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9 avril 2015, par Jean-Marc Warszawski

Récital Einav Yarden pour la saison Blüthner au Goethe-Institut de Paris

Einav Yarden, Goethe-Institut de Paris, 7 avril 2015. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Le 7 avril dernier, l'auditorium du Goethe-Institut de Paris accueillait l'avant-dernier récital de la saison Blüthner 2014-2015. Après Stéphanos Thomopoulos, Irina Loskova, Maroussia Gentet, Martin Sturfält et avant Tom Poster, la fondation Blüthner présentait la jeune pianiste israélienne Einav Yarden, aujourd'hui installée à Berlin, après avoir étudié aux États-Unis et moissonné Prix,   récompenses, médailles, reconnaissance, poignées de main et accolades. En général, la fondation programme ses propres lauréats, cette fois, il s'agit d'un coup de cœur, frappé en août 2014, lors du festival de musique en Brionnais (quand même soutenu par la fondation, Blüthner).

J'aime le Goethe-Institut et son Curry Wurst, huileux comme il le faut qui glisse dans la gorge presque sans mâcher. Surtout qu'en Allemagne, il faut s'interdire cette spécialité universellement allemande, car les balances de ce pays ne sont pas complaisantes, bien que la définition du kilogramme (un mot qui commence mal et finit bien) soit la même qu'en France. Il y a aussi la curiosité d'entendre une jeune pianiste encore toute neuve pour notre oreille.  Mais le répertoire me semble un peu convenu : Haydn et Schubert. Nous pensons, devant le musée Guillemet, que les jeunes devraient rajeunir, penser que la vie ne s'est pas arrêtée de respirer au 19e siècle. Au long de l'avenue d'Iéna, ça continue à cogiter : pourquoi une Israélienne donnant récital en France ne mettrait-elle pas une petite pièce française à son programme, il y tant de jolies choses, et une petite pièce d'un compositeur israélien, histoire de se congratuler, elle belle pianiste et nous beau public ? Entre les deux ses Haydn et Schubert si elle veut.

En arrivant dans le hall du Goethe-Institut, nous maîtrisons enfin une pensée forte. Sache lecteur qu'en haut du panier musical, il n'y a pas seulement les quelques-unes-et-les-uns qui tournent en boucle dans les grands médias. Pratiquement tous les jeunes musiciens sont aussi en haut du panier et commencent leur carrière là où leurs maîtres finissent la leur, tant par le volume de leur répertoire que par ses exigences virtuoses. Ils sont concurrentiels, compétitifs, ils ont envie qu'on les découvre, mais qu'ont-ils envie de nous faire découvrir en dehors de leur excellence, c'est-à-dire musicalement ?

Pas la peine de se déméninger. Son cédé, Oscillations, proposé dans le hall de l'institut offre un parallèle systématique improbable entre des sonates et des pièces courtes de Beethoven et de Stravinski. Dans livret, Einav Yarden explique clairement les choses, on est dans le projet musical. Chapeau. Je vois aussi qu'elle aime jouer la musique contemporaine. Va pour Haydn et Schubert.

Joseph Haydn
Sonate en re majeur Hob. XVI:24 (1793)
Sonate en mi majeur Hob. XVI:31 (1774-1776)

Franz Schubert
Sonatge no 18 en sol majeur D. 894

Einav Yarden, Goethe-Institut de Paris, 7 avril 2015.
Photographie © Jean-Marc Warszawski.

L'auditorium est peuplé comme il l'est rarement. Einav Yarden, jolie, élégamment habillée, semble un peu discrète, retenue, pudique. Elle salue, s'installe devant le grand Blüther de concert qui n'est pas cette fois comme les autres fois couvert de traces de doigts.  Pianiste agile, bien rythmée, phraser Haydn n'est pas évident, son jeu discerne bien les voix et les parties, les modules, il est aéré. Einav Yarden ne fait pas corps avec le piano, elle lui fait face, mais ce n'est pas un combat. Elle joue, comme un chat avec une pelote de laine. On voit la préparation des stratégies, les attaques, les attentes, les mêlées, tout cela bien dessiné. Là le tricotage des dix doigts mélangés, là le saut de main aérien atteignant précisément la cible, le croisé, le long trait. Des coups de patte (il arrive une fois deux fois qu'elle sorte ses griffes, ça glisse un peu). Et d'un coup, même si elle est assez économe des mouvements de son corps, on se dit que cette pianiste aime danser. Il est rare de faire ressortir ainsi les épisodes de danse, la légèreté, le sautillement, le beau mouvement gracieux,  avec leur caractère populaire, tant chez Haydn que chez Schubert. Les parallèles improbables ne seraient-ils pas une lubie ?

Einav Yarden semble moins à l'aise dans les épisodes lyriques, elle n'a pas le piano trop malheureux ou larme aux yeux, le rubato à porté de doigt, même en faisant semblant. Les deux bis en sont une bonne démonstration. Un Liebeslied (Widmung) de Schumann mis au piano par Liszt un peu au-dessous des attentes, et un magnifique Tango de Stravinski au rythme et au dansant maîtrisés à plaisir.

Jean-Marc Warszawski
9 avril 2015


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