« Mimi, scènes de la vie de bohème » : opéra branché ou brechtien ?

Théâtre de Caen, 11 mai 2016, par Alain Lambert ——

Mimi, scènes de la vie de bohème. Photographie © Guillaume Vincent.

Des voix « pop » rauques, Camelia Jordana et Caroline Rose. Un orchestre contemporain dirigé par Jean Deroyer, en surplomb derrière de beaux rideaux tissés d'ombres, l'ensemble Court-Circuit. Qui n'hésite pas à devenir brass band ou rock band en transe, en descendant d'un étage. Un tatami aux multiples matelas qui évoque autant la bohème que la neige. Un assemblage hétéroclite d'objets plus ou moins modernes, une boule à facettes de boite de nuit, un assemblage de styles musicaux et théâtraux...

On pourrait parler de kitsch, mais on risquerait d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui ont quitté la salle dès le début, ou pendant les applaudissements, comme s'ils s'enfuyaient.

Le début est sans doute trop brouillon, comme les deux premiers tableaux, pour capter l'adhésion des indécis, et leur permettre de rester jusqu'au bout.

Mais il y a de bons moments dans cette relecture de l'opéra de Puccini mise en scène par Guillaume Vincent. Et une certaine réussite dans la distanciation, en prenant les airs, en les décalant par le jeu des dissonances et du ralenti du compositeur Frédéric Verrières. En jouant du double chant avec la Mimi lyrique (Judith Fa), ou du collage quand la voix de Rodolphe (Christian Helmer) se mue en voix de soprano.

En épurant l'intrigue, comme le fait Bastien Gallet dans son livret, pour ne parler que de la difficulté de l'amour dans l'aliénation. Le jeu entre Musette (Pauline Courtin) et Marcel (Christophe Gay) dans cet intermède sur la fonction de l'opéra est absolument réussi, quand le discours marxiste façon Brecht s'y trouve à son tour distancié par une apostrophe du chef d'orchestre au comédien.

Dans le final, chanté en solitude, Camelia Jordana, malgré la volonté de décalage, retrouve le pathétique originel.

En attendant le Trouvère, du 19 au 25 juin. Toutes les infos sur le site du théâtre.

Alain Lambert
11 mai 2016