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Mozart joué par le PMO, chanté par Myrto Papatanasiou, éclairé par un rappeur, dirigé par Claire Gibault

Paris Mozart Orchestra, Myrto Papatanasiou, Claire Gibault. Photographie © PMO.

Paris, Conseil Economique, Social et Environnemental, 2 juin 2016, par Eusebius ——

Depuis plusieurs années, le Paris Mozart Orchestra va à la rencontre de jeunes sur leur lieu de vie et d'études, puis les invite dans une grande institution parisienne, défendant l'accès de tous à toutes les cultures et aux pratiques musicales collectives. Ainsi une douzaine d'établissements scolaires publics des académies de Créteil et de Versailles ont-ils été associés à une action dont le concert d'aujourd'hui1 constitue le couronnement. Le cadre n'est pas spécialement dédié à la musique : le splendide péristyle du Palais d'Iéna, siège du Conseil Economique, Social et Environnemental, réalisé par Auguste Perret2. On est même en droit de s'interroger sur l'acoustique tant on connaît la réverbération du béton armé. Mais le nombreux public va miraculeusement transformer ce vaste hall en une authentique salle de concert. L'orchestre, surélevé, est placé au centre, et la proximité des auditeurs aux musiciens facilitera la rencontre. Malgré le travail pédagogique en amont, il serait surprenant que beaucoup de ces jeunes soient familiers de Mozart. Du reste, c'est un rappeur, Rost, auquel est confié le soin de présenter avec humour, conviction et intelligence, ce qu'il appelle délibérément « chanson » au lieu d'air d'opéra. Bien qu'abordant un très large répertoire avec un égal bonheur, la soprano grecque Myrto Papatanasiou est radicalement mozartienne. On a eu le bonheur de l'écouter récemment dans le Mitridate de Mozart (Sifarès), dirigée par Emmanuelle Haïm (Paris, TCE, et Dijon), puis par Christophe Rousset (Bruxelles). On se souvient aussi d'une merveilleuse Fiordiligi. Elle va nous offrir en outre une Donna Anna (Don Giovanni) splendide dans un des airs les plus périlleux du répertoire : « Non mi dir ». Chant corsé, avec des graves pleins et de aigus de velours ; une technique qui force l'admiration, une maîtrise exceptionnelle pour une expression juste et émouvante.  Auparavant l'air de Sifares (Mithridate) « Lungi da te », où la soliste dialogue avec le cor (de Camille Lebrequier), pris dans un tempo très retenu, nous charme par sa conduite : la voix est longue à souhait, égale dans tous les registres, du très grand art. Quant au récitatif et à l'air de Fiordiligi (Cosi fan tutte) « Per pietà »,  pour lequel Myrto Papatanasiou a troqué sa tenue de travesti pour une splendide robe longue, c'est une leçon de chant mozartien, tant pour sa diction, ses accents, son expression et ses couleurs. Les aigus sont lumineux et les graves colorés. Un moment de bonheur. Le public, bien que jeune, ne s'y trompe pas, qui, après un silence concentré, laisse exploser sa joie.

Claire Gibault et quelques-unes de ses protégées. Photographie © PMO.

Entretemps, Claire Gibault et le PMO nous auront offert une 40e en sol mineur d'une lecture indéniablement personnelle, mûrie, inspirée, décapante pour tout dire. Si le premier mouvement, d'une vie intense, se signale par un souci de clarté mélodique constant, l'andante est très allant. Chaque pupitre s'y exprime avec une évidence rare. Les contrastes en sont accusés, véritables coups de poing très Sturm und Drang. C'est ensuite le menuet (allegretto) le plus audacieux jamais entendu, énergique, puissant, échevelé, avec lequel le trio – charmeur – confié aux bois, tranche violemment. Le finale (allegro assai), fiévreux, lyrique, aux suspensions dramatiques, nous emporte. Le MPO mérite et honore plus que jamais son patronyme. L'ensemble est d'une cohésion parfaite, d'un équilibre permanent, animé par la même passion, que fait vivre et canalise magistralement Claire Gibault3.

Eusebius
5 juin 2016

1. de fait, deux concerts, à 16h et 19h, tant la demande est importante.

2. à qui l'on doit, entre autres, le Théâtre des Champs-Élysées.

3. Faut-il rappeler que Claire Gibault, boudée si longtemps par nos grandes formations, fut reconnue par les Berliner Philharmoniker, par la Scala (elle fut la première femme à diriger en ces deux endroits), par Covent Garden, par Glyndebourne… ? Assistante de Gardiner, adjointe de Claudio Abbado à Bologne, elle en poursuit l'œuvre avec la création du Paris Mozart Orchestra en 2010.

 

Eusebius, eusebius@musicologie.org, ses derniers articles : L'ensemble Racines du temps à DijonDe découvertes en découvertes, avec les Traversées baroques Opéra de Dijon : le défi de MédéeDon Giovanni chez lui à Prague — Vraiment, c'est Mozart qu'on assassine ? Le scandaleux abandon de la Villa Bertramka — Naissance de Vénus : musique française a cappella, par Arsys — « Qu'au loin s'enfuient les songes, et les fantômes de la nuit… » Curlew River, de Benjamin Britten — Plus sur Eusebius.

 

 

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bouquetin

Mardi 7 Juin, 2016 2:52