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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. V. La musique instrumentale au temps de Mozart et de Haydn : Autriche.

La musique concertante de Joseph Haydn

La musique symphonique ; la musique de chambre ; la musique pour clavier ; la musique concertante.

Indubitablement, cette partie de la production de Haydn, quand on la compare aux massifs que constituent les quatuors, les symphonies, les sonates ou les trios avec clavier, « ne fait pas le poids ». En vérité, « contrairement à Mozart, Haydn s'intéressa relativement peu au concerto, et pratiqua ce genre surtout dans sa jeunesse, avant et juste après son entrée au service des princes Esterhazy, dans le but notamment de mettre en valeur la virtuosité des musiciens qu'il avait sous ses ordres. Les seuls concertos de l'âge mûr de Haydn sont celui pour violoncelle en (1783), celui en pour clavecin ou piano publié en 1784, les cinq pour deux « lire organizzatte » composés en 1786-1787 pour le roi de Naples, et celui pour trompette en mi♭ (1796) —  ce à quoi s'ajoute son unique symphonie concertante (1792). »85 Quoi qu'il en soit, il y a là-dedans des pages de valeur, et, plus largement, de nombreux moments de simple bonheur musical où on retrouve certaines des qualités (spontanéité, vivacité…) de notre cher Haydn.

Concertos pour orgue et/ou pour clavecin

À la rubrique « Hob XVIII » du catalogue figure un total de onze concertos relevant de ce type, dont deux (les nos 7 et 9) sont généralement mis à l'écart, l'un (no 9) étant apocryphe, l'autre n'étant qu‘un arrangement (et pas forcément de la main de Haydn) du trio avec clavier Hob XV : 40.

Sur les neuf restants, trois sont indiscutablement destinés au clavecin (ou au piano) : les Hob XVIII : 3 et 4, respectivement en fa majeur et en sol majeur, écrits dans les années 1765 à 1770 avec un accompagnement limité aux seules cordes, et le Hob XVIII : 11 en majeur, qui fait appel au renfort de deux hautbois et de deux cors et fut composé vers 1780.

Les six autres (le no 1 en ut majeur, le no 2 en majeur, le no 5 en ut majeur, le no 6 en fa majeur, le no 8 en ut majeur et le no 10 en ut majeur), qui remontent en toute vraisemblance aux années 1755 à 1760, passent  tous pour avoir été écrits pour orgue, l'un d'entre eux (le no 6) étant même un double concerto pour orgue et violon. Mais des doutes subsistent à cet égard, d'autant que leur écriture ne fait pas appel au pédalier, de sorte que les six peuvent tout aussi bien se jouer au clavecin, et parfois même, comme le no 2, sonnent particulièrement bien au piano.

Pas ou peu de pages essentielles dans tout cela, mais une partie au moins de ces œuvres mérite le détour. C'est notamment le cas des trois écrits pour clavecin (ou piano), avec une mention toute spéciale pour le no 11 en majeur, qui retient l'attention par son superbe Poco adagio et surtout par son brillant Rondo all'ungherese final (ce n'est pas pour rien que des pianistes de haut rang comme Michelangeli, Richter, Argerich et Larrocha se sont intéressés à ce concerto…). Quant aux autres, qui ne sont pas sans évoquer le style des concertos pour orgue de Händel, on y relève des qualités de liberté et de séduction qui ne peuvent laisser indifférent, notamment dans les trois (nos 1, 2 et 6) auxquels Haydn a donné des proportions relativement vastes. Dans le lot, on tendra en particulier l'oreille à cette petite perle que constitue l'ample Adagio molto du no 2 en majeur, du « Mozart avant la lettre »…