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24 août 2016, par Strapontin au Paradis ——

Soirées concertantes, récitals de jeunes interprètes, et clôture à La Roque d'Anthéron

La 36e édition du Festival international de La Roque d'Anthéron a refermé ses pianos le 18 août, avec 75400 entrées portant le taux de remplissage à soixante-dix pour cent, 500 musiciens dont 56 pianistes solistes, 85 concerts dont 36 récitals de piano, ainsi que les 18 concerts gratuits des « Ensembles en Résidence », formations de musique de chambre par des jeunes interprètes qui ont suivi les 62 master classes, répartis sur 36 scènes dans toute la région. Le rayonnement international du Festival est encore renforcé. La prochaine édition se déroulera du 21 juillet au 17 août 2017.

Outre de nombreux récitals, le Festival international de piano La Roque d'Anthéron offre une panoplie de soirées orchestrales (383 musiciens d'orchestres et de chœurs sont venus cette année), en l'occurrence des concertos pour piano. Ce fut le cas du 4 au 6 août, avec trois orchestres et cinq pianistes d'horizons différents.

Dezső RánkiDezső Ránki à La Roque d'Anthéron. Photographie © Maud Delaflotte.

Dezső Ránki (4 août) est depuis plus de trois décennies l'un des trois pianistes hongrois les plus doués avec András Schiff et Zoltán Kocsis. Accompagné de l'Orchestra Ensemble Kanazawa sous la direction de Michiyoshi Inoue qui a d'abord joué Nostalghia de Takemitsu (Abigail Young en violon solo) en guise d'amuse-bouche, Ránki interprète deux concertos de Mozart, avec un entracte interposé. Malicieux, vif et juvénile dans le no 14 (en mi bémol majeur K. 449), il se montre élégant et noble dans le no 23 (en la majeur K. 488). L'orchestre continue avec la Symphonie « Haffner » (no 35 en majeur K. 385) et malgré l'orage et la forte averse, les auditeurs, sous les imperméables en plastique distribués par le Festival, restent pour admirer jusqu'à la fin la performance des musiciens japonais. Indéniablement, un lien amical se crée entre la scène et les gradins du Parc du Château de Florans.

Michiyoshi InoueBis sous la pluie sous la direction de Michiyoshi Inoue à La Roque d'Anthéron.

Le concert terminé, à cause de la pluie qui s'intensifie, les musiciens se retirent sous un tonnerre d'applaudissements, mais voyant que les spectateurs se pressent vers la scène sans repartir, ils reviennent pour interpréter un bis, La Valse de Takemitsu.

David KadouchDavid Kadouch et Lawrence Foster. Photographie © Maud Delaflotte.

David Kadouch apparaît le lendemain (5 août) en compagnie de l'Orchestre philharmonique de Marseille et de Lawrence Foster, dans le concerto no 1 de Tchaïkovski. Riche, d'une grande fluidité dans l'expression de ses idées musicales, sans aucune lourdeur mais avec précision et délicatesse d'orfèvre, Kadouch se réapproprie l'œuvre et la libère de ces trop fréquentes interprétations à caractère postromantique, parfois pompeuses. Mais l'orchestre, terne et sans lumière, ne se prête malheureusement pas au même jeu que le pianiste… Même dans la deuxième partie où les musiciens reprennent un peu plus de vigueur, le Rodeo de Copland et Un Américain à Paris de Gershwin manquent toujours de rigueur.

À la première des trois « Nuits du piano », le 6 août, Beethoven est à l'honneur. Le concerto no 1 (ut majeur opus 15), encore mozartien, est assuré par Benjamin Grosvenor débordant de jeunesse. À la fois aérien et ferme, l'interprétation du Britannique est attrayante par ces deux caractères à première vue opposés mais jamais contradictoires grâce à sa maîtrise parfaite du clavier. Après un changement de Steinway, Barry Douglas, qui dirige Sinfonia Varsovia dans les deux concerts de la soirée, se met au piano dans le troisième concerto (ut mineur opus 37). Nous avons l'impression d'assister à la même problématique relevée avec András Schiff dans le Verbier Festival : la tâche du chef absorbe celle du pianiste, laissant de nombreux détails non digérés.

Raman el BachaAbdel Raman El Bacha. Photographie © Samuel Cortès.

En revanche, Abdel Rahman El Bacha est royal dans le quatrième concerto (en sol majeur opus 58), avec sa propre cadence dans le premier mouvement, parfaitement dans le style. Le choix du Bechstein n'est certainement pas étranger à la clarté sobre de sa sonorité, renforcée par son assise technique et sa méticulosité. La deuxième symphonie en majeur opus 36 ajoute un petit agrément pour terminer la soirée.

Ospital Thomas Ospital, à l'église Notre-Dame de Beaulieu. Photographie © Maud Delaflotte.

Il y eut cinq récitals de clavecin et deux d'orgue cette année à La Roque d'Anthéron. L'un de ces deux derniers, le 7 août, c'est Thomas Ospital, titulaire du grand-orgue de l'église Saint-Eustache à Paris depuis mars 2015, qui l'assure à l'église Notre-Dame de Beaulieu, à Cucuron. Un voyage du début de la Renaissance, au 16e siècle, jusqu'au style galant, à la fin du 18e, avec les œuvres de H. Scheidemann (1695-1663), J. J. Froberger (1616-1667), A. de Cabezon (1510-1566), J. K. Kerll (1627-1793), C. P. E. Bach (1714-1788) et J. S. Bach (1685-1750). Il y insère des pièces anonymes de danses en alternant avec des versets improvisés, très modernes, à des jeux colorés. Dans le Pastorale de J. S. Bach (BWV 590), il remplace l'« Adagio » par une improvisation, compte tenu du tempérament de l'instrument. Captivante est sa variété colorée de jeu, aussi bien que son programme.

AbduraimovBehzod Abduraimov. Photogaphie © Maud Delaflotte.

Behzod Abduraimov est incontestablement l'un des pianistes les plus en vue de sa génération. Son engagement musical, d'une profondeur saisissante, envoûte l'assistance qui vit une véritable communion avec la musique née des doigts du jeune Ouzbek (7 août). Si la première ballade de Chopin et deux Moments musicaux de Schubert, tour à tour dramatique et précieux, sont déjà remarquables, c'est dans l'« Appassionata » de Beethoven qu'il révèle son plein potentiel, en déployant toute la passion qu'on peut imaginer de cette musique. Il « méduse » l'audience par l'unique force de la musique qu'il crée — rien de spectaculaire dans ses gestes — en l'entraînant complètement dans son univers, notamment dans le dernier mouvement. On vit également toutes les émotions au rythme de la sixième sonate de Prokofiev : accords robustes, mélodies rêveuses, formules obsessionnelles, séquences opiniâtres… En bis la sicilienne de Vivaldi/Bach/Cortot et La Campanella de Liszt résument son jeu, avec le chant beau et raffiné, et la virtuosité admirablement maîtrisée mais irrésistiblement élancée.

Stapontin au Paradis
24 août 2016

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