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29 février 2016, par Jean-Marc Warszawski ————

Les musiciens et la Grande Guerre : sérénade

Les musiciens et la Grande Guerre

 

Les musiciens et la Grande Guerre (XIV)  : « sérénade », Quatuor Calidore, œuvres de Hindemith, Stravinsky, De la Presle, Toch, Millhaud. Hortus 2015 (HORTUS 714).

 

À l'occasion du centenaire de la commémoration de la guerre de 14-18, les éditions Hortus et WW1 Music se sont engagés dans une ambitieuse collection nommée « Les Musiciens et la Grande Guerre » en trente volumes à paraître jusqu'en juin 2018.

Que connaissons-nous du répertoire des auteurs tombés au combat ? Qu'elle a été l'emprise du conflit sur l'inspiration des compositeurs ? Qu'en est-il des hommages musicaux écrits dans l'immédiat après-guerre ? Voici quelques questions auxquelles cette collection, labellisée par la Mission du Centenaire, propose de répondre en une anthologie sonore d'œuvres composées pendant le conflit, dans les années qui l'ont pré¬cédé ou après l'Armistice, afin u'en appréhender au mieux le contexte comme l'atmosphère historique et culturelle.

Ce 14e volume est interprété par le Quatuor Calidore, trois quatuors ont été composés soit loin du front (Darius Milhaud et Igor Stravinsky), soit après la fin de la Guerre (Paul Hindemith), chacun d'entre eux, à sa manière, constitue en réalité l'aboutissement d'une maturation de cette forme au cours des années de Guerre ou plus largement d'une évolution en cours depuis 1913 avec Le sacre du printemps pour Stravinsky.

C'est à un jeune compositeur, encore peu expérimenté, Jacques de la Presle, alors replié dans un tunnel sous les bombardements, qu'il reviendra, de manifester que la musique est plus forte que la mort ambiante, l'ennui et ïe désespoir. Du côté des forces de la Triple-Alliance, l'autrichien Emst Toch, se réfugie lui aussi dans la musique pour marquer sa volonté de survivre.

La quatuor Calidore, dont le nom est un néologisme formé par « California » et « doré » (la Californie est surnommée Golden State, État doré), a d'abord été domicilié à Los Angeles, il est actuellement en résidence et enseignant dans l'État de New York. Il s'est produit dans de nombreux festivals et bénéficie d'une presse élogieuse. Il est composé par Jeffery Myers (violon), Ryan Meehan (violon), Jeremy Berry (alto), Estelle Choi (violoncelle).

Les amateurs de musique de chambre seront comblés pas cet enregistrement de grandes qualités, l'interprétation et le programme faisant se succéder des chefs d'œuvres. Le gigantesque quatuor en cinq mouvements de Paul Hindemith sombre et sarcastique, abandonné aux abandons expressionnistes, avec des épisodes de vive motricité, se termine toutefois par une esquisse dansante imaginée peut-être du côté de Prague en introduisant ainsi fort bien les trois pièces de Stravinsky, plus lumineuses, voire facétieuses, sinon la troisième tissant des inquiétudes autour du Dies irae. La suite de Jacques de la Presle s'ouvre avec éclat sur un menuet qui ressemble à un brillant et alerte tambourin se transformant en valse, devient plus pensif dans sa « Chanson intime », et se termine en « Fêtes » qu'on pense joyeuses, aux accents ici et là anglos-saxons. En 1916, Ernst Toch n'est pas encore avant-gardiste, il sert dans l'armée, et compose avec avec sa sérénade une rêverie autrichienne quelque peu bucolique, résistante à l'expressionnisme, mais qui se laisse tout de même envahir à toutes les voix par une vague d'inquiétude pour s'achever relativement sereinement. Brièvement introduit par une allure de marche guillerette, le quatuor de Darius Milhaud plonge dans un long épisode élégiaque, funèbre comme en est son titre, et se conclut aussi brièvement qu'il a été introduit par une récapitulation opposant le caractère lent et sombre à celui plus allant et sonore.

Toutes ces pièces, d'une grande virtuosité concertante, utilisent plutôt les effets groupés orchestraux que le contrepoint de solistes. Signe des temps ?

 

Jean-Marc Warszawski
29 février 2016

 

Jacques de La Presle, Suite en sol. I. Menuet pittoresque (extrait), plage 9.

 

1-5. Paul Hindemith, Quatuor à cordes no 4 opus 22 (1921) : 1 Fugato. Sehr langsame Viertel ; 2. Schnelle Achtel. Sehr energisch ; 3. Ruhige Viertel. Stets fließend ; 4. Mäßig schnelle Viertel ; 5. Rondo. Gemächlich und mit Grazie.

6-8. Igor Stravinski (1882-1971), Trois pièces (1914).

9-11. Jacques de la Presle (1888-1969), Suite en sol (1918) : 1. Menuet Pittoresque ; 2. Chanson Intime ; 11 Fêtes.

12. Ernst Toch (1887-1964), Sérénade pour 2 violons et alto (Spitzweg) (1916).

13-15. Darius Milhaud (1892-1972), quatuor no 4 (1918) : 1. Vif ; 2. Funèbre ; Très animé.

 

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