à faire chaud en début de ce dernier après-midi. On se rapproche de la scène ouverte où les classes de jazz du conservatoire de Cherbourg en Cotentin commencent. Sur deux groupes, on repère vite les jeunes qui accrochent, un sax alto, une chanteuse, une pianiste... On les réentendra peut-être ici ou là dans quelque temps.
On passe ensuite devant le théâtre pour gagner la salle Marcel Hélie, la plus grande de Coutances, pas vraiment confortable si on est sur les côtés, mais l'acoustique est plutôt bonne en général, surtout quand on est au-dessus des musiciens où on bénéficie du son de leurs retours.
Après deux jours de grosse chaleur, il fait étouffant, et le saxophoniste nordique Jan Garbarek semble souffrir sous les projecteurs, tout comme son pianiste habituel Rainer Brüninghaus. Le bassiste électrique Yuri Daniel s'est substitué, avec son style bien à lui, à Eberhard Weber qui les a longtemps accompagnés.
Jan Garbarek à Jazz sous les pommiers. Photographie © Gérard Boisnel.
Trilok Gurtu, lui, remplace à la fois Manu Katché à la batterie et Marilyn Mazur aux percus simplement en pivotant à gauche ou à droite sur son siège pour retrouver ses tablas, ou en se retournant debout pour accéder aux autres instruments, dont le petit gong plongé dans un seau d'eau lui-même percussif... On le savait un incroyable percussionniste depuis longtemps, mais il est aussi un incroyable batteur, avec ses tambours au son profond et claquant, comme ses cymbales spiralées ou étouffées, qui conviennent très bien aux hymnes dansants du Norvégien... En dehors de son impro de chant rythmique, rejoint ensuite par Garbarek à la flûte longiligne, il nous offre aussi un double solo, de batterie à la main gauche et de tabla à la main droite. Ce qui ne l'empêche pas d'accompagner le trio mélodique et de le mettre en valeur, en lui apportant ce supplément de rythme et de son qu'apprécie le saxophoniste.
Lui-même dans ses impros minimalistes joue plus sur le souffle rythmique et le travail du son de ses variations que sur les envolées interminables. Il laisse la place aux autres sur de longs moments. Le bassiste se permet un interlude en slap avant de reconstruire le thème sur le mode fugué. Idem pour le pianiste qui nous offre une longue parenthèse bluezy boogie un peu étrange au sein de ces paysages sonores où on reconnaît The Creek, Gula Gula, Paper Nut... et aussi un duo sax-batterie effréné qui n'est pas sans rappeler Personal Mountains du temps du quartet européen de Keith Jarret. Un concert intense de presque deux heures.
Two for The Road à Jazz sous les pommiers. Photographie © Alain Lambert.
Des bénévoles — ils sont plus de 250 en tout — nous accueillent à la sortie avec des brumisateurs. On peut profiter du beau temps dehors. Les spectacles de rue se terminent, mais on peut encore entendre une fanfare en haut du jardin des plantes bien arboré, tout en paliers et tout en fleurs que Maurice Leblanc a bien décrit dans un conte sulfureux. Et sur la place Saint-Nicolas, deux guitaristes caennais, Christophe Taoulan et Dominique Ljubi tricotent au soleil avec doigté autour de standards connus, Armando's Rumba, Bluesette, Have You Meet Mrs Jones, Dance For Victor... et Two For The Road d'Henri Mancini devenu le nom du duo. À suivre dans la région.
À noter que le 37e JSLP aura lieu du 5 au 12 mai 2018, en espérant le même beau temps, musical et météo.
La trompettiste Airelle Besson, pour clore sa 3e année de résidence, a sorti un 45 t. vinyle qui deviendra vite collector. C'est Anne Paceo qui prend le relais à la batterie et aux compositions pour deux ans.
Alain Lambert
27 mai 2017
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Mardi 10 Septembre, 2024