Nous l'interrogeons sur sa conception de la direction musicale : « être chef d'orchestre ? C'est être un passeur ». « C'est montrer le chemin vers lequel on peut aller tous ensemble ». « Pour ma première saison à Marseille », précise-t-il en adressant sa gratitude à Maurice Xiberras, le Directeur général de l'opéra et à Lawrence Foster, son directeur musical, « je peux dire que je connais déjà l'orchestre et l'acoustique ». Pour ce Portrait de Manon dont nous avons souligné combien il nous est apparu consciencieusement et intérieurement élaboré, Victorien Vanoosten précise : « je suis allé fouiller dans l'esthétique ». « Lorsque j'ai vu la date de création de l'ouvrage, 1894, ça a fait « tilt » : la même année que le Prélude à l'après-midi d'un faune, une œuvre essentielle dans ma vie ». « Thaïs et le Prélude appartiennent à deux esthétiques opposées. J'ai souhaité montrer cette naïveté avec les danseurs tout en me posant une question : peut-on évoquer cet amour naïf des enfants et en même temps très intense ? Comment restituer et être dans cet imaginaire infantile ? ». Des danseurs dont la chorégraphie de Julien Lestel insiste néanmoins sur la primitivité et l'animalité des sens. Victorien Vanoosten acquiesce.
Nous parlons de sa direction : « Oui je suis quelqu'un qui laisse l'orchestre jouer ». « Quand on est chef d'orchestre, on ne vous dit jamais rien ! » Et de citer Ozawa qui « malgré toute son expérience, n'hésite pas à solliciter ses musiciens sur sa direction ». « Je suis de ceux qui ont toujours parlé aux musiciens. Certains parfois m'ont dit : tu pouvais plus t'engager ». Certes, précise ce titulaire de dix premiers prix de conservatoire, « au milieu des phrasés, lors de certains passages, je m'efforce de diriger l'orchestre vers les chanteurs ». « Et quand je veux un tempo, je l'obtiens ». « Je travaille beaucoup avec les enregistrements des répétitions . Ma formation à Helsinki m'a appris à pouvoir travailler au pied levé ».
Son répertoire et ses désirs : « deux mondes opposés : Wagner et Strauss d'une part, Puccini et le vérisme d'autre part ». Il raconte sa découverte du maître de Leipzig lorsqu'il était assistant à l'Opéra de Paris pour Siegfried et l'anneau maudit présenté à l'amphithéâtre de l'opéra Bastille en 2013, puis dans une tournée à Nancy et Besançon où il a « dirigé plusieurs représentations ». C'est surtout à l'été 2015 qu'il a eu « la chance de recevoir une invitation pour le Festival de Bayreuth » et a pu visiter « l'impressionnante fosse : un orchestre d'une puissance absolue qui ne couvre jamais les voix ». « Inoubliable » laisse-t-il échapper pour lui-même à l'image d'une rêverie diurne. Victorien Vanoosten est assurément un cherchant passionné dont il sublime l'enthousiasme au travers d'exécutions intimistes doublées, en bon épistémologue de la musique, d'exigences intellectuelles: en témoigne sa transcription pour piano du « Liebestod » de Tristan et Isolde, à écouter en conclusion de cet entretien.
Marseille, 3 octobre 2015
Jean-Luc Vannier
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