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Vive le violoncelle à Montpellier !

La MarcaChristian-Pierre La Marca. Photographie © D. R.

Montpellier, Festival Radio France Montpellier Région, 21 juillet, par Eusebius ——

« Contes d'Orient » était intitulée la journée, de l'Orient japonais à l'exotisme de Caplet. Le violoniste, Marc Bouchkov s'étant malencontreusement blessé, le trio qui devait suivre le quatuor Van Kuijk se réduit au duo. Gade, Ries et Mendelssohn, qui étaient attendus, seront heureusement remplacés, au pied levé par Beethoven, Debussy, Messiaen et Schumann (avec Fauré en bis). Christian-Pierre La Marca et Philippe Cassard1 jouent pour la première fois ensemble. Si le pianiste ne l'avait confié en privé, rien n'aurait permis de le supposer tant leur entente est parfaite, tant la connivence heureuse est constante. C'est un régal, dès la troisième sonate de Beethoven. Intime, énergique, emporté, le jeu de chacun gagne en confiance pour terminer le premier mouvement contents et satisfaits. Le scherzo qui suit est un vrai bonheur qui se lit sur les visages,  joie des répliques, petites incises à l'unisson sont un véritable jeu,  « Io scherzo ». L'engagement est tel que Chistian-Pierre La Marca ruisselle et qu'il lui faut éponger la touche et la table de son instrument, avant l'adagio et l'allegro vivace. Ce moment de répit permet d'apprécier encore davantage le lyrisme de sa partie et le contraste du finale, à l'enchaînement remarquablement conduit. La légèreté du toucher du pianiste dans la mise en valeur du chant, la jeunesse, la fraîcheur de la lecture appellent des applaudissements nourris. Changement de climat avec Debussy. À la plénitude, à la rondeur du piano répond la liberté du violoncelle, au phrasé magnifique. La sérénade, fantasque et légère, renoue avec l'esprit qui animait le scherzo précédent : l'humour, la complicité sont évidents.  Le dernier mouvement, le plus debussyste par ses couleurs et son animation, est vraiment délicieux. Messiaen  (la Louange à l'éternité de Jésus, du Quatuor pour la fin du temps) surprend par sa gravité extatique, immobile. Ce sont alors les trois Fantasiestücke de Schumann qui constituent le plus beau des finales. La première pièce (Zart und mit Ausdrück), est pudique, intime, à l'effusion contenue, comme on l'aime, là où tant de violoncellistes se croient obligés de parodier le grand opéra. Fluide, souriante est la seconde (Lebhaft, leicht), et la dernière (Rasch und mit Feuer) déborde de passion avec toute la fougue voulue. C'est Fauré que choisiront les solistes pour un beau bis que chacun a dans l'oreille : Après un rêve.

Pablo gpnzalesPablo González. Photographie © D. R.

Le concert du soir mobilise toutes les forces du Philharmonique de Radio France, magnifiquement dirigé par Pablo González, dans un programme exceptionnel : La Péri, de Dukas, dont on ne joue le plus souvent que la magnifique fanfare qui ouvre le ballet, la plus rare Épiphanie de Caplet, où Marc Coppey déploiera tout son art, et L'Oiseau de feu dans sa toute première version de 1910.

Morceau de bravoure des ensembles de cuivres, la Fanfare pour précéder la Péri est somptueuse, même si l'on attend des attaques plus incisives.  Là n'est pas l'essentiel, mais ce qui suit : l'atmosphère étrange, mystérieuse, les couleurs sont rendues avec un une subtilité et un luxe peu communs. L'écriture puissante, originale, fouillée qui permet d'illustrer l'infinie douceur, la tendresse, la fascination comme la puissance démoniaque, séduit toujours autant qu'à sa création. Épiphanie, qu'André Caplet écrit deux ans avant sa disparition, est son ultime œuvre pour orchestre, parfaitement aboutie. Si elle figure au répertoire des grands violoncellistes, elle est néanmoins fort peu présente au concert. Les mixtures de bois et des cors, ponctués par la harpe nous emmènent dans un autre pays étrange, où le magnifique violoncelle de Marc Coppey nous fascine, particulièrement dans son ample cadence centrale, mesurée par la caisse claire, horlogère imperturbable. La virtuosité de la partie conclusive est originale et séduisante, avec la réitération des motifs initiaux.

L'Oiseau de feu est davantage connu à travers les suites qu'en tira Stravinsky que dans sa version première, le ballet qui révéla le musicien. La lecture qu'en proposent Pablo González2 et les musiciens du Philhar, heureusement diffusée sur France Musique, donc enregistrée, fera date. L'entrée des contrebasses, avec un modelé admirable, donne le ton. Féérie, rigueur et poésie, force et délicatesse, tout est là, et le public, après la danse infernale de Katchei ne peut contenir sa joie, même si cette pièce ne conclut pas le ballet. L'orchestre est galvanisé par la direction magistrale du chef. Son bonheur, lisible sur ses traits, dans sa gestique, dans son attention à chacun, sa technique superlative et son charisme nous valent une communion exceptionnelle. Souple, exigeante, imposant une autorité efficace et souriante, sa direction obtient de chacun le meilleur dans une cohésion absolument parfaite. Chaque pupitre est remarquable, mais plus encore les bois, dont le Philhar peut se montrer légitimement fier, digne de la meilleure tradition française.  C'est un grand moment que vit le public, et une journée exceptionnelle qui s'achève.

Eusebius
22 juillet 2016

1. que le Festival aura permis de retrouver dans toutes les dimensions de son art, tout à-tour soliste, accompagnateur, chambriste.

2. Le grand chef espagnol, au large répertoire – spécialiste de la musique française, il a signé un beau CD chez Hänssler – reconnu par ses pairs, par le public et la critique comme une référence est invité par les plus prestigieuses formations. Mais étrangement,  depuis qu'il a quitté l'Orchestre Symphonique de Catalogne, il n'a pas retrouvé  de port d'attache. Il le mérite pleinement, et ceux qu'il dirigera s'en féliciteront.

 

Eusebius, eusebius@musicologie.org, ses derniers articles : La félicité de Mendelssohn au Festival Radio France MontpellierLe Quatuor Diotima à MontpellierAimez-vous Brahms à Montpellier ? mais lequel ? Festival de Montpellier : Alla turca ?Contes amoureux du Maghreb à l'Orient, avec Amel Brahim-Djelloul Le secret de Menahem PresslerZoroastre, avant la Flûte… au Festival de MontpellierFantastique ! Lucas Debargue et l'Orchestre du Capitole à MontpellierChef d'œuvre d'une verve loufoque, irrésistible : Ba-Ta-ClanLes mille et une nuits de MontpellierPlus sur Eusebius.

 

 

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bouquetin

Samedi 23 Juillet, 2016 16:51