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Théâtre de Caen, 26 mars 2015, par Alain Lambert ——

Louise Moaty et Alexei Lubimov « This is not a dream ! » Magique, la lanterne !

Louise Moaty et Alexei LubimovLouise Moaty et Alexei Lubimov. Photographie © Fondation Royaumont.

John Cage écrivait de Satie, Erik, contre tous les fâcheux : il ne s'agit pas de savoir si Satie est valable. Il est indispensable. C'est bien ce que pensent les deux protagonistes du spectacle magique, This is not a dream, sur le principe magrittien du Ceci n'est pas une pipe.

Tout ici n'est qu'illusion d'optique ou théâtre d'ombres, bien avant le cinéma et le numérique, même si la lanterne est très moderne, et ses dispositifs complexes animés par des horlogers, loin de l'artisanat d'autrefois.

Mais la magie fonctionne à merveille, donnant à la musique d'Erik Satie et de John Cage une résonance plus profonde encore, dans la dimension des champs magnétiques surréalistes plus que dans l'anti art dada.

C'est d'autant plus troublant qu'Alexei Lubimov ressemble un peu au maître d'Honfleur, tel que Man Ray l'a photographié en 1922. Magnifique pianiste, très à l'aise sur les trois pianos, le normal, le préparé, et le jouet, il passe sans se troubler des uns aux autres, et de l'un à l'autre, avec sa lumière frontale allumée, pour ne pas se perdre au royaume des ombres, celles du lion affamé ou des chasseurs maladroits.

Pendant que sa complice tourne autour de sa machine, glisse ses plaques, les anime, jouant avec le titre, l'ambiance, puis préparant la séquence suivante pendant chaque interlude.

Le premier morceau illustré est « Sur une lanterne », deuxième moment des Descriptions automatiques. Le premier suivra plus tard, « Sur un vaisseau ». On imagine Satie, au « Chat noir », rêvassant et improvisant pendant le spectacle d'ombres du cabaret. Les images, naïves et humoristiques se succèdent, pleines de chats, de sirènes, de poissons... Elles éclatent en couleur comme « Le feu d'artifice » des Sports et divertissements. Dessinées, peintes, collées, bricolées, toutes s'adaptent avec précision au rythme du piano en balançant, ou tournicotant comme dans un praxinoscope animé par Méliès.

Sur les airs de piano préparé, dont Cinéma de Satie, qui sonne très bien, les images sont plus abstraites, kaléidoscopiques, en hommage aux Rotoreliefs de Marcel Duchamp, pour qui Cage avait composé une suite.

Puis après Dream, light show surréaliste d'huiles colorées injectées les unes sur les autres, Louise Moaty ferme sa lanterne, allume une bougie, et entonne d'une voix nette et claire un avant-dernier air de Cage, The wonderful widow of eighteen spring, accompagnée par des percussions sur le couvercle du clavier.

Avant de réapparaître, sur The Perilous Night, juchée sur l'écran géant, fabriqué par l'équipe technique du théâtre de Caen, coproduction oblige, qui est en fait cerclé de barreaux, et derrière lequel elle se glisse, ombre à son tour ou aiguille d'horloge, dans un dernier hommage au temps de l'avant cinéma, quand nous pouvions nous émerveiller loin des milliards de l'industrie des images et des rêves éveillés.

Louise Moaty retourne dans les airs pour le rappel sur la Gnossienne no 5, retrouvant le chat de Satie, avant de tracer le mot « Fin » au pinceau.

Un superbe spectacle, original, poétique, surmusical, « indispensable » comme disait Cage.

plume Alain Lambert
26 mars 2015


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