La chose commune. Photographie © Christophe Raynaud.
Un décor sobre, des boites lumineuses et des « torches » rouges encadrant les musiciens et leur laissant passage vers l'obscurité du fond de scène, un orgue Hammond, une grande batterie et quelques pieds de micro pour ce jazzpopéra (ou popérap) vivifiant de David Lescot, texte, mise en scène, trompette, voix/chant et Emmanuel Bex, compositeur, organiste. Avec eux sur scène, Élise Caron au chant et à la flûte, Mike Lodd au flow rappé ou slammé, Géraldine Laurent au sax alto et Simon Goubert à la batterie. Tous excellents.
Tout commence le 18 mars (1871) quand le peuple empêche les canons de quitter Paris. Le comédien le raconte tout d'un souffle, épique et gavroche, sans presque reprendre haleine tellement l'événement est formidable. Ensemble nous sommes forts dit le texte suivant en anglais, sans doute parce que des militants étrangers de l'Association Internationale des Travailleurs ont rejoint les Parisiens insurgés. Comme Elisabeth Dmitrieff dont Élise Caron nous chante l'histoire comme plus tard celle de Louise Michel. L'une en rouge et l'autre en noir.
En duo, la reprise de La Canaille, la chanson emblématique d'Alexis Bouvier, sur un mode scandé agrémenté parfois de mégaphones, avant Le temps des cerises au saxophone, introduit par un article lyrique de Jules Vallès dans le Cri du peuple du 26 mars. Ensuite les divers manifestes de la Commune, y compris du point de vue des femmes qui s'impliquèrent en nombre. Travail, égalité, éducation, laïcité, défense nationale, autogestion... tout cela résonne encore fortement dans bien des questions sociales actuelles Un hymne instrumental clôt cette période tumultueuse et riche de neuf semaines.
Pourtant, un solo de batterie monumental vient condenser toutes les luttes et conflits qui vont mener à la Semaine Sanglante, que raconte cet autre chef d'œuvre d'Eugène Pottier [voir notre chronique sur la chanson sociale et populaire] et dont David Lescot dit les dernières heures du même souffle épique qu'il avait conté les premières au début.
En rappel, un beau texte de Louise Michel sur son voyage en mer lors de sa déportation vers la Nouvelle-Calédonie, et une chanson adaptée par David Lescot de ses impressions marines, Le Sillage. Des textes de Verlaine et de Rimbaud émaillent aussi ce beau spectacle lumineux et sombre à la fois.
Un cédé, paru cette année (Le Triton 2017), en reprend l'essentiel, à quelques minutes près. Avec un livret complet qui permet de savourer autrement l'ensemble des textes.
Et ils seront au Triton des Lilas ces jeudi et vendredi 12 et 13 octobre et à D'jazz Nevers le 15 novembre. Puis retour en Normandie au théâtre de Lisieux le 13 avril 2018.
Alain Lambert
10 octobre 2017
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Vendredi 3 Novembre, 2023