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Le Nouveau dictionnaire des interprètes

Alain Pâris (direction), Le Nouveau dictionnaire des interprètes. « Bouquins », Robert Lafont, Paris 2015 [1376 p. ; ISBN 978-2-221-17576-0 ; 32 €].

17 décembre 2015, par Jean-Marc Warszawski ——

Voici la 6e édition, depuis 1982, du dictionnaire des interprètes dirigé par Alain Pâris.

Sur la très longue période, on peut remonter à la Grèce antique, le travail des mains est méprisé, alors que les activités intellectuelles sont socialement surévaluées. Savoir, philosopher, enseigner, vaut bien mieux que faire. Si on apprécie la musique, on apprécie beaucoup moins les musiciens qui la composent et encore moins ceux qui la jouent, car ils sont de simples exécutants, les mains qui exécutent.

Aujourd'hui, la situation est ambiguë : on va écouter Alagna et non pas Tosca, Lang Lang et nons pas Beethoven, les Arts florissants et non pas Lully, le Philharmonique de Berlin et non pas Mahler ou Bruckner. Pourtant s'il y a aujourd'hui des interprètes monstres sacrés, les préventions contre les artistes interprètes sont toujours vivaces, comme le montre les réactions hostiles et violentes contre les intermittents du spectacle, dès lors qu'ils revendiquent un peu plus de respect et de souci public pour leur vie matérielle.

Les histoires de la musique ne font aucune place aux interprètes, mais il est vrai que les compositeurs jouaient eux-mêmes leurs œuvres, tenaient la place des solistes et que les archives ont peu conservé la mémoire des purs interprètes.

Cela c'est modifié au cours du xixe siècle, où le métier d'interprète au service des œuvres et de l'art s'est développé, comme un réel métier, voire un rouage essentiel de l'industrie de la musique. Mais en dehors de quelques artistes surmédiatisés et sacralisés, le monde musical est relativement anonyme.

On peut donc saluer l'effort qui est fait ici, pour humaniser tant la surface sacralisée que l'anonymat d'un collectif tout aussi brillant.

Cette édition comporte 4000 notices, dont 3000 biographiques, touchant le monde entier, depuis 1900 jusqu'à nos jours. Ce chiffre est gigantesque, mais peu au regard des 25 000 musiciens professionnels pour la France seule.

La tache des auteurs n'est épistémologiquement pas simple. D'abord pour établir les réalités factuelles dans un monde de promotion spectaculaire, dans lequel les artistes veillent eux-mêmes à se donner une « image d'artiste » valorisante, mais encore parce que des artistes parmi les plus admirés ont une vie parfaitement banale dont il n'y a rien à raconter, d'autres au contraire sont plus originaux ou turbulents. Mais comment choisir ? Alain Pâris répond : notoriété et cohérence, mais en aucun cas des critères de qualité. Encore que la notoriété publique ne recoupe pas toujours, c'est peu de le dire, la notoriété acquise parmi les pairs.

Chacun pourra donc s'étonner pour son compte des présences ou des absences. Pour ma part, je note la présence évidente de violoncellistes, tels Gaspar Cassado, Lluis Claret, Myun-Wha Chung, Emmanuelle Bertrand, Christophe Coin, Henri Demarquette, Jacqueline Du Pré, Pierre Fournier, Ophélie Gaillard, Maurice Gendron, Sol Gabeta, Yo-Yo Ma, Misha Maisky, Maurice Maréchal, etc., mais pas celle de Michel Strauss, l'un des plus cotés dans le monde musical actuel, ni Diana Ligeti, pas plus que chez les violonistes l'extraordinaire Gordan Nikolics ou Vanessa Szigeti ou Guillaume Latour, ou parmi les quatuors à cordes le Diotima ou le Béla.

Le personnel des ensembles évolue. Ainsi Andreas Seidel n'est plus premier violon du célèbre quatuor de Leipzig. Depuis la parution de ce livre, il a été remplacé par Stefan Arzberger, lui-même démissionnaire en raison de démêlés avec la justice américaine.

Si l'enjeu était de sauver la mémoire de tous les interprètes depuis 1900, ce serait mission impossible, et sans intérêt, car les vies de tous les musiciens dans un temps et une localisation donnés se ressemblent. Cet ouvrage est aussi un état des lieux, un panorama — c'est ce que nous comprenons du « critère de cohérence » avancé par le directeur éditorial.

Ce livre est pour le mélomane, mais aussi l'historien, un usuel indispensable par ses 4000 notices, qu'on doit tenir à portée de mains, avec celui de Christian Merlin, Au cœur de l'orchestre.

Jean-Marc Warszawski
17 décembre 2015

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