Paris, de David Bobée. Photographie © Arnaud Bertereau - Agence Mona.
La Renaissance de Mondeville est devenue par la magie de la vidéo une place de Paris où les passants et les touristes défilent comme des géants au milieu des petites Tours Eiffel vendues par les marchands ambulants. L'une d'elle, plus grande, trône au bord de la scène.
Puis un comédien danseur chante en play-back Emmenez moi au bout de la terre, d'Aznavour, tout en se déhanchant, avant que la chanson n'explose en lumière et en son.
Marc Agbedjidji le remplace pour nous emmener au bout de la terre, justement, les rues parisiennes et cosmopolites, dans son camion poubelle, accompagné de ses deux collègues, joués et dansés comme tous les autres rôles par Marius Moguiba. Sauf le mazarin blanc (Angelo Jossec) en seconde partie.
Parfait de Paris, originaire du Congo, raconte dans le détail sa journée de travail pendant que les rues, les échoppes et les anecdotes de vie défilent et que les bennes sont englouties par le camion conduit par lui.
Une vendeuse chinoise lui vend un briquet dans lequel un petit bouton fait apparaître une pin-up russe dénudée, qui va accompagner Parfait pour la suite de sa tournée, et qu'il invite chez lui dans un immeuble délabré. Mais pas son studio, propre comme un sou neuf, et meublé au minimum, sauf sa garde-robe.
Car Parfait est un sapeur, le meilleur ! (SAPE : société des ambianceurs et personnes élégantes, apparue au moment de l'indépendance du Congo). À minuit, il a quitté sa combinaison verte à gilet jaune pour une tenue jaune avec blouson vert en faux croco, et gagné en Rolls de location, accompagné d'un porteur d'ombrelle blanc(s), la salle des fêtes où tous les sapeurs se retrouvent et se défient.
Sauf que cette nuit, la petite pin up s'éteint définitivement, ce qui va bien sûr avoir des conséquences sur la soirée et mettre à nu les ambitions, et pas seulement, du roi de la SAPE.
Cette disparition se fait d'ailleurs dans une démultiplication vidéo à l'infini, en nombre et en taille, de la petite image féminine qui plonge le décor dans une atmosphère fascinante et surréelle façon Delvaux.
Cette pièce dit beaucoup de choses du petit peuple cosmopolite parisien, à travers l'adaptation d'un chapitre du livre de Frédéric Cimiez, Mélo. Le boulot harassant, mais aussi l'estime de soi, au volant de son camion comme à l'arrière de la Rolls, louée pour une nuit. Aussi en mettant sur scène deux acteurs noirs pour un second rôle blanc, un simple accessoire un peu bavard et remuant.
La force de la pièce tient bien sûr à la richesse élégante et décapante du récit du narrateur, au jeu des acteurs et du danseur, impeccables.
Mais aussi au décor sobre fait d'écrans mobiles pour la création vidéo de José Gherrack et Wojtek Doroszuk, dévoilant un moment un petit balcon d'immeuble donnant sur la ville illuminée. Et reflétant le reste du temps la vie des rues, d'abord, le jour puis la nuit. Ensuite les danseurs et les lumières de la salle des fêtes.
Le tout dans une osmose avec la création sonore électro-rock de Jean Noël Françoise, habitué des expériences musicales et théâtrales de David Bobée, avec qui il travaille depuis que ce dernier est venu faire ses études de cinéma et de théâtre à Caen. Et avec beaucoup d'autres, ici (comme le Panta théâtre) et ailleurs.
Un spectacle à découvrir encore en tournée. À ne pas rater !
À la Renaissance, suite du SuperMonde Afrique(s) (toutes les infos sur le site)
avec de la danse hip-hop, Transe, le 13 octobre
puis le duo Ballaké Sissoko et Vincent Segal le 4 novembre.
Alain Lambert
5 octobre 2016
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Jeudi 22 Août, 2024