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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. V. La musique instrumentale au temps de Mozart et de Haydn : a. Autriche.

La musique pour clavier de Joseph Haydn

La musique symphonique ; la musique de chambre ; la musique pour clavier ; la musique concertante.

Par « clavier », nous entendons ici clavecin, pianoforte et éventuellement clavicorde, à l'exclusion de l'orgue pour lequel — hormis des concertos — Haydn n'a rien composé, à moins d'y rattacher la trentaine de petites pièces écrites entre 1772 et 1793 pour un orgue mécanique du nom de Flötenuhr (« horloge à flûte »).

On a tellement fait de Haydn le champion du quatuor et de la symphonie que l'on a longtemps sous-estimé l'importance de sa production pour clavier, oubliant du même coup que, toute sa vie, le musicien a entretenu un commerce assidu avec les instruments à clavier : le clavecin a été le premier instrument qu'il ait appris ; il y acquit une réelle maîtrise, s'en servit beaucoup pour improviser, pour donner des concerts et surtout pour composer ; et la découverte des possibilités offertes par le pianoforte ne fit que développer son attachement à ce type d'instrument, comme en témoigne cette note teintée de tristesse retrouvée dans ses carnets où, lors de son dernier anniversaire, il dit avoir vendu son « beau pianoforte ».

Avec plus de cinquante sonates et une douzaine de pièces diverses, le catalogue pour clavier qu'il nous a laissé est impressionnant et couvre l'intégralité ou presque de sa carrière créatrice, de 1755 environ à 1795. Des œuvres conçues pour les amateurs à celles destinées aux connaisseurs, des pièces à vocation didactique aux grandes œuvres de concert, elles retracent l'évolution d'un compositeur fécond et aventureux, qui, loin de se contenter d'épouser les goûts et styles de son époque, s'est lancé à la conquète de nouveaux sommets, et les a atteints « dans la voie étroite, infiniment plus stimulante à son gré, de la discipline bellement consentie. La logique, la clarté, le refus du superflu fondent sa force ; ils ne l'empêchent pas d'exercer la seule vraie forme de liberté qu'il ait revendiquée : celle de divertir en composant. »7  

Les sonates ; Variations ; Divers.

Les sonates

Au même titre que ses quatuors et ses symphonies, les Sonates pour clavier de Haydn constituent un pan majeur de sa production. Non qu'il faille là encore lui attribuer la paternité du genre : il a tenu lui-même à dire tout ce qu'il devait en la matière à Carl Philipp Emanuel Bach, et ses sonates dénotent ici et là quelques autres influences comme celle de Domenico Scarlatti et surtout — du moins dans une première période — de certains de ses prédécesseurs viennois, Wagenseil notamment. Cependant, son apport en ce domaine est de la plus haute importance : il « a fait de la Sonate une forme aux ressources variées et infinies, capable de répondre à toutes les exigences d'une expression que le Romantisme naissant veut de plus en plus personnelle et véhémente. Les cadres créés par Haydn sont toujours vivants et neufs grâce à la merveilleuse spontanéité, à la liberté d'esprit, à la sagacité sans pareilles de l'auteur de la Création, pour qui jamais la forme ne fut quelque chose de préfabriqué, de figé, mais, bien au contraire, un moule souple et malléable au service de la pensée et de l'expression. »8

Bien sûr, la formidable maîtrise du compositeur s'est affirmée par étapes tout au long des quelque quarante années qui séparent la première et la dernière des sonates qui nous sont parvenues. Aussi les répartirons-nous ci-dessous en quatre grandes périodes distinctes, en les identifiant d'après le numéro qui leur est donné dans la classification la plus suivie aujourd'hui, celle établie par Christa Landon, mais en prenant soin de rappeler en regard la traditionnelle classification Hoboken (Hob....) qui est encore de mise dans de nombreuses sources.

Sonates composées avant 1765

Deux de ces dix-huit Sonates (les numéros 7et 8) sont frappées d'inauthenticité et quelques autres ne sont pas exemptes de soupçons. Elles se présentent en fait sous le nom de « divertimenti » (ou « partitas »), une appellation que Haydn utilisera d'ailleurs fréquemment jusque dans les années 1770. Traits communs de ces premiers essais : ils sont très  « clavecinistiques », s'adressent soit aux élèves du jeune maître, soit à un public d'amateurs, et, outre la présence de traits empruntés aux italiens, trahissent une forte influence de Wagenseil qui, aux environs de 1755, avait publié trois recueils de sonates.

Sonates nos 1 à 9

On a là des œuvres très brèves, généralement en trois mouvements vite expédiés, le plan le plus fréquent revenant à intercaler un menuet entre deux mouvements rapides. Autant dire que la forme sonate n'y trouve pas encore son compte, et on se prend parfois à regretter que le jeune musicien en soit resté au stade de l'ébauche car, à partir de la sonate no 4, apparaissent sous sa plume des traits et des idées qui révèlent déjà des dons peu ordinaires. Dans le lot, on serait tenté de distinguer la no 8 en la majeur (Hob XVI : 5), la plus développée des neuf avec son Allegro très scarlattien, mais son authenticité est parfois mise en doute…

Sonates nos 10 à 16

Sans doute avons-nous ici aussi des œuvres qui relèvent d'une époque où, comme il le dira plus tard, Haydn composait « avec zèle mais sans trop de fondement encore », mais le musicien y franchit nettement un seuil : la manière devient plus expressive, en partie par l'introduction plus fréquente de mouvements lents ; les développements se font parfois plus amples et la liberté plus grande. Certes, on reste encore sur sa faim avec les sonates no 10 (Hob XVI : 1), un peu « facile », et no 14 (Hob XVI : 3), passablement aride et décharnée. Mais, avec les sonates no 12 (Hob XVI : 12), no 15 (Hob XVI : 13) et no 16 (Hob XVI : 14), pourtant fidèles au plan en trois mouvements avec menuet central, l'intérêt monte déjà d'un cran du fait de l'apparition de tournures plus personnelles et grâce au brio des prestos conclusifs, si caractéristique du compositeur. Surtout, Haydn nous offre un premier chef-d'œuvre avec la sonate no 11 en si♭majeur (Hob XVI : 2). Qu'il lui ait donné le nom de Partita (et non de Divertimento) n'est sans doute pas anodin, car c'était indiquer par là qu'il la destinait aux connaisseurs, voire à son propre usage. On opterait volontiers pour cette dernière hypothèse tant on est frappé par le caractère de confidence intime de cette œuvre, loin de toute recherche de prouesses digitales, et par sa portée expressive qui culmine dans un Largo central en sol mineur superbement inspiré. Et, en parfait contraste avec cette œuvre toute d'intériorité, voici l'autre Partita de la série : la sonate no 13 en sol majeur (Hob XVI : 6). Dans son genre, nettement moins « policé », passablement « déjanté » même avec ses débordements baroques, cette vaste sonate en quatre mouvements est quant à elle un vrai petit chef-d'œuvre d'imagination et de fantaisie qui mériterait de figurer plus souvent dans les programmes de récital.

Sonate no 11 en si♭majeur Hob XVI, Moderato.
Sonate no 11 en si♭majeur Hob XVI, Largo.
Sonate no 13 en sol majeur Hob XVI :6 (I. Allegro) par Laurent Martin.

Sonates des années 1765 à 1771

Au cours de cette période (sonates nos 19 à 33), Haydn s'inscrit nettement dans le sillage de Carl Philipp Emanuel Bach dont il avait étudié l'Essai sur la vraie manière de jouer du clavier, et va lui-même cultiver la passion et l'émotion d'autant plus volontiers qu'à l'approche de 1770, l'heure va être aux convulsions du Sturm und Drang musical. Mais, parallèlement à l'approfondissement de l'expression, l'écriture se fait de plus en plus élaborée : « Sous les allures, parfois, de l'improvisation, la forme sonate s'affermit, la trame se resserre, un matériau efficace y est traité de façon inventive et variée (voyez en particulier les réexpositions, toujours pleines de métamorphoses). À la verve rythmique, à l'approfondissement mélodique répond une harmonie de plus en plus riche, étayée le plus souvent par un art consommé du contrepoint. »9   

Sonates nos 19 à 28

Sur ces dix œuvres dûment recensées au catalogue Landon, sept n'y figurent hélas que pour mémoire puisqu'il s'agit de sonates perdues dont on ne connaît que les incipit. Ces Sonates (nos 21 à 27), dont deux adoptent des tonalités mineures, ce qui ne fait que déplorer un peu plus leur absence, pourraient bien avoir disparu définitivement en 1768 dans l'incendie qui ravagea la maison de Haydn, à une époque où celui-ci se devait de garder sous clé ses compositions afin d'en empêcher la divulgation. Mais peut-être ne faut-il pas désespérer : une autre sonate (la no 28 en ré majeur Hob XIV : 5), qu'on croyait aussi définitivement perdue, a été redécouverte en 1961 sous une forme fragmentaire comportant un menuet complet (au demeurant très intéressant) ainsi qu'une partie du premier mouvement, ce qui a permis d'en réaliser une reconstitution.

Ne nous restent donc, dans une configuration complète et incontestable, que deux œuvres, les sonates no 19 (Hob XVI : 47) et no 20 (Hob XVI : 18). La première, qui n'est autre que la version originale (et seule authentique) de la sonate no 57, séduit surtout par son Adagio et se signale par une succession de mouvements inédite puisqu'elle s'ouvre sur ledit Adagio (en mi mineur) et enchaîne en mi majeur sur un Allegro suivi d'un menuet. La seconde, en si♭majeur, s'affiche modeste avec ses deux mouvements (Allegro moderato, puis Moderato), mais elle a tout d'une grande par la richesse des idées et le raffinement de l'écriture. Balançant en permanence entre insouciance et tension, en passant par des syncopes et des silences éloquents, elle est de celles auxquelles on revient avec un enchantement toujours renouvelé.

Sonate no 20 en si♭majeur Hob XVI : 18 (I. Allegro moderato) par Zoltan Kocsis.

Sonates nos 29 à 32

« Composée en 1766 (on en posséde l'autographe daté), [la sonate no 29 en mi♭majeur (Hob XVI : 45)] inaugure un ensemble de chefs-d'œuvre connus et reconnus, parmi les plus joués de la série des sonates. La forme trouve son équilibre, et l'invention du compositeur une force et une plénitude que des sonates futures pourront envier. »10 Si elle introduit en douceur cette série de grandes sonates de concert marquées du sceau du Sturm und Drang, cette 29e sonate, qui se conclut sur un éblouissant Allegro di molto, illustre déjà ce supplément de maîtrise acquis par le musicien. La suivante, no 30 en majeur (Hob XVI : 19), qui adopte un plan identique en trois temps (Moderato, Andante puis Allegro), va plus loin encore en terme d'audaces et de nouvelles conquêtes. En sol mineur et en deux mouvements seulement, la sonate no 32 (Hob XVI : 44), évolue quant à elle dans un climat intimiste et grave, marqué par des soupirs et des silences très prenants dans le Moderato initial.

Sonate no 29 en mi♭majeur Hob XVI : 45 (III. Allegro di molto), par Zoltan Kocsis.
Sonate no 32 en sol mineur Hob XVI : 44 (I. Moderato), par Petras Geniusas.

Sommet absolu de ce groupe, et justement considérée comme l'une des plus belles sonates de Haydn, en particulier grâce à un sublime mouvement lent : la sonate no 31 en la♭majeur (Hob XVI : 46). Face à cette œuvre aux vastes dimensions, on est d'autant plus admiratif que « trois aspects essentiels du compositeur s'y montrent successivement. Voici, dans l'Allegro moderato, l'inventeur inépuisable de motifs, de figures, de dessins capricieux ; on dirait qu'il improvise […] Haydn le lyrique, que l'on connaît moins, atteint dans l'Adagio (en ♭) une extraordinaire profondeur de sentiment : écoutez à la main gauche ce dialogue amorcé de deux voix, où la droite vient se joindre, la merveilleuse expansion de ces gammes chantantes, sur ces trilles insistants, les harmonies inspirées du développement, et plus que tout, juste avant la fin, cette digression inattendue, en octaves brisées, qui nous emporte avec la bémolisation en des régions plus lointaines encore, où le cœur chavire […] Enfin, dans le Presto final, en forme sonate, […] c'est l'homme d'esprit et de badinage, l'alerte humoriste, le cabri facétieux … »11

Sonate no 31 en la ♭majeur Hob XVI :46 (III. Presto) par Zoltan Kocsis.

Sonate no 33

Couronnement génial de la série des sonates de la phase Sturm und Drang, cette Sonate no 33 en ut mineur (Hob XVI : 20), que Haydn écrivit en 1771 mais  garda longtemps dans ses cartons avant de la publier tant il en mesurait le caractère « subversif », n'a rien à envier aux meilleures des cinq sonates de la fin. Au côté des symphonies (nos 42 à 47) et des quatuors (opus 17 et 20), elle illustre à merveille cette brève mais prodigieuse période « de fièvre romantique de la création haydnienne. Cette fièvre se trouve ici maîtrisée par une forme et une écriture parfaites, de sorte que ce chef-d'œuvre unissant tension, violence et poésie (M. Vignal) est aussi un modèle d'équilibre. »12

Dans ses trois mouvements amplement développés, cette 33e sonate « concilie la fièvre préromantique et un caractère élégiaque, intensément poétique, avec même, dans l'Andante con moto en la♭ une anticipation d'un passage du quatrième concerto de Beethoven. Loin d'apporter un sentiment de détente, l'Allegro final mène l'œuvre à un nouveau sommet dramatique. »13 Ce qui nous vaut là un des finales les plus abrupts et tendus, et en même temps les plus fabuleux, du compositeur.

Sonate no 33 en ut mineur Hob XVI : 20, par Christian Zacharias (studio 1977).

Sonates des années 1773 à 1784

Avec les sonates (nos34 à 56) de ces années-là, on va vite entrer dans une phase nouvelle de la vie créatrice du musicien, où ses sonates vont être publiées (souvent en recueils) peu après leur composition. Mais c'est aussi une époque nouvelle au plan artistique : « La tourmente s'apaise et une certaine galanterie envahit l'œuvre de Haydn en même temps que son style pianistique s'assouplit, se clarifie au contact de Mozart, malgré de brusques crises romantiques (Sonates nos 47 et, dans une moindre mesure,49 et 53). »14 Malgré toute leur diversité, ces sonates apparaissent dans l'ensemble en recul sur les précédentes, et « beaucoup de critiques ont eu du mal à admettre une chronologie (pourtant prouvée) où à des pages brûlantes et pathétiques succède un ton de badinage et de légèreté. Cependant l'invention de Haydn est toujours aussi fertile, et même davantage, comme s'il compensait par des trouvailles purement formelles, par des jeux d'esprit et d'écriture, et aussi par cette joviale santé partout répandue, ce qu'il nous retire en émotion et en profondeur ; on le verra, en particulier, renouveler de toutes les façons le tonique mélange du rondo et de la variation. Mais ne soyons pas injustes : il lui arrive d'employer à nouveau, quoique de manière moins spontanée, plus raisonnée, une palette sombre, des accents dramatiques ; et ce d'autant plus qu'il a désormais en vue, indubitablement, le pianoforte, ses possibilités dynamiques, ses contrastes, ses tenues, son toucher sensible à la pression la plus intime des doigts. Mais l'ouvrage même, les mille finesses d'une écriture sans cesse plus libre et assurée, comptent pour lui davantage. Des fils de Bach et de Wagenseil, il a tiré une synthèse originale, qui porte sa marque. Dépassant le Sturm und Drang, admirable accident de parcours, Haydn avance inéluctablement, comme Mozart et son temps, dans la voie du classicisme. »15    

Sonates nos 34 et 35

Ces deux œuvres, qui ne seront publiées que dans les années 1780 (et sans l'autorisation de Haydn…), illustrent jusqu'à l'excès l'évolution stylistique évoquée plus haut. Dans l'un et l'autre cas, la légèreté est de mise, mais, si l'esprit et le cœur ne sont que modérément sollicités, cela reste « de la belle ouvrage ». Dans la no 34 en majeur (Hob XVI : 33), on sera surtout sensible à l'émouvant Adagio en mineur, un « de ces moments où Haydn et Mozart, par-delà toutes leurs différences de tempérament, se tendent fraternellement la main. »16 Mozart, justement, est étonnamment présent dans la no 35 en la♭majeur (Hob XVI : 43), notamment dans le Moderato initial, au charme mélodique indéniable, mais cette œuvre vaut avant tout par son rondo final, nerveux et espiègle à souhait.

Sonate no 34 en majeur, Hob XVI : 33 (II. Adagio), par Alexander Tselyakov.
Sonate no 35 en la♭majeur Hob XVI :4 3 (III. Rondo-Presto), par Nadia Reisenberg (1958).

Sonates nos 36 à 41

Réunies dans un recueil publié en 1774 et dédié au prince Nicolas Esterhazy, ces six sonates qui se succèdent dans le même ordre dans la classification Hoboken (Hob XVI : 21 à 26) sont aujourd'hui plus justement reconnues, ne serait-ce que pour leur admirable variété. Souvent jugées un peu « faciles », et partant, dénuées d'ambition, les deux premières retiennent quand même l'attention, la 36e (en ut majeur) surtout par son superbe Adagio au lyrisme sobre mais très émouvant, la 37e (en mi majeur) par son bel équilibre d'ensemble qui lui confère une appréciable sérénité classique.

  Ce sont cependant les deux suivantes qui recueillent les plus larges suffrages. La no 38 en fa majeur (Hob XVI : 23) est la plus fréquentée du recueil, et on peut comprendre les interprètes de céder à l'attrait de son premier mouvement un peu fanfaron qui s'amuse en digressions et modulations diverses, de son Adagio si élégiaque et enchanteur, et de son Presto assez bizarre. Mais sa voisine, la no 39 en majeur (Hob XVI : 24), se pose en concurrente sérieuse : « C'est la sonate à découvrir, et à révéler […], et c'est au fond la plus originale, la plus moderne de la série. On a souvent crié Mozart au vu de l'écriture de l'Allegro, aussi lisse que virtuose, surtout dans les passages modulants aux mains alternées. »17  Et l'Adagio qui suit n'est pas en reste, avec son chant très lyrique, entrecoupé de syncopes, qui enchaîne sur un étonnant finale où « on s'en donne à cœur joie, l'esprit et les doigts en fête »17.

Sonate no 38 en fa majeur Hob XVI :23 (II. Adagio), par Vladimir Horowitz (enregistrement public, Carnegie Hall 1966).
Sonate no 39 en majeur Hob XVI : 24, par Sviatoslav Richter (enregistrement public, Freiburg 1985).

Ce qu'elles perdent en originalité ou en lyrisme (car elles n'ont pas ces mouvements lents qui font une part de l'attrait des précédentes), les deux dernières sonates du recueil le rattrapent par certaines qualités formelles, dont un travail contrapuntique parfois remarquable. Avec ses deux mouvements, dont un bref Tempo di minuet, la no 40 en mi♭majeur (Hob XVI : 25) pourrait passer pour anecdotique, mais son long Moderato initial, qui frappe par « une profusion toute baroque de thèmes, de rythmes et de figures, et une extrême instabilité… »18, se révèle d'une grande richesse. Une richesse que l'on retrouvera, encore accrue, dans le développement du premier mouvement de la no 41 en la majeur (Hob XVI : 26), laquelle offre en outre une étonnante particularité avec son menuet central, repris de la symphonie no 47 : il porte l'indication al rovescio, signalant une construction par laquelle le menuet ainsi que le trio se donnent chacun comme seconde partie la reprise en rétrograde de la section initiale.

Sonate no 40 en mi♭majeur (Hob XVI : 25), mouvement Moderato, par Jean-Efflam Bavouzet.
Sonate no 41 en la majeur Hob XVI :26 (I. Allegro moderato), par Mark Swartzentruber.

Sonates nos 42 à 46

Voici les cinq premières sonates d'un nouveau recueil que Haydn diffusa en 1776 sous l'indication de « Sonaten von Anno 776 » et qui fut officiellement publié en 1778 ; un recueil très inégal où le menuet revient en force et où le recours aux variations tient une grande place.

Assez facile, et de substance bien légère, la no 42 en sol majeur (Hob XVI : 27) ne trouve guère grâce qu'auprès des apprentis pianistes. La no 43 en mi♭majeur (Hob XVI : 28), plus exigeante, a droit à plus d'égards, et le doit à un premier mouvement gentîment contrasté, à son menuet agrémenté d'un beau et douloureux trio, et à un finale à variations merveilleusement capricieux. Puis l'intérêt monte à nouveau d'un cran avec la no 44 en fa majeur (Hob XVI : 29), où l'expression et la sensibilité retrouvent leurs droits. Le Tempo di menuet final, bien que de structure très originale, n'y est pas décisif, mais l'Adagio qui précède se révèle très touchant, prenant par instants un caractère quasi-pathétique. Et surtout il y a cet étonnant premier mouvement au développement très dramatique : « On ne peut se défendre de songer à Carl Philipp Emanuel Bach (le fantasque et non le sage, car cet homme était double !) et au style du Sturm und Drang devant les sautes d'humeur et d'écriture du Moderato initial, sa variété de rythmes, d'attaques, de couleurs. Pages nettement destinées au pianoforte, comme l'indiquent les nuances p et f , ainsi que les crescendos. »19

Sonate no 44 en fa majeur Hob XVI:29, par Sviatoslav Richter (enregistrement en public, Londres 1961).

La Sonate no 45 en la majeur (Hob XVI : 30) présente surtout la particularité d'enchaîner sans interruption ses trois mouvements, le second n'étant d'ailleurs qu'un bref récitatif assurant la transition vers un finale de type Tempo di menuet aux six variations jolîment ouvragées. En trois vrais mouvements, la no 46 en mi majeur (Hob XVI : 31) se signale quant à elle avant tout par son bref et délicieux Presto conclusif et, plus encore, par la saveur baroque de son Allegretto central qui, comme en écho aux Inventions de Bach, « tisse une transparente polyphonie à trois voix, d'une gravité dont s'étonneront tous ceux qui n'ont retenu de Haydn que l'aspect réjoui et farceur illustré par tant de finale. »20

Sonate no 46 en mi majeur Hob XVI : 31 (II. Allegretto ; III. Presto) par Sandor Falvai.

Sonate no 47

Sixième et dernière de la série « von Anno 776 », cette sonate no 47 en si mineur (Hob XVI : 32) ne peut qu'être classée à part, sur la plus haute marche du podium. Pour beaucoup, cette œuvre fiévreuse est en effet un des plus grands chefs-d'œuvre de Haydn, tous genres confondus. « Si, dans l'Allegro moderato initial, le relatif majeur occupe encore une place importante dans le déroulement de la forme sonate, le finale, farouchement monothématique, voit la victoire du mineur dans toute sa nudité. C'est là le sommet musical et émotionnel de l'œuvre, et la polyphonie très dépouillée accuse avec vigueur l'élan rythmique de ce morceau, dominé sans arrêt par les croches répétées du thème initial. Ce martèlement obsédant envahit même la polyphonie, par endroits véritable contrepoint de rythmes. La sonate s'achève sur des unissons sauvages, affirmation inexorable d'esprit tout beethovénien. [Dans cette œuvre], Haydn a renoncé à la détente d'un mouvement lent qu'il a remplacé par un bref et saisissant Menuet, dont seule la partie principale s'éclaire en si majeur, alors que le trio, sombre et grondant, retrouve l'atmosphère orageuse de cette œuvre exceptionnelle. »21

Sonate no 47 en si mineur Hob XVI : 32 (III. Presto), par Sviatoslav Richter (enregistrement public).

Sonates nos 48 à 52

Publiée en 1780 avec un complément de choix (la fameuse no 33 en ut mineur de 1771), cette nouvelle série apparaît bien disparate : « Ces morceaux vont de la sonatine facile, à l'usage des amateurs (no 48), à la sonate difficile de contenu et de technique pianistique, à l'usage des connaisseurs (no 49), et empruntent aussi bien au style ancien (no51) qu'au style moderne (no 50). Elles sont désignées « per il clavicembalo o fortepiano », mais les signes de dynamique plus nombreux montrent que le choix de l'auteur est fait. »22

On fera sûrement à la première — no 48 en ut majeur (Hob XVI : 35) — le reproche de la superficialité, et il est vrai qu'elle cède un peu trop à la galanterie charmante et mondaine. La dernière — no52 en sol majeur (Hob XVI : 39) — n'échappe pas tout à fait au même soupçon, mais elle est plus que sauvée par son bel Adagio et son finale particulièrement nerveux. Très populaire, la no 50 en majeur (Hob XVI : 37), si elle est parfois accusée de trop verser dans la séduction, « forme un tout particulièrement heureux avec son important Allegro initial, basé sur deux thèmes de caractère plaisant et humoristique. Le Presto final lui fait équilibre, aussi vif que spirituel. Mais le joyau, c'est — inattendu, inoubliable — le Largo e sostenuto médian, brève échappée […] vers ces domaines troublants auxquels Mozart accède parfois par l'entremise de Wilhelm Friedemann Bach. Sorte de grave sarabande, d'un archaïsme désolé, d'une polyphonie chromatique, qui sont d'un tout grand maître. »23

Sonate no 50 en majeur Hob XVI : 37  (II. Largo e sostenuto) par Aniko Szegedi.

Nettement plus « sérieuses », les deux autres ont de beaux arguments à faire valoir auprès du mélomane exigeant. Ainsi, la no 51 en mi♭majeur (Hob XVI : 38), dont un des atouts est son Adagio, superbe et profondément émouvant, a de quoi mobiliser l'esprit dans les longs développements de son Allegro moderato initial. Quant à la no 49 en ut♯mineur (Hob XVI : 36), dont le dramatisme renvoie aux épanchements préromantiques du Sturm und Drang, elle s'impose avec force par son Moderato initial : « Surprises, oppositions de registres, modulations imprévues, se succèdent au cours d'un développement particulièrement mouvementé, et se poursuivent encore dans la réexposition, amenée de main de maître et s'éteignant brusquement. »24 On en veut presque à Haydn d'avoir fait suivre ce morceau d'un Scherzando à variations d'une légèreté étrangement décalée, mais l'inspiration est de retour dans le menuet conclusif, basé sur un thème slave du temps de l'Avent, dont « la mélodie, décorée de souples arabesques de doubles croches, est d'une prenante mélancolie. »25  

Sonate no 49 en ut dièse mineur Hob XVI:36 (I. Moderato), par Aniko Szegedi.

Sonates nos 53 à 57

À nouveau cinq sonates, mais ici il ne s'agit pas d'un recueil constitué : la 53e, composée vers 1781-1782, est une œuvre isolée ; les trois suivantes, de 1784, furent réunies dans un recueil dédié à la princesse Marie Esterhazy ; quant à la 57e (Hob XVI : 47), nous ne l'évoquons que pour mémoire car elle a été « bricolée » par un éditeur qui la confectionna en réutilisant deux mouvements de la 19e sonate et en y rajoutant un premier mouvement de provenance inconnue.

Plus souriante que déchirante, la sonate no 53 en mi mineur (Hob XVI : 34) s'impose néanmoins en bonne place dans les grandes œuvres pianistiques en mineur de Haydn. Merveilleusement équilibrée dans sa construction en trois mouvements, elle séduit par la superbe rêverie solitaire de son Adagio, et au moins autant par son admirable premier mouvement : « concis et précis, rare exemple de tonalité mineure souriante ; aucune emphase, aucune proclamation d'accords, mais des motifs enjoués, en écho d'une main à l'autre, de petites gammes frémissantes, de vifs et légers battements. »26

Sonate no 53 en mi mineur Hob XVI :34,par Sergey Kuznetsov (enregistrement public au Japon, 2006).

Séduction et raffinement sont également au rendez-vous dans les trois sonates dédiées à la princesse. Chacune en deux mouvements seulement, elles font la part belle, pour notre plus grand bonheur, au genre de la variation. On fera éventuellement la fine bouche devant la no 56 en majeur (Hob XVI : 42) qui, malgré ses qualités formelles et le souci d'expressivité de son Andante con espressione initial, apparaît la moins convaincante. En revanche, mélomane ordinaire et auditeur féru d'analyse ne pourront que s'incliner ensemble devant les multiples richesses déployées dans la no 54 en sol majeur (Hob XVI : 40), depuis son tendre et délicat Allegretto innocente jusqu'aux dernières mesures de son Presto conclusif, humoristique et craquant à l'extrême. Et ils ne seront pas loin d'accorder les mêmes suffrages à la no 55 en si♭ majeur (Hob XVI : 41). Difficile, en particulier, d'échapper à une forme d'envoûtement à l'écoute de son premier mouvement, de style si mozartien qu'on s'est demandé si, au moment de l'écrire, Haydn n'aurait pas eu la chance d'entendre la toute fraîche sonate K 333 (de même tonalité) de son jeune collègue.

Sonate no 54, en sol majeur Hob XVI :40 (II. Presto), par Dezsö Ranki.
Sonate Hob XVI : 41, en si♭ majeur (I. Allegro) parpar Dezsö Ranki.

Sonates des années 1789 à 1795

Seulement cinq œuvres, mais ces cinq dernières sonates, qui sont autant de chefs-d'œuvre du genre, constituent une forme d'aboutissement. « Elles ne poussent pas plus loin les conquêtes (tout au plus les pianos anglais, plus sonores, ont-ils légèrement modifié l'écriture des plus tardives), mais rayonnent d'un éclat tranquille, dans leur sage et féconde richesse. »27    

Sonates nos 58 et 59

Contribution de Haydn à un « Pot-Pourri musical » réunissant divers compositeurs, la Sonate no 58 en ut majeur ((Hob XVI : 48) se contente de deux mouvements, un Andante et un Rondo, mais l'un et l'autre sont de vraies réussites. Le premier, en particulier, marqué con espressione, « s'inscrit avec une souveraine liberté dans le cadre familier des variations sur deux thèmes consanguins, trois épisodes en majeur alternant ici avec deux intermèdes en mineur. Mais le premier thème réserve déjà une place insolite à la tonalité d'ut mineur. La richesse de l'ornementation mélodique, la plénitude sonore de l'accompagnement en arpèges, enfin et surtout la prédilection pour le registre de ténor (médium grave) du clavier, concourent à assurer à ce morceau l'intensité expressive promise par le titre. »28

Sonate no 58 en ut, majeur Hob XVI : 48 (I. Andante con espressione), par Emanuel Ax.

Grande sonate en trois mouvements composée en 1790, la no 59 en mi♭ majeur (Hob XVI : 49) occupe une place particulière : elle est le « témoignage de l'affection qui liait Haydn et Marianne von Genzinger,  qui fut au musicien d'un si grand secours dans les dernières années solitaires du séjour à Esterhaz. L'écriture pianistique est fluide et légère, et jamais Haydn n'a été plus proche de son grand ami Mozart. »29  Il y aurait beaucoup à dire de l'Allegro initial : « Il est à la fois d'une étonnante richesse et d'une surprenante économie, les idées naissent l'une de l'autre, sans pourtant se bousculer ni se nuire ; au contraire, elles s'épaulent et s'équilibrent. » 30    Mais le sommet, et en même temps le cœur de cette sonate, est l'ample et troublant Adagio e cantabile qui suit : « Ecrit dans la grande tonalité haydnienne de si bémol, c'est un de ses suprêmes messages expressifs. Haydn lui-même en était conscient, puisqu'il écrivait à Marianne von Genzinger : Je le recommande spécialement à votre attention… Il possède une signification profonde que je vous expliquerai quand j'en aurai l'occasion… Il est plutôt difficile mais plein de sentiment. »31     

Sonate no 59 en mi♭ majeur Hob XVI :49 (II. Adagio e cantabile) par Alfred Brendel.

Sonates nos 60 à 62

C'est ici la grande trilogie des « sonates londoniennes » écrites en 1794-1795, et elle commence (façon de parler, car c'est peut-être la plus tardive des trois) par l'extraordinaire no 60 en ut majeur (Hob XVI : 50). Trois mouvements aussi admirables les uns que les autres : l'impérieux Allegro, fondé sur un thème unique développé en variations d'une hardiesse étonnante ; le sublime Adagio, dans lequel on a vu un hommage funèbre à Mozart, et où « la rêverie nous entraîne vers les tons les plus éloignés, où la soudaine plongée en fa mineur semble pleurer le grand ami disparu »32 ; puis cet Allegro molto, aussi bref qu‘éblouissant, « véritable scherzo beethovénien, au discours abrupt, troué de silences, aux enchaînements aberrants, aux modulations brutalement interrompues, aux malicieux cliquetis de croches dans l'aigu. »33   

Sonate no 60 en ut majeur Hob XVI :50, 1. Allegro ; 2. Adagio ; Allegro molto, par Alfred Brendel.

D'une extrême concision avec ses deux brefs mouvements, et singulièrement « romantique », la sonate no 61 en majeur (Hob XVI : 51) nous projette audacieusement vers le XIXe siècle : « On a pu qualifier l'Andante initial d'Impromptu schubertien avant la lettre ; et de fait, tout ici, la nature des idées mélodiques, la persistance des paisibles triolets de croches dans l'accompagnement, le clair-obscur subtil des alternances de majeur et de mineur, le jeu des modulations, annonce Schubert de manière extraordinaire. »34 Quant au Presto final, qu'on entend d'emblée comme un nouveau scherzo beethovénien, ce morceau apparaît encore plus prophétique, car « c'est bien à Schumann que font penser ses rythmes persistants, ses syncopes, ses notes liées, ses progressions harmoniques ardentes et rapides aux retards osés. »35

Sonate no 61 en majeur, Hob XVI : 51, par Alfred Brendel.

Annonçant elle aussi le XIXe siècle par sa force expressive et sa profondeur de sentiment, la vaste sonate no 62 en mi♭ majeur (Hob XVI : 52) couronne majestueusement l'édifice des sonates. « Le style pianistique de Haydn se révèle ici massif, héroïque, puissant, symphonique en un mot. »36   L'imposant Allegro qui l'introduit, non dénué de troublantes zones d'ombre, est à lui seul une parfaite synthèse de l'art de Haydn à son zénith. Cette maîtrise supérieure est tout aussi patente, à travers les diverses surprises qu'il nous réserve, dans l'Adagio intensément expressif qui suit : « Les Adieux de Beethoven auraient-ils existé sans cette page visionnaire ? »37 Quant au Presto conclusif, amplement développé et d'une richesse extraordinaire, il nous fait brillamment retrouver l'homme d'esprit qui nous est devenu si familier au fil de toutes ces sonates.

Sonate no 62 en mi♭ majeur Hob XVI : 52, ♭, Allegro, par Evgeny Kissin (1994).
Sonate no 62 en mi♭ majeur Hob XVI : 52, ♭, Presto, par Evgeny Kissin (1994).

Autres œuvres pour clavier

Outre les sonates, Haydn nous a laissé une douzaine d'autres pièces pour clavier qui, elles aussi, couvrent une très large part de sa carrière, et dont une majorité cultive un genre pour lequel le musicien s'était pris d'une affection manifeste, celui de la variation.

Variations

Variations en fa mineur

Attention au titre : ces Variations Hob XVII : 6, dont l'autographe de Haydn porte le titre de « Sonata », apparaissent très souvent sous l'intitulé Andante con variazioni, voire Andante tout court, quand elles ne sont pas parées d'un sous-titre (Un piccolo divertimento) pour ajouter encore à la confusion… Il semble heureusement qu'on ait pris l'habitude de désigner l'œuvre sous le titre d'Andante et Variations en fa mineur.

Cette précision s'impose car nous tenons là, avec cette partition composée en novembre 1793, juste entre les deux voyages à Londres, une des œuvres les plus « romantiques » de Haydn, et surtout une de ses partitions pour clavier les plus accomplies. L'œuvre obéit au principe de la double variation, exploitant comme thème un long Andante en deux parties, successivement dans le mode mineur et dans le mode majeur. Loin des variations purement ornementales si courantes à l'époque, cet Andante con variazioni, tout en clair-obscur, est une œuvre ample et pathétique qui culmine dans une coda des plus dramatiques, « véritable accès d'angoisse et de colère ; après quoi les derniers lambeaux du thème, funèbres figures pointées, s'effilochent dans le silence. »38

Andante & Variations en fa mineur Hob XVII : 6, par Clifford Curzon.

Autres variations

Écrites à diverses époques, les autres séries de variations sont loin d'atteindre la grandeur de celles en fa mineur. C'est notamment le cas des Six Variations faciles en ut majeur Hob XVII : 5, visiblement destinées aux « amateurs », et des cinq variations en majeur Hob XVII : 7. On restera également sur la réserve face aux vingt variations en sol majeur (ou à leur variante de douze variations en la majeur) Hob XVII : 2, qui font surtout figure d'exercice de composition. En revanche, on aura une certaine tendresse pour les douze subtiles variations en mi♭ majeur Hob XVII : 3 des années 1770, et plus encore sans doute pour les quatre variations sur l'hymne Gott, erhalte Franz den Kaiser Hob XVII : 13 de 1797, qui renvoient au mélancolique mouvement lent du quatuor à cordes opus 76 no 3 et constituent l'ultime pièce pour clavier du compositeur.

Variations sur Gott, erhalte Franz den Kaiser, Hob XVII : 13, par Robert Kohnen.

Pièces diverses

Fantaisie en ut majeur

Œuvre tardive (1789), cette fantaisie en ut majeur, Hob XVII : 4  jouit d'une célébrité hautement justifiée. Vivante et capricieuse à souhait, aventureuse même, on y a vu un hommage à Carl Philipp Emanuel Bach qui, deux ans plus tôt, à la fin de son recueil Wq 61, avait publié une pièce aux similitudes frappantes. Le musicien était lui-même « particulièrement fier de ce morceau, composé, comme il l'écrit à son éditeur (…) dans un moment d'excellente bonne humeur, et dont il présageait qu'il plairait autant aux connaisseurs qu'aux amateurs. De fait, le succès ne s'en est jamais démenti ; tout pianiste est sensible à ce brio mis au service d'idées séduisantes, d'harmonies originales, dans une forme suffisamment souple pour donner l'illusion d'une improvisation perpétuelle. »39  Et ceci est d'autant plus remarquable que, sous les yeux des vrais « connaisseurs », cette fantaisie révèle une nature de rondo-sonate extrêmement construite.

Fantaisie en ut majeur Hob XVII : 4 par Ronald Brautigam, pianoforte.

Autres pièces

Haydn nous a laissé deux œuvres faisant appel à deux pianistes : la sonate « Il Maestro e Lo Scolare » en fa majeur, Hob XVII a : 1, pour clavier à quatre mains, qui n'est en fait qu'un andante varié suivi d'un menuet, et la partita en fa majeur, Hob XVII a : 2, pour deux clavecins. Œuvres assez anecdotiques en fait, mais on ne saurait s'en étonner s'agissant de partitions dont la vocation, du moins pour la première citée, se voulait visiblement pédagogique.

Plus intéressantes, bien que non immortelles, deux brèves partitions pour un seul clavier : l'Adagio en fa majeur, Hob XVII : 9, qui exhale un léger parfum de rêverie romantique, et l'amusant capriccio en sol majeur, Hob XVII : 1, sur Acht Sauschneider müssen sein, de 1765, où Haydn met en œuvre tout un arsenal de moyens — avec force répétitions — pour illustrer une chanson, très populaire à l'époque, dont le thème est de savoir combien il faut de solides gaillards pour castrer un cochon.

Capriccio en sol majeur, Hob XVII : 1, par Zoltán Kocsis.          

Notes

7. Sacre Guy, La musique de piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres [2 vol.] « Bouquins », Éditions Robert Laffont, Paris 1998. p. 1348.

8. Halberich Harry et Vignal Marc, Joseph Haydn. Dans Francois-René Tranchefort (direction), « Guide de la Musique de piano et de clavecin », « Les indispensables de la musique », Fayard, Paris 1998, p. 398

9. Sacre Guy, op. cit., p. 1350

10. Ibidem, p. 1356

11. Ibidem, p. 1357

12. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p. 400-401

13. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (277), juin 2003.

14. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p. 399

15. Sacre Guy, op. cit., p. 1350-1351

16. Ibidem, p. 1368

17. Ibidem, p. 1361

18. Ibidem, p. 1361

19. Ibidem, p. 1363

20. Ibidem, p. 1364

21. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p. 402

22. Sacre Guy, op. cit., p. 1365

23. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit. , p. 403

24. Ibidem, p. 402

25. Sacre Guy, op. cit., p. 1366

26. Ibidem, p. 1368

27. Ibidem, p. 1351

28. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p. 40

29. Ibidem, p. 404

30. Sacre Guy, op. cit., p. 1371

31. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p.4 04

32. Ibidem, op. cit., p. 405

33. SACRE GUY, op. cit., p. 1373

34. Halberich Harry et Vignal Marc, op. cit., p. 405

35. Ibidem, p. 405

36. Ibidem, p. 406

37. Belvire Gérard, dans « Répertoire » (133), mars 2000.

38. Sacre Guy, op. cit., p. 1377

39. Ibidem, p. 1375-1376.

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