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Conservatoire de Caen, 15 mars 2016, par Alain Lambert ——

[Aspects] des musiques d'aujourd'hui : une ouverture très percussive au Conservatoire de Caen avec Édith Canat de Chizy

Édith Canat de Chizy. Photographie © C. Daguet.

C'est ce qui frappe quand on rentre dans l'auditorium, cette scène avec un piano et un clavecin garés sur la gauche. Plus loin, derrière, tout un alignement de percussions. Au milieu, l'orchestre de Caen au complet, ou presque, vu le nombre de sièges, et devant à droite, un autre éventail de percussions déployées en carré.

La soirée est consacrée à Edith Canat de Chizy qui depuis ses études avec Maurice Ohana, a eu une carrière bien remplie. Comme va le démontrer toute cette semaine le festival [Aspets] pour sa 34e édition.

Vahan Mardirossian est à la baguette, et c'est parti pour Coriolan, une ouverture (en ouverture),  visiblement une pièce qui a marqué la compositrice, jouée avec souplesse et nuance par l'orchestre. Un condensé de l'art de Beethoven, où la virulence orchestrale du premier thème ne sert qu'à mieux révéler la transparence mélodique du second.

Vient ensuite Couleur d'abîme, de l'invitée. Un haiku symphonique de 12 minutes, quand même, qui joue sur les timbres et les intensités de façon jubilatoire, et où l'on entend mugir le tuba en sourdine derrière les bois, en contraste constant avec les crépitements et les roulements des deux percussionnistes, très occupés, contrairement à d'autres fois. Et heureux de l'être évidemment.

On installe le clavecin, tenu par Thierry Maeder. D'abord  pour un solo de Benjamin Attahir, né en 1989, l'élève de l'invitée. Intitulé sans doute  La Capricieuse à cause de cette main droite volubile qui papillonne dans l'aigu, entre répétitions et dissonances, pendant que la main gauche égrène des accords angoissés sur l'autre clavier.

Puis une pièce orchestrale de Maurice Ohana, Sarabande, superbe, où le clavecin n'est pas aussi cruel qu'il le définit, mais infiniment mystérieux dans ses résonances antiques et lointaines, enrobé par l'orchestre qui l'accompagne dans son errance méditative, sans arriver pourtant à l'accaparer hors de sa digne solitude.

On range le clavecin, on approche le piano, et en face s'installe Florent Jodelet dans le carré des percussions, pour Seascape — concerto pour percussion, la deuxième création mondiale de Edith Canat de Chizy, ce soir, une commande du festival. D'ailleurs France Musique a installé sa vingtaine de micros sur scène. Vous pourrez écouter dans votre fauteuil bientôt. Vérifiez vos programmes.

Amatrice de marines, ces petites toiles qu'elle chine et collectionne, on comprend  bien l'idée des paysages marins pour cette demande d'une ville si près de la mer. Le vent souffle, les vents aussi, et le piano préparé résonne quand les vagues glissent, comme les archets, et quand les galets ricochent. Mais l'impressionnisme tourne souvent à l'expressionnisme, percussions obligent. La tempête, ou, peut être  puisque l'on est si près des plages du débarquement, le crépitement des mitraillettes, le hurlement des avions, les éclats de bombes...

Le soliste n'arrête pas, change de mailloches selon les claviers, les tambours et les gongs. L'orchestre essaye de le contourner, de l'envelopper, reprenant parfois un rythme. La pianiste à l'air un peu perplexe, loin de ses touches, courbée sur les cordes. Puis le tumulte se calme, la marée s'éloigne, avec l'orage qui retentit en creux au loin.

Un concert passionnant, et passionné de la part des musiciens, et des compositeurs invités ou invoqués.

Le festival continue avec diverses formations pour présenter l'oeuvre de la compositrice et d'autres  (Berio, Dutilleux, Malec, Leroux, Ohana, Debussy, Ligetti) avec les élèves du conservatoire en avant-concert, et diverses formations (Ensemble Court-Circuit le 18, Quatuor Diotima le 19, et un ensemble de musiciens de l'Orchestre de Caen le 20). Toutes les infos sur le site.

 Alain Lambert
15 mars 2016
© musicologie.org

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