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7 février 2016, par Eusebius ——

Les 6 premiers concerti grossi de l'opus 6 de Haendel transcrits pour deux clavecins

Haendel, cocerti grossi

Haendel, Concerti Grossi, opus (1-6), transcrits pour deux clavecins. Mireille Podeur et Orlando Bass. Maguelone 2016 (2 CD, MAG 358.405).

Enregistrés en octobre 2015

On se souvient de l'excellente surprise que nous réservèrent Mireille Podeur et Orlando Bass dans la réalisation pour deux clavecins des pièces en concert de Rameau. En matière de gastronomie, les grands chefs, au piano, ont leurs recettes. Pourquoi ce terme deviendrait-il péjoratif dès que l'on glisse du domaine des papilles gustatives à celui de l'oreille ? Avec la même recette, donc dans la même formation, ils nous offrent maintenant les six premiers concerti grossi de l'opus 6 de Haendel.

L'Européen Haendel, devenu entrepreneur londonien, y déploie une énergie foisonnante. Après les opéras, les oratorios, il nous donne un « des deux sommets du concerto baroque »1.  Chacun d'eux est à 7 parties de cordes se partageant le concertino et le ripieno2. Comme il en a l'habitude, Haendel emprunte et remanie quelques-unes de ses propres œuvres mais il cite également Domenico Scarlatti, qu'il adorait, et Georg Muffat. La synthèse des goûts italiens, français et germaniques est aboutie : c'est du meilleur Haendel, qu'il s'agisse d'une ouverture à la française, d'une pièce imitée de Corelli ou d'une fugue. 

Mireille Podeur rappelle opportunément que la transcription de concertos était courante au xviiie siècle, en témoignent celles que Bach réalisa de nombreux auteurs. Compositeurs et éditeurs ne se privèrent pas de mettre à portée des amateurs éclairés les œuvres nouvelles, qu'il s'agisse d'opéras ou de concertos.

Les deux clavecins autorisent de multiples combinaisons, concertino à l'un, le ripieno au second, évidemment, mais aussi bien d'autres, en particulier pour les six fugues : nous avons alors une sorte de très  « grand clavecin à plusieurs registrations ». La palette des styles, celle de l'ornementation confèrent à chacun des mouvements son caractère propre, avec une liberté trop rare dans les versions orchestrales.

Dès le premier solo, l'ornementation, naturelle et fraîche, confère au tempo giusto cette souplesse rayonnante, qui se maintiendra durant les six concertos. Chacun des 29 mouvements mériterait un commentaire tant cette lecture nouvelle nous réjouit. Contentons-nous de signaler quelques pages : la première fugue, du premier concerto, d'une grande clarté, construite, puissante et dynamique ; tout le 2e, avec ses couleurs et tempi variés comme sa fugue conclusive ; du 3e, la légèreté, l'élégance de l'andante fugué, la joie de l'allegro suivant, la merveilleuse polonaise avec ses bourdons de la première partie; la délicatesse raffinée du larghetto affettuoso qui ouvre le 4e ; la magnifique ouverture à la française, inventive et tonique, le presto virevoltant, le largo, dolent, aux couleurs pastels, le menuet, très français du 5e ; l'ample musette attendrie du dernier… C'est un régal permanent, une musique qui respire la santé, que l'on a l'impression de redécouvrir.

Les instruments de Laurent Soumagnac sonnent idéalement, servis par deux complices de très grand talent : distinction dans l'émission, basses rondes, pleines, égalité des registres rare. Que demander de plus, sinon la poursuite de cette belle aventure avec les six derniers concertos ?

La notice bilingue (français et anglais), rédigée avec soin par les interprètes, éclaire la démarche adoptée, solidement documentée et argumentée. Par contre, on comprend mal pourquoi cet enregistrement nécessite deux CD, sa durée autorisant la gravure de l'intégralité sur un seul.

plume 6Eusebius
(7 février 2016)

1. Avec les Concertos brandebourgeois, écrit Winton Dean, qui ajoute, plus loin : ces concertos sont l'apothéose de l'improvisation ; chaque idée nouvelle, chaque développement nouveau, aussi étranger qu'il paraisse de prime abord, est en fait intégré par la force pure de la personnalité créative de Haendel.

2. deux parties de violon et une de violoncelle pour le concertino, 2 de violon, une partie d'alto et une de basse continue pour le ripieno ; Haendel ajouta ensuite deux hautbois en doublure aux numéros 1, 2, 5 et 6, qui ne font qu'ajouter ponctuellement leur couleur.


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