Delville Michel, Radiohead : OK Computer. « Discogonie », Densité, Rouen 2015 [72 p.; ISBN 978-2-919296-03-3 ; 9,;95 €]
On a déjà parlé ici de ces petits livres consacrés à un « disque univers » du temps du vinyle, ou du cédé aussi : à peine soixante-dix pages, sans illustration en dehors des microsillons de la couverture, tout en noir et blanc. « Discogonie », le titre de la collection, est la contraction de « discographie » et de « cosmogonie ». L'an passé sont parus Neil Young « Harvest » par Christophe Pirenne et The Cure « Pornography » par Philippe Gonin.
Michel Deville enseigne à la faculté de Liège la littérature anglophone contemporaine et a écrit en anglais aussi bien sur la poésie, Hamlet, Ballard ou Zappa...
Une courte introduction, sur le groupe et la qualité possible d'album concept de OK computer proche des univers de Ballard et K Dick... Mais aussi une analyse du son du groupe, le grain de la voix de Thom Yorke, les pédales de la guitare de Jonny Greenwood...
Puis sur des pages noires, la description commentée du livret cédé et la présentation des paroles comme « générées par une imprimante dysfonctionnelle », pour mieux souligner le propos dystopique du concept de l'album.
Retour à la page blanche pour reprendre les trois titres de la face A, séparés des trois titres de la face B par une double page noire reprenant sur chacune le nom des faces de l'édition vinyle. Puisque chacune des quatre faces est intitulée d'un mot issu du premier vers d'une comptine anglaise : « eeny, meeny, miney, mo » (proche de am stram gram...). Design sobre et minimal comme toujours dans cette édition.
L'analyse de chaque titre tient en deux ou trois pages, sauf le premier, Airbag, qui en fait six, car il est l'ouverture et l'introduction. Le texte est donc commenté du point de vue de l'accident, ou plutôt ce qui permet de le refouler dans notre monde. Et la musique est appréhendée dans toute son ampleur technique et esthétique. Le tout dans un contexte artistique et littéraire élargi, avec des notes et références précises.
Pour Panaroïd Androïd, l'auteur montre la généalogie complexe de l'album de 1997, qui renvoie au rock progressif antérieur aussi bien qu'au grunge ou au trip hop contemporain. L'importance aussi du Bitches Brew de Miles Davis dans la genèse de Subterranean Homesick Alien, au titre si dylanien...
La face D ne comprend que deux titres (quatre la précédente) dont le second, The Tourist, est analysé comme un épilogue sur l'accident, et l'exhortation à ralentir qui boucle, aux deux sens du terme, l'album. Une clochette finale invite à méditer et à quitter le « cauchemar politico-technologico-paranoïaque de OK Computer ».
Bref, une invitation intelligente et passionnante à découvrir ou réentendre cette œuvre emblématique de la fin du siècle dernier.
À venir chez Discogonie, Rock Bottom de Robert Wyatt, et Loveless de My Bloody Valentines.
Alain Lambert
2 décembre 2015
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