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8 avril 2016, par Jean-Marc Warszawski ——

Buenos Aires-Les Lilas : Silas Bassa oscille du piano

Silas Bassa, Centre culturel Jean-Cocteau, 7 avril 2016 Silas Bassa, Centre culturel Jean-Cocteau des Lilas, 7 avril 2016. Photographie © musicologie.org.

Silas Bassa est un jeune pianiste argentin qui a déjà pas mal roulé sa bosse, depuis l'Argentine — où il retourne d'ici peu pour une série de récitals qui se continueront en Espagne — jusqu'à la France en passant par la Chine, et autres chemins des pianistes.

Hier soir, il était au centre culturel Jean Cocteau des Lilas, juste derrière l'immeuble qui fait l'angle des rues de Paris et du Garde-Chasse, ou vécurent mes arrières-grands-parents, grands-parents, parents, et mes six premières années. On aime raconter que la seule chose qu'on récupéra de la maisonnette de mon grand-père, bombardée pendant la guerre, est son violon. Mais à l'époque, le Résistant arrêté par la police française cassait des cailloux au camp de concentration de Matthahausen. Le centre, ancienne pension pour jeunes filles, est un joli lieu, accueillant avec un jardin aérien qui offre une vue imprenable que l'on prend quand même.

Silas Bassa était invité par l'Observatoire de la diversité culturelle, une association lilasienne, qui fait de l'éducation populaire pour la diversité, par des spectacles, des colloques, des ateliers de lecture ou d'écriture, des concerts. Une très bonne chose, car par définition, il n'y a pas de culture sans diversité, sinon une simple adaptation biologique au monde.

Le pianiste y a donné l'intégrale de son récent disque Oscillations, qui nous avait heureusement attiré les oreilles, et dont nous découvrons qu'il s'agit d'un spectacle, ou plutôt d'une mise en espace, d'un monde onirique dont le sonore est soutenu par des lumières, et une mise en perspective plastique des gestes qui ne sont pas directement musicalement utilitaires. C'est discret, efficace, beau et poétique. De belles images.

Silas Bassa ne défend pas académiquement un répertoire, pièce après pièce, mais le transcende dans un monde et une sensibilité personnels. Il aime la musique novatrice d'avant la Première Guerre mondiale, les minimalistes américains, fraie une tranchée de Satie à Cage. Il aime aussi le tango, et fabrique avec cela un beau spectacle sonore en collages, où les pièces s'enchaînent dans un flux continu : Ligeti, Glass, Satie, Debussy, Duckworth, puis tout s'interrompt en plein vol forte sur Paris-Villepinte de Bassa lui-même : image fixe, le pianiste bras levés, doigts recourbés en position d'attaque, laisse filer 1'33 de silence dans le silence en hommage aux 4,33 de John Cage. Puis avec une magnifique et nostalgique habanera-tango de Dane Rudhyar (Tango d'antan), à la rythmique syncopée et sophistiquée, quelque peu déhanchée, qui donne à la pièce un caractère pathétique, le spectacle bifurque vers l'Argentine, sans pour autant créer une coupure stylistique. Ce n'est qu'une question d'accent. L'épisode quelque peu nostalgique est rapidement effacé par le Tango-Evocación de Juan José Castro, déconstruction maline et lyrique de la Cumparsita. Le récital s'achève sur des évocations de tango de Michael Nyman et de William Duckworth, manière de remonter plus au Nord, avant de sortir sur une dernière belle image, qui pourrait rappeler La reproduction interdite peinte par Magritte dans les années 1930.

Silas Bassa prépare son prochain théâtre sonore avec, semble-t-il, un certain enthousiasme et une impatience certaine.

Jean-Marc Warszawski
8 avril 2016

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Lundi 12 Décembre, 2022