musicologie
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Mai 2015 —— Alain Kohler.

La découverte d'un piano Pleyel joué par Chopin

Les pianos Pleyel conservés sur lesquels Chopin a indiscutablement joué sont au nombre de cinq : le pianino no 6668 dans la chartreuse de Valldemosa, le piano à queue no 7267 au musée de la musique à Paris, le piano à queue no 12480 dans le Stiftelsen Musikkulturens Främjande à Stockholm, le piano à queue no 13189 dans la Cobbe Collection à Hatchlands Park (Surrey) et le piano à queue no 14180 au musée Frédéric Chopin à Varsovie.

D'autres pianos, dont on n'a pour la plupart actuellement aucune trace, sont supposés avoir été joués par le maître2 : c'est le cas en particulier du no 11265. Il est prouvé ici, par une étude contextuelle des archives et par une concordance avec la découverte du pianino qu'utilisait Chopin à la même période, que ce piano à queue Pleyel no 11265 était bien le piano joué par Chopin lorsqu'il résidait au 9 square d'Orléans à Paris, du 29 novembre 1844 au 12 juin 1845.

Ce piano a été retrouvé récemment : il a été restauré minutieusement en 2009 par les ateliers Edwin Beunk à Enschede aux Pays-Bas et il appartient à un collectionneur privé allemand. Sa mécanique est très bien conservée et le son du piano est magnifique. Le numéro de série, en plusieurs endroits sur le piano, atteste de son authenticité. Ce piano pourra être mis à disposition pour certains projets artistiques3.

Piano Pleyel de no 11265, 1844.

Contexte

Entre les années 1841 et 1846, la vie du couple Frédéric Chopin - George Sand est rythmée invariablement par une présence à Paris en hiver et un séjour à Nohant, dans la maison de George Sand, en été. À Paris, ils logent square d'Orléans depuis l'automne 1842, Chopin au no 9 et Sand au no 5. Chopin dispose d'un grand salon, ce qui lui permet d'inviter ses amis à des concerts intimes.

Chopin revient du Berry à Paris le 29 novembre 1844 alors que sa compagne le rejoindra le 13 décembre. Ils y resteront jusqu'au 12 juin 1845.

 

Second piano

Plusieurs témoignages confirment que Chopin, bénéficie dans son logement du square d'Orléans, d'un second piano qui sert à l'accompagnement, le piano à queue étant réservé à ses élèves. Ce second piano était au début un piano carré puis un pianino ou alors un piano droit à cordes obliques.

La présence d'un piano carré dans l'appartement de Chopin est attestée par Wilhelm von Lenz à la fin de l'année 1842 lors d'un concert privé chez le maître pour présenter le jeune prodige Carl Filtsch :

Chopin avait fait transporter dans le salon près du grand Pleyel le piano carré (das Tafelförmige Instrument) qui se trouvait dans son cabinet de travail…4

Karol Mikuli, élève depuis 1844, écrivait que Chopin avait « un pianino Pleyel où il interrompait et corrigeait l'élève… »5

Le témoignage d'une élève se rapportant à mars 1846 confirme les propos de Mikuli :

 Au milieu de la pièce se trouvaient deux pianos : un piano à queue, l'autre droit, tous les deux des Pleyel, d'une belle sonorité et d'un beau toucher… de temps en temps il s'asseyait au second instrument et il jouait tout doucement en improvisant un accompagnement6.

Une autre élève, Emilia Borzecka, raconte :

Je suis allée chez lui seulement pour quelques leçons. C'était, autant que je m'en souvienne, à la fin de 1846 ou au commencement de 1847. Chopin était déjà très malade à cette époque si bien que pendant les leçons il ne parlait presque pas du tout, mais, assis à un second piano, il jouait certains passages comme il souhaitait qu'ils fussent exécutés7.

Le pianino no 13153 de l'auteur, août 1846.

Des pianos nouveaux

Chopin a conclu depuis longtemps une forme de partenariat avec Camille Pleyel : les pianos sont mis à sa disposition. Et l'artiste fait une bonne publicité car beaucoup de ses élèves vont acheter des pianos Pleyel. Dans ce sens, on peut aussi comprendre que Chopin disposait d'instruments neufs et qu'ils étaient souvent renouvelés. Ainsi bénéficiait-il toujours de nouveaux pianos quand il revenait à Paris.  Il y avait au moins trois raisons à cela :

1. Les fortes secousses, lors du transport en Berry, pouvaient dérégler les belles mécaniques de Pleyel.  On en a pour preuve le mécontentement de Chopin en 1841 qui demande depuis Nohant un autre piano à Pleyel au milieu de l'été tant le premier est mauvais. Chopin se plaint également dans l'été 1845 : « Je ne joue pas beaucoup, mon piano est désaccordé »8.

 Des pianos donc convalescents qui devaient encore affronter le voyage de retour !

2. Chopin changeait souvent de pianos pour aller à Nohant, et les pianos au square d'Orléans n'y restaient pas : ils étaient le plus rapidement possible vendus ou mis en location par Pleyel, affaires obligent !

3. Mais surtout l'automne correspond à une nouvelle année de leçons pour ses élèves. C'est donc l'occasion pour Pleyel de montrer aux aristocrates fréquentant le salon de Chopin les nouveaux modèles de pianos. 

 Chopin eut deux pianos pendant l'hiver 1843-1844 : le piano à queue no 10039 et le piano droit no 10113. Ces pianos l'ont accompagné à Nohant. Au retour, le piano à queue est mis à la disposition d'Auguste Léo, banquier et ami de Chopin, alors que le piano droit est mis en location. Comme Pleyel ne louait pas ses pianos à Chopin9, on conclut que le pianiste bénéficia de nouveaux pianos à son arrivée à Paris en novembre 1844.

Indication dans le registre des ventes de la maison Pleyel de 1844-1845 des destinations des pianos no 10039 et no 10113.

L'annonce de l'arrivée d'un piano

Chopin écrit à George Sand en date du 5 décembre 1844 :

Mes leçons ne sont pas encore en train. Primo, je viens de recevoir seulement un piano. Secondo, on ne sait pas encore trop que je suis arrivé10.

Ce texte confirme que le musicien reçoit un nouveau piano. Son arrivée est très récente, le jour même ou la veille.

Les archives Pleyel. Méthodologie

Il y a deux registres, des livres contenant chacun plusieurs registres de vente (que nous abrégerons par RV) avec une année comptable allant du 1er juillet au 30 juin, et le registre de fabrication (que nous abrégerons par RF).

Chaque RV contient les éléments suivants sur deux feuilles. Sur la première figurent : numéro de série, classe de prix, description du piano, catégorie, nombre de cordes et d'octaves. Sur la deuxième : prix et date d'entrée au magasin, nom et ville de l'acheteur ou indication de mise en location ou rien, la date de vente ou de mise en location, le prix de vente.

Si le piano est déjà au magasin au 1er juillet, il est noté comme entrée au magasin « inventaire » dans le sens qu'il vient d'un report du registre précédent. Dans la rubrique « nom de l'acheteur », s'il n'y a rien de noté, ou alors « inventaire », cela signifie que le piano n'a ni été vendu, ni loué pendant cette période du 1er juillet de l'année x  au 30 juin de l'année x+1, et va donc logiquement être noté « inventaire » dans le registre suivant, comme entrée au magasin.

Le RF contient le numéro de série du piano, ses caractéristiques et les dates de finition des différents corps de métier : caissiers, tableurs, monteurs de cordes, claviers, échappements, finisseurs, couvercles, ferreurs, vernisseurs, égalisseurs. Il est à remarquer que les dates sont relevées de samedi en samedi : un piano verni au 10 juin ne veut pas dire qu'il est verni ce jour-là mais que cela a été fait entre le 5 et le 10 juin. On peut par exemple comprendre qu'un piano dit terminé au 2 juin se trouve au magasin fin mai.

La méthode pour chercher les pianos est systématique : elle ne consiste pas à repérer d'abord des inscriptions à peine déchiffrables qui pourraient correspondre au nom du pianiste. Elle passe en revue tous les pianos11 des archives en fonction d'abord du critère objectif concernant les dates.

Pour ce qui nous concerne, nous cherchons donc dans le RV 1844-45 tous les pianos dont la fabrication s'est terminée avant la mi-décembre 1844 et dont la vente ou la mise en location s'est faite en juin 1845 ou après. Cela donnera ainsi une liste de candidats potentiels.

Ensuite nous appliquerons d'autres critères basés sur une argumentation solide. L'apparition du mot « Chopin » au crayon, si elle existe, devient alors bien sûr déterminante. C'est par cette méthode que l'auteur a découvert une inscription très faible concernant un piano droit pressenti.

A la recherche du second piano

Dans la lecture du RV de 1844-45, on relève 6 candidats répondant au critère des dates. Mais nous pouvons déjà objectivement en enlever trois : il s'agit des pianos carrés n° 11417 (il n'y a pas de date de mise en magasin mais le RF indique que le piano est terminé le 31 mai 1845), n° 11509 (au magasin en décembre mais selon le RF le piano est terminé le 21 décembre) et n° 11579 (il est indiqué au magasin en novembre 1844 mais c'est une erreur, le RF indique le 8 novembre 1845 et on le retrouve bien au magasin en novembre 1845 dans le RV 1845-46).

Il reste donc trois candidats :

Le piano vertical no 10223, au magasin en octobre 1843 pour 1 400 francs, il est indiqué « Exposition » (certainement l'Exposition nationale de Paris en mai et juin 1844), il est à l'inventaire au 1er juillet 1844 pour 1 400 fr. Passé en succursale et toujours à l'inventaire au 1er juillet 1845, il est vendu au prix de 1 330 fr. en décembre 1845.

Le piano carré no 11035, en palissandre, terminé le 30 novembre 1844, au magasin en décembre pour 1 100 fr., est à l'inventaire au 1er juillet 1845 et mis en location en décembre 1845 pour 700 fr.

Le pianino no 11380, en palissandre, verni au 30 novembre 1844 et terminé au 7 décembre, au magasin en décembre pour 1 000 fr., est mis en location en juin 1845 pour le même prix.

Le piano vertical a été un piano d'exposition et surtout il est bien trop vieux, plus d'un an. Les pianos connus mis à la disposition de Chopin ont, publicité oblige, quatre mois tout au plus12.

Le piano carré perd curieusement pas mal de sa valeur pour un piano que Chopin aurait touché et sa mise en location est bien tardive. Le problème avant tout c'est qu'il s'agit d'un piano carré. Chopin a certainement bénéficié d'un piano carré l'hiver 1842-43, ce n'est plus le cas l'année suivante où il dispose d'un piano droit à cordes obliques. Et les témoignages cités dès 1844 vont bien dans le sens d'un piano droit.

Le pianino no 11380 a des dates idéales : il est terminé au plus tard au 7 décembre et Chopin, dans sa lettre du 5 décembre, ne l'a pas encore reçu. La mise en location en juin correspond exactement au mois de départ en Berry du couple Sand-Chopin. Et pour couronner le tout, il y a sous le texte « Mis en location , écrit faiblement un mot au crayon de papier qui n'est rien d'autre que « Mr Chopin » ! La personne qui bénéficiait de la mise à disposition d'un piano était parfois inscrite au crayon, annotation se justifiant d'autant plus que Pleyel savait que Chopin quittait Paris avant le 1er juillet et donc que le statut allait changer (soit une vente, soit une mise en location, soit à l'inventaire).

Le pianino no 11380, en palissandre, est ainsi à coup sûr le piano qu'a utilisé Chopin pour accompagner ses élèves au square d'Orléans du début décembre 1844 au 12 juin 1845.

À la recherche du piano à queue

La lecture du RV 1844-1845 nous donne six candidats (« GP » signifie grand patron et « PP » petit patron)

Le piano à queue GPB n° 10038, en palissandre, au magasin en juin 1843 pour 2 800 fr., est à l'inventaire jusqu'à sa location dans l'année comptable 1846-1847. C'est un piano semblable au no 10039 utilisé par Chopin l'année précédente. Il est donc bien trop vieux.

Le piano à queue GPA no 10816, en palissandre, au magasin en juin 1844 pour 3 000 fr., est un piano spécial unique dit à double percussion. Piano d'exposition et plusieurs années à l'inventaire, il est loué en février 1850 pour 1 500 fr.

Le piano à queue GPA n° 11011, en palissandre uni, au magasin en juin 1844 pour 3 000 fr., noté à l'« Exposition », toujours à l'inventaire au 1er juillet 1845 pour 2 800 fr., il passe finalement à la location en juin 1846 pour 1 500 fr. Ce piano est un piano d'exposition et le prix de sa location, pour un piano âgé seulement de deux ans, est curieusement très bas (défauts de fabrication ?). Mais surtout c'est un piano noté GPA dans le RF, autrement dit le plus grand modèle fait par Pleyel, un piano de concert. Un tel piano ne pouvait correspondre à l'esthétique du maître (concerts de salon chez lui) qui bénéficiait en fait de pianos à queue plus petits13.

Le piano à queue PP n° 11235, en acajou chenillé, au magasin en novembre 1844 pour 1 800 fr., est noté « A la fabrique à l'inventaire ». Il est vendu pour le même prix à M. Lelary à Paris en août 1845.

Sous le texte « A la fabrique » est écrit très faiblement au crayon un mot qui ne correspond pas au mot « Chopin » mais, avec une première lettre qui est un « G » majuscule, probablement au pianiste Alexandre Goria.

Le piano à queue PP n° 11243, en acajou chenillé, au magasin en septembre 1844 pour 1 800 fr., est noté « A la succursale à l'inventaire ». Il est vendu à M. Zwichenbart à Bâle en juillet 1845 pour 1 700 fr. On retrouve aussi très faiblement sous le texte « A la succursale » un début de mot dont la première lettre est un C majuscule, mais pas de trace de p et vers la fin une sorte de rond vers le haut. Il n'est guère probable qu'il s'agisse du mot « Chopin ». Le seul candidat non rejetable absolument serait donc ce dernier piano no 11243. Toutefois le piano suivant va correspondre à tous les critères.

Le piano à queue PP n° 11265, en acajou chenillé, est verni au 30 novembre et terminé au 7 décembre. Au magasin en décembre 1844 pour 1 800 fr., noté « A la fabrique à l'inventaire » avec dessous un texte assez net « Mr Chopin »14, il est vendu pour le même prix à M. Bouvier en septembre 1845.

Mais alors que signifie « A la fabrique, à l'inventaire » ? On pourrait argumenter que le piano a dû être retourné à la fabrique pour réparation avant même que Chopin ne l'utilise. En fait, la dénomination « A la fabrique, à l'inventaire » est propre à la période comptable 1844-1845. Elle a le même sens que « A l'inventaire ». Pour preuve, la fréquente utilisation de cette dénomination pour les pianos fabriqués en mai et juin : c'est normal car beaucoup de pianos n'ont pas le temps d'être vendus et seront mis donc à l'inventaire au 1er juillet.

Si la mise à disposition allait au-delà du 30 juin, alors en plus du nom de l'artiste au crayon, figurait à la plume la confirmation du prêt au-delà de cette date.

Piano à queue  no 10467 à disposition de Joséphine Martin au moins jusqu'à fin juin 184515

On peut encore se demander si le texte écrit sous « A la fabrique » est bien « Mr Chopin » car la dernière lettre est descendante. En fait, il arrivait assez fréquemment que des mots finissent par une sorte de lettre additionnelle en forme de boucle comme le met en évidence ici la fin de « Lille ».

Le fait donc que le mot « Mr Chopin » soit couvert ne signifie en aucun cas, rappellons-le, qu'il ne l'avait pas à disposition. Cela veut dire que ce piano lui a été prêté mais comme il a été restitué avant la fin juin, « A la fabrique à l'inventaire », dans ce RV de 1844-45, est rajouté par-dessus.

Reste le problème des dates. D'abord il n'est vendu que trois mois après sa restitution ce qui est inhabituel, les pianos remis par Chopin à Pleyel étant vendus ou loués dans le mois qui suit. En fait Pleyel dans l'été et l'automne 1845 lance une première série de PP à 6 octaves 3/4 (ut-la), les no 12128 à 12137, les claviers étant terminés au 20 septembre. Donc il est fort probable que le PP no 11265 à 6 octaves 2/3 (ut-sol), rendu par Chopin en juin, a été modernisé par rajout de deux notes avant d'être vendu en septembre à M. Bouvier. Ce qui explique le retard16 !

Ensuite il est terminé au samedi 7 décembre alors que Chopin le reçoit le 5 décembre ou un jour avant. Rappelons que l'état d'avancement des pianos n'était relevé que les samedis. La dernière opération était l'harmonisation (indiqué par « Egalisseurs » dans le RF) ; elle a eu lieu entre le 2 et le 7 décembre. Elle correspond d'autant mieux aux propos de Chopin qui affirme « qu'il vient de recevoir seulement un piano », c'est-à-dire qu'un piano n'avait pas été installé dans son salon avant sa venue à Paris.

Les dates des dernières opérations dans le RF, 9, 16, 30 novembre et 7 décembre 1844, sont des samedis. Le premier piano indiqué est le piano à queue no 11265, le deuxième est le pianino no 11380.

Il faut encore noter que les pianos à queue de la série no 11260 à 11267 furent immédiatement vendus après leur fabrication. Autrement dit, le piano no 11265 n'a pas traîné au magasin et fut donc tout de suite mis à la disposition de Chopin. Le piano à queue suivant prêté à l'artiste fut incontestablement le PP no 11527. Certes il est déjà au magasin en avril 1845 mais Chopin n'en dispose pas à Paris parce que d'une part ce piano est clairement indiqué pour le Berry et que d'autre part il fut à la disposition du pianiste Goria en avril et mai. On peut en conclure que le no 11265 fut dans l'appartement de Chopin pendant tout son séjour en hiver et au printemps 1845.

Il est maintenant facile de reconstituer la trame : Chopin n'a pas averti Pleyel de son arrivée à Paris. Il y est le vendredi 29 novembre. Il neige. Il ne va voir Pleyel que le lundi 2 décembre :« Je n'ai vu ni Grzymala, ni Pleyel, c'était dimanche. Je compte aller aujourd'hui (lundi) les voir si la neige cesse un peu.»16

Il se rend au magasin et choisit deux pianos qui ont été vernis quelques jours auparavant, ce sont les nos 11265 et 11380. Une fois harmonisé le piano à queue est livré en premier car c'est le plus urgent. Vient peu après le pianino.

L'élimination logique de quelques candidats et la concordance de dates et des textes au crayon « Mr Chopin » entre le piano droit no 11380 et le piano à queue no 11265 ne laissent planer aucun doute :

Le piano à queue petit patron no 11265, en acajou chenillé, est bien le piano du salon de Chopin entre le 5 décembre 1844 et le 12 juin 1845. 

Quelques photos du piano à queue Chopin n° 11265 et de sa restauration en 2009

Ce piano, dont l'historique est encore à approfondir, a été restauré en 2009 par Edwin Beunk et dans les règles de l'art. Si la partie boiserie a souffert (placage, poutres, recollage de la table d'harmonie, sommier partiellement reconstitué), la partie mécanique est très bien conservée (les marteaux, même mités, procurent un son magnifique : ils n'ont pas été changés).

La caisse avec un placage en mauvais état.

La mécanique bien conservée.

Le numéro de série sur la mécanique.

Le numéro de série sur la caisse.

Le piano chez son propriétaire en janvier 2015.

 

Notes

1. Alain Kohler est professeur de physique en lycée, à Sion, en Suisse. Chopinophile depuis longtemps, son intérêt pour les pianos Pleyel s'est accru lorsqu'il a acquis et fait restaurer un piano droit Pleyel de 1846. Ce présent article fait partie d'une étude plus large « Les pianos Pleyel chez Chopin pendant sa relation avec Sand » publiée en mars 2015 dans musicologie. L'auteur remercie Mme Marie-Paul Rambeau et M. Jean-Jacques Eigeldinger pour la relecture attentive de ce présent article.

2. Eigeldinger,  p. 175 :  Parmi les pianos qui ont quelque chance de s'être succédés dans le salon du square d'Orléans, entre l'automne 1843 et l'hiver 1847-1848 on relève dans les registres de vente les numéros 10039 (grand patron) et 10113 (droit) — es deux ont dû voisiner dans le climat des leçons —, 11265 ( ?), 12480 et 13214 (tous trois petits patrons).

3. Les demandes sont à adresser à Edwin Beunk, Brinkstraat 326, 7541 AX Enschede, Nederland. Tel: (+31) 05 34 30 31 87.

4. Lenz, p. 158-59.

5. Eigeldinger, p. 173, propos tenus en 1879 par Mikuli (préface de son éditeur). Mikuli fut l'élève de Chopin de 1844 jusqu'au départ du maître à Londres au printemps 1848.

6. Rambeau, p. 732, témoignage d'une élève écossaise anonyme tiré de « Chopin », James Cuthbert Hadden, Dent, (Londres, 1903).

7. Rambeau, p. 761.

8. CFC, t. III,  p. 200, lettre de Chopin du 16 juillet 1845 à sa famille à Varsovie.

9. Un billet de M. Herbault, un collaborateur de Pleyel et un ami de Chopin, dans une lettre le 21 décembre 1844 au compositeur,  déclare ne vouloir rien accepter pour le piano qui a été dans le Berry et pour la location duquel Chopin voulait payer. Karlowicz, p. 167.

10. CFC, t. III, p. 183.

11. À noter qu'il y a parfois uniquement le numéro de série sans aucune autre indication. Il a été vérifié dans le RF que ces pianos ont été terminés après le 30 juin 1845. On les retrouve donc plus loin dans les registres.

12. Deux semaines pour le Pleyel no 7267, quatre mois pour le no 10039, 2 mois pour le no 10113, trois mois pour le no 11527, deux mois maximum pour le no 13214 et un petit mois pour le no 14810.

13. Chopin disposait habituellement de pianos à queue petit patron, sauf le no 7267 et le no 10039 qui étaient des modèles GPB intermédiaires entre un piano de concert et un piano petit patron.

14. On remarquera que les typographies de « Mr Chopin » de ce piano et du pianino no 11380 sont les mêmes alors que le no 11243 n'a pas de « Mr » et le « C » est très différent. Raison supplémentaire, s'il en était besoin, pour rejeter le no 11243.

15. Il est vérifié dans le registre suivant que Mlle Martin avait bien encore ce piano à sa disposition.

16. Ce piano no 11265 a effectivement aujourd'hui 6 octaves ¾ (ut-la). C'est aussi le cas de pianos existants, ayant été fabriqués un peu avant cette série, donc les derniers à 6 octaves 2/3 (ut-sol), qui se sont retrouvés avec deux notes de plus, par exemple les no 10756, 11316, 11926, 12000 et 12099.

17. CFC, t. III, p. 181, lettre de Chopin à George Sand du lundi 2 décembre 1844.

Bibliographie sélective

Beaupin René, Chronologie des pianos de la maison Pleyel, Paris, l'Harmattan, 2000.

Chopin Frédéric, Correspondance (édition et traduction française par Edouard Sydow et Denise et Suzanne Chainaye), Paris, Richard-Masse, 1981, 3 vol. [CFC]

Chopin e il suono di Pleyel, collectif sous la direction de Florence Gétreau, Villa Medici Giulini, 2010.

Cobbe Alec, Chopin's Swansong, The Chopin Society UK, in association with the Cobbe Collection Trust, 2010.

Eigeldinger Jean-Jacques, Chopin et Pleyel, Paris, Fayard, 2010. [Eigeldinger]

Eigeldinger Jean-Jacques, Chopin vu par ses élèves, Paris, Fayard, 2006.

Jude Jean, Pleyel 1757-1857 La passion d'un siècle…, 2008.

Karlowicz, Souvenirs inédits de Frédéric Chopin, traduction française de Laure Disière, Paris-Leipzig, H. Welter, 1904. [Karlowicz]

Von Lenz Wilhelm, Les grands virtuoses du piano. Liszt, Chopin, Tausig, Henselt (édition et traduction française de Jean-Jacques Eigeldinger), Paris, Flammarion, 1995. [Lenz]

Rambeau Marie-Paule, Chopin l'enchanteur autoritaire, Paris, L'Harmattan, 2005. [Rambeau]

Sand George, Corrrespondance, (édition Georges Lubin), Paris, Garnier, 1964-1995, 26 vol.

Trinques Jean-Jacques, Le piano Pleyel d'un millénaire à l'autre, Paris, l'Harmattan, 2004.

Archives Pleyel (depuis décembre 2012).

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