À Verbier, le jeune violoniste suédois Daniel Lozakovich fait sensation

Daniel Lozakovich à Verbier. Photographie © Nicolas Brodard.

Verbier, 27 juillet 2016, par Strapontin au Paradis ——

Lors de la présentation du Festival à Paris, au mois de mai, son fondateur et directeur général, Martin T:son Engström, l'avait présenté non sans émotion : un jeune prodige qui allait signer quelques jours plus tard un contrat exclusif avec un label majeur. Ce violoniste suédois de 15 ans, Daniel Lozakovich, avait effectivement montré ce jour-là une musicalité hors pair, mais il s'agissait d'une prestation d'environ dix minutes où il n'avait joué que deux courtes pièces, autant dire qu'il était assez difficile de mesurer pleinement son talent.

Or, son concert à Verbier, dans la matinée du 27 juillet dans l'église pleine à craquer, nous a laissés bouche bée. Il a ce culot de commencer, seul sur scène, par la deuxième partita de Bach, œuvre redoutable avec la célèbre « chaconne » à la fin. La salle entière est d'emblée émerveillée par sa grande maturité, il joue chaque mouvement de danse avec un naturel surprenant, et sa « Sarabande » est d'une profondeur pénétrante. Fascinante est sa manière de créer des tensions, notamment ces montées en puissance dans la « chaconne » où il sait varier des couleurs jusqu'à donner l'illusion d'un ensemble instrumental. Quant à ses coups d'archet, habiles, amples et sûrs, ce sont déjà ceux d'un maître.

À l'issue de l'entracte, où nous avons à peine le temps de digérer ce « choc » émotionnel — en effet, l'image de ce garçon tout menu a une tête d'ange plutôt qu'un visage adolescent, et la musique si mûre qu'on vient d'entendre, créent un sérieux décalage dans notre esprit — il apparaît cette fois accompagné du pianiste Franck Dupree, pour deux sonates, celle de Mozart et la troisième (!) de Brahms. Là encore, il fait preuve d'un naturel qui étonne, qui ébahit même. S'il rend le classicisme de Mozart ensoleillé et ouvert, son Brahms est pensif, intériorisé et introspectif. Son interprétation est marquée par une belle construction, toujours au profit de la tension musicale de plus en plus intense, que ce soit dans un simple crescendo ou dans une longue phrase. Il possède bien sûr une virtuosité remarquable, mais il n'en fait pas la démonstration. Si nous disons que c'est un musicien né, est-ce lui faire trop d'éloges ?

Daniel Lozakovich et Franck Dupree à Verbier. Photographie © Nicolas Brodard.

Outre son talent, il a cette grande chance d'être accompagné par Franck Dupree, extraordinaire pianiste et ancien élève de l'Académie de Verbier. Discret, mais sûr, il met le jeu de son jeune collègue pleinement en valeur, en tant que véritable complice. Le dialogue entre les deux musiciens se déroule si naturellement (décidément, « naturel » est le mot-clé de ce concert !) qu'on oublie même sa présence, car celle-ci devient si évidente.

Espérons que Daniel Lozakovich progresse bien à son rythme, sans être happé par le « star-system ».

Stapontin au Paradis
27 juillet 2016