Une partie de l'Orchestre de chambre de Paris à Notre-Dame de Paris le 18 octobre 2016. Photographie © musicologie.org
Beaucoup de monde comme toujours à ce concert à Notre-Dame de Paris, un des plus beaux monuments du monde à la majesté intime, mais pas trop chauffé il faut dire. Le concert était à l'image du lieu, du monumental à l'intime, avec une progression de l'émotion.
Monumental, avec les Vêpres solennelles d'un confesseur de Mozart mettant à contribution le chœur d'adultes de la maîtrise de Notre-Dame de Paris, dans lequel on remarquait tout de même de très jeunes sopranos, l'orchestre de chambre de Paris, cordes, vents, cuivres et percussions, l'orgue, et un quatuor solistes issus de la maîtrise, dans lequel la soprano Maria Lueiro Garcia a fait presque tout le boulot. On aurait aimé en entendre plus du ténor Andrés Agudelo, de la basse Andrés Prunell Vulcano, et de la belle voix mezzo de la belle Aliénor Feix, que Mozart n'a malheureusement pas connue, et a donc peu fait chanter.
Les Vêpres solennelles d'un confesseur, la seconde et dernière œuvre de Mozat dans le genre, ont été composées en 1780. Cinq psaumes s'y succèdent, dont le magnifique « Laudate Dominum ».
Même placé dans les premiers rangs, on ressent les caprices de l'acoustique de Notre-Dame de Paris, on se demande ce qu'on peut entendre du milieu de la nef, pleine d'auditeurs. Mais la beauté du lieu sauve certainement les défauts sonores.
La chef, souriante, pas mal exubérante, sautillante, dans une espèce de soutane noire, d'une mocheté pas belle, tient les bras très hauts, la main gauche littéralement dansante à l'orientale un peu, suivant les détails des mélismes. Beaucoup de gestes à la chorégraphie compliquée. Au premier abord nous avons pensé à une chef de chœur. Mais c'est Ariane Matiakh, une chef à la renommée montante. Une gestuelle étonnante, toujours en suspension, n'allant jamais chercher depuis profondeurs, qui finit par lasser un peu et agacer par ce qui apparaît, à force, comme une préciosité très travaillée. En fait, ma voisine — par ailleurs jolie comme une mezzo-soprano — ne piquait pas du nez comme je le pensais. Elle ne supportait pas cette gestique de la chef, qui toutefois dirigeait, on ne peut le nier, on y était.
À la réflexion, j'avais déjà vu cela dans un film allemand sur Clara Schumann – « Geliebte Clara » de 2008, dans lequel, Clara voulant mener à bien les projets de son mari devenant ribouldingue, décide de continuer les répétitions de sa symphonie et doit faire face aux préjugés misogynes. C'est l'excellentissime Martina Gedeck (entre autres Das Leben der Anderen, La vie des autres, dans une très abondante filmographie) qui joue le rôle de Clara. Quand elle dirige, elle fait, sautillante, danser ses mains très hautes au-dessus de sa tête, et agite les bras comme des plumeaux. À l'époque, je trouvais dommage que Martina Gedeck n'ait pas travaillé avec un chef d'orchestre. Je trouvais que sa prestation rendait une image ridicule, singée, faisant retomber le soufflé dramatique. Mais non, on peut diriger ainsi, enfin, presque, Ariane Matiakh est loin d'être ridicule. Martina Gedeck avait quand même raison. Il faut que je revisionne ce film. De toute manière je ne crois pas que les gesticulateurs d'orchestre soient vraiment nécessaires. Ni dieu ni maître, ni mesure ni chef.
Le second morceau, uniquement orchestral est plus introspectif, sans céder pour autant sur la théâtralité. Cantus in memoriam Benjamin Britten, composé en 1977, une année après le décès du compositeur anglais, son ami. Arvo Pärt commence à explorer le style qu'il nomme « tintinnabulaire ». De longues tenues aux cordes, une déploration, ponctuée par un glas obstiné, inéluctable. Cette œuvre convient fort bien et mieux encore à l'acoustique du lieu. La résonance du glas sonné au Glockenspiel revient par-derrière. Effet macabre assuré.
Nora Gubish et Ariane Matiakh. Notre-Dame de Paris, 18 octobre 2016. Photographie © musicologie.orgEnfin, peut-être le joyau de ce concert, au moins pour les premiers rangs (les basses de la mezzo se perdent un peu on ne sait où), en symétrie aux cinq psaumes des vêpres solennelles pour un confesseur de Mozart, cinq des Chants bibliques d'Antonín Dvořák (les cinq premiers des dix de l'opus 99), eux aussi composés sur des psaumes, en 1894, chantés par la mezzo-soprano Nora Gubish, on le voit on l'entend, dans sa langue maternelle, avec une orchestration éloquente de grande finesse et la direction dansée d'Ariane Matiakh. Un bon moment de haute poésie musicale.
Le concert sera retransmis par France Musique. Nous le conseillons. Vu l'équipement de prise de son, le chant des musiciens ne laissera aucune chance au contre-chant de Notre-Dame.
Jean-Marc Warszawski
19 octobre 2016.
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Samedi 31 Août, 2024