Aïrés, Airelle Besson, Edouard Ferlet, Stéphane Kerecki. Alpha classics 2017 (ALPHA 298).
Après les trois réinterprétations de Bach, Ravel et Schumann le mois dernier [voir notre chronique] respectivement par Dieter Ilg, Frank Woeste et Hervé Sellin, voici Aïrés du trio Besson, Ferlet, Kerecki dont cinq plages sont des relectures de thèmes classiques entre les morceaux du trio. Mais auparavant, trois remarques s'imposent sur cette année 2017 riche en « passerelles » entre jazz et classique, pour reprendre le titre du beau disque d'Hervé Sellin.
La première à propos du pianiste du trio, Edouard Ferlet, déjà bien rodé pour cette aventure puisqu'il a publié en 2012 puis ce printemps Think Bach Op.1 et 2 où il se mesure, par l'improvisation et l'arrangement, aux œuvres de Bach, mais en allant souvent plus loin dans le jeu ludique, déconstruction, effet de miroir, transposition en mineur (Que ma tristesse demeure...) que ses devanciers. En 2015, il a prolongé l'expérience en duo avec la claveciniste Violaine Cochard dans l'intriguant et remarquable Bach : Plucked/unplucked.
La seconde à propos de son complice habituel Jean Philippe Viret qui lui s'est confronté par deux fois, dans Supplément d'âme, puis Les idées heureuses, paru aussi cette année, aux œuvres de Couperin (Les barricades mystérieuses, La muse plantine...) en les arrangeant, les improvisant, ou le plus souvent s'en inspirant pour ses propres compositions, avec son superbe quatuor à corde décalé : contrebasse, violoncelle, alto et violon.
La troisième à propos de la Pavane de Fauré, joliment reprise par le trio d'Aïrés, et déjà présente presque sous forme d'esquisse au piano dans Funambules, paru l'an passé chez Deutsche Grammofon, de Thomas Enhco en duo avec Vissilena Serafimova au marimba, où, entre les titres plus jazzy du pianiste se trouvent de belles interprétations de Mozart (sonate pour deux pianos, en trois mouvements), Saint Saëns (« L'Aquarium » du Carnaval des animaux) et Bach (sonate pour violon).
Aïrés donc, avec Airelle Besson à la trompette, Edouard Ferlet au piano et Stéphane Kerecki à la contrebasse , deux Pavanes, celle de Ravel et celle de Fauré, une aria de la Passion selon saint Jean de Bach, une Danse du sabre rebaptisée Transes du sabre de Khatchatourian et une Valse sentimentale de Tchaikovski. Sans oublier un autre écho de Bach dans l'intro de piano de Résonance, en final.
Le jeu des musiciens peut être très sobre, réarrangeant l'œuvre et y instillant un peu d'improvisation, histoire de lui donner un cachet différent, comme pour les deux pavanes et la valse. Ou bien la reprendre complètement pour en faire une œuvre autre, plus proche des compositions propres des musiciens du trio, en donnant à l'ensemble une grande cohérence où les titres dits classiques ne déparent pas, au contraire.
Le cédé s'ouvre — et se referme — avec Bach, donc, ce qui ne surprendra plus, avec un piano percussif et répétitif, secondé par la basse hypnotique et palpitante, et la trompette flamboyante. Infinité poursuit la recherche du perpétuel recommencement et sonne aussi comme un hymne. Puis Soon, Manarola, Histoire d'un enfant, Windfall, Indemne complètent le paysage musical en variant les ambiances et les couleurs.
Un bel exemple, comme les autres cités, de cette recherche musicale foisonnante qui n'hésite pas à quitter les sentiers battus mille fois pour trouver d'autres voix.
À écouter en live au Café De La Danse à Paris le 4 décembre.
Alain Lambert
15 novembre 2017
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Lundi 2 Septembre, 2024