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Nathalie Joly raconte Yvette Guilbert et le Café Polisson

 

15 novembre 2015, entretien réalisé par Strapontin au Paradis ——

Strapontin au Paradis : Comment vous en êtes venue à vous intéresser au répertoire du café-concert ?

Nathalie Joly : J'ai commencé très jeune, à 14 ans, à jouer du théâtre et de la musique. Vers l'âge de 18 ans, j'ai découvert Kurt Weil, c'était un véritable coup de foudre. Je me suis prise de passion pour le Sprechgesang de Weil, que j'ai étudié plus tard dans d'autres cultures : espagnole, allemande, roumaine, et française dans les chansons réalistes des années 20 aux années 40. Je savais que cette forme avait été inventée par Yvette Guilbert et je me suis intéressée à elle.

SAP : Vous êtes devenue une « spécialiste » d'Yvette Guilbert…

NJ : La société psychanalytique de Paris m'a un jour proposé de faire un hommage à Freud à travers Yvette Guilbert ; ils avaient été amis pendant 50 ans. J'ai alors monté un premier spectacle sur elle, qui s'est développé au point d'être maintenant une trilogie. Dès le premier spectacle, le Freud Museum de Londres m'a confié la correspondance entre ces deux personnalités, dont j'ai publié une partie dans le coffret CD-livre « Je ne sais quoi ». Par la suite, tout s'est enchaîné jusqu'à la création du troisième volet du spectacle. Le deuxième spectacle est d'ailleurs consacré à l'invention de « parlé-chanté » qu'Yvette Guilbert appelait le « rythme fondu ». Le troisième volet sera présenté au mois de mai au Théâtre de la Tempête et en novembre à Châtenay-Malabry. Il s'agit de la dernière partie de la vie de la chanteuse qui correspond au début du cinéma — en effet, elle a eu une carrière très longue, c'est à 61 ans qu'elle a commencé le cinéma. Il s'agit également de tout son engagement féministe… enfin, on n'employait pas encore le mot féministe, mais je raconte tout son engagement qui a permis à libérer la parole des femmes, jusqu'à sa mort en 1944, c'est-à-dire un an avant le droit de vote des femmes.

https://www.youtube.com/watch?v=NNu0dB6PRyQ

 

https://www.youtube.com/watch?v=wCOBWEhDVdU

SAP : Comment avez-vous monté le spectacle ?

NJ : Dans ce spectacle, que Luc Bouniol-Laffont (chef du service culturel du musée d'Orsay et directeur de l'auditorium du musée) m'a commandé, après avoir vu mon travail sur Yvette Guilbert, il m'a proposé d'aborder à la fois la prostitution et le café-concert. J'ai d'abord cherché quelque chose de « polisson », c'est-à-dire avec la sexualité, une sexualité osée, mais aussi drôle, car « café polisson » veut dire aussi s'amuser au café-concert. En même temps, j'ai cherché quelque chose qui est en rapport avec la prostitution, à l'intérieur desquelles j'ai mis quelques chansons d'Yvette Guilbert, qui sont toujours très sexualisées. Ses chansons parlent de la sexualité, mais toujours avec un regard critique et c'est ce qui se démarque.

Mais je n'ai pas uniquement choisi ces chansons, car elle a toujours refusé d'être associée à la prostitution, contrairement à ce qui était souvent le cas des chanteuses de cette époque. Elle s'est toujours défendue de se comporter tel que les directeurs de théâtres et les hommes demandaient aux chanteuses de cabaret, c'est-à-dire montrer, exhiber leurs corps. Guilbert était totalement contre l'exhibition, en mettant tout son intérêt artistique à faire entendre les mots et les textes, ainsi que leurs sens.

SAP : Le spectacle est à la fois drôle et poignant.

NJ : J'ai constitué quelque chose de drôle et divertissant pour les spectateurs du café-concert. En effet, avec Jacques Versier — le metteur en scène avec lequel j'ai réalisé mes premiers spectacles sur Kurt Weil et qui a mis en scène les deux premiers volets du spectacle sur Yvette Guilbert —, je voulais mettre en scène le public du café-concert. J'ai aussi travaillé sur les numéros de cafés-concerts, c'est pour cela qu'il y a du cinéma (extrait de film muet Le piano irrésistible d'Alice Guy, première femme metteuse en scène, 1907), une scène d'auditions de l'établissement avec des surprises, etc. Mais je voulais aussi des chansons qui parlent vraiment de la prostitution. Elles sont plus tardives, plutôt dans les années 1920-1930 ; elles sont plus engagées, racontent des vécus de l'intérieure, qui sont glauques, tristes et misérables. Néanmoins, les chansons comme celle de Gustave Nadaud qui date de 1850, La Lorette de la veille, décrit très bien la situation des « Lorettes », de l'époque du début de la prostitution — auparavant il s'agissait des courtisanes et non des prostituées — avec des cris de la misère d'un côté, mais de l'autre côté, avec plus de panache, avec plus de… comment dire… c'est plus enrobé, la dénonciation est plus conforme à la société ; ces chansons épousent plus au vocabulaire de cette période. On sent bien la différence avec la chanson des années 1920-1930, qui sont plus rebelles et plus directes dans le choix du vocabulaire.

Nathalie Joly dans le spectacle « Je ne sais quoi » . Photographie © Chantal Dépagne / Palazon.

SAP : Pour trouver et découvrir des chansons, fréquentez-vous des bibliothèques ?

NJ : Oui, bien sûr ! J'ai fait des recherches à la Bibliothèque nationale de France, à Radio France, dans diverses sources, dans des domaines très différents. J'essaie d'élargir les champs de recherche, jusqu'aux musiques traditionnelles, comme cubaine, allemande… C'est un mélange de quelque chose qui me plaît et qui me touche surtout. Les textes et les musiques me plaisent. Si les textes ne me plaisent pas, je ne les chante pas.

J'ai eu la chance d'être destinataire d'un don constitué d'un ensemble de partitions et de documents d'Yvette Guilbert de la part d'une dame ; cela m'a permis d'écrire le deuxième spectacle, et dont je me sers encore aujourd'hui.

SAP : Et ces documents, y compris la correspondance, sont-ils publiés ?

NJ : Non, pas encore. J'en chante, et quelques textes sont dans mes CD, mais j'essaie de trouver les éditeurs ! Selon eux, cela n'intéresse pas suffisamment de monde… Mais je garde l'espoir !

Biographie dans le site de la Compagnie Marche la Route

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