Berliner Camerata, Nice, mai 2015. Olga Pak (violon), Alexey Naumenko (violon), Temur Vakhabov (violon), Tal Riva Theodorou (alto), Andrey Kalashnikov (contrebasse) et Yann Merker (Violoncelle). Photographie © D.R.
En tournée dans les grandes villes du sud de la France jusqu'au 14 juin prochain — Hyères sera sa dernière étape — la Berliner Camerata, un orchestre de chambre en provenance de Berlin, se produisait dimanche 31 mai en la basilique Notre-Dame de Nice. Le désistement à la dernière minute, et pour des raisons médicales, de la haute-contre Vladimir Catana imposa quelques aménagements du programme en y insérant davantage de morceaux pour cordes solistes. Cet ensemble n'est toutefois berliner que par les six instrumentistes qui résident et étudient sur les bords de la Spree. Lesquels décidèrent, en 2009, de former un groupe orchestral dédié simultanément au répertoire baroque, à la musique classique viennoise et au romantisme allemand. En témoigne la diversité de leur origine tout comme celle de leur parcours : une caractéristique de l'atmosphère d'ouverture et de tolérance dont la capitale fédérale d'outre-Rhin ne cesse de s'enorgueillir. Il fallut, certes, vaincre quelques résistances culturelles nourries de paranoïa pour apprendre que la soliste Olga Pak (violon) était née en Corée et avait grandi en Russie, que son collègue Alexey Naumenko venait de Saint-Pétersbourg, que le violoniste Temur Vakhabov avait ses racines à Tachkent en Ouzbékistan — il porte le même prénom que son illustre prédécesseur Timur Lang, plus connu sous le nom de Tamerlan —, que l'altiste Tal Riva Theodorou venait d'Israël, le contrebassiste Andrey Kalashnikov de Volgograd — l'ancienne Stalingrad — et le violoncelliste Yann Merker…de Lyon !Berliner Camerata, Nice, mai 2015. Olga Pak (violon), Alexey Naumenko (violon), Temur Vakhabov (violon), Tal Riva Theodorou (alto), Andrey Kalashnikov (contrebasse) et Yann Merker (Violoncelle). Photographie © D.R.
Le programme de la première partie débutait sur « Erbarme dich mein Gott », célèbre aria extraite de l'oratorio La Passion selon Saint Matthieu BWV 244 de Johann Sebastian Bach où le violoncelle solo, toujours réputé plus proche de la voix humaine, égrenait cet appel lancinant de l'apôtre à la divine rédemption. Nonobstant le choix d'un tempo adéquat, mieux à même de rappeler une version de Philippe Herreweghe que celle, majestueusement plus lente, d'Herbert Von Karajan, l'exécution musicale, sans doute prévue initialement pour la voix de haute-contre, pécha par manque de coordination. Et ce, malgré les inestimables efforts de Yann Merker. La violoniste Olga Pak multiplie les hésitations au point de jouer pianissimo des mesures dont, sans doute à tort, elle ne semble pas certaine. Elle prend néanmoins une indiscutable revanche dans les trois mouvements de la Symphonie salzbourgeoise en fa majeur no 3 K 138 de Wolfgang Amadeus Mozart : la soliste amende radicalement sa relation à l'instrument dans l'Allegro, mouvant davantage son corps et laissant exprimer, avec le sourire cette fois-ci, toute la souplesse et la vivacité de son jeu. Elle paraît d'ailleurs plus à l'aise dans le presto final que dans l'Andante. Malgré de belles sonorités du violon solo bercé de toutes parts par les pizzicati des autres cordes, l'exécution de L'Ave Maria pour violon et orchestre de Franz Schubert nous laisse un peu sur notre faim, les mêmes causes produisant peut-être les mêmes effets que pour le morceau d'ouverture : comme si certains des interprètes de cet ensemble ne s'autorisaient une « liberté » dans l'exécution, qu'une fois l'assurance acquise de maîtriser toutes les subtilités techniques du morceau, en particulier dans les passages lents.
Nettement mieux rôdé, le concerto pour violon et orchestre à cordes en ré mineur de Félix Mendelssohn-Bartholdy fut légitimement salué par une ovation du public de la basilique : les attaques de mesures sont nettes et les enchaînements harmonieux. La soliste y développe une riche palette de nuances, concédant ici ou là un rubato humanisant sa perception et sa restitution de l'œuvre et ce, pour notre plus grand bonheur. L'Andante y fait entendre des aigus cristallins, des timbres lumineux ainsi que des modulations élégamment éprouvées par les instrumentistes tandis que l'Allegro enchaîné du dernier mouvement permet à la soliste d'illustrer sa virtuosité avec une fin littéralement magistrale et haute en couleurs musicales.
Berliner Camerata, Nice, mai 2015. Olga Pak (violon), Alexey Naumenko (violon), Temur Vakhabov (violon), Tal Riva Theodorou (alto), Andrey Kalashnikov (contrebasse) et Yann Merker (Violoncelle). Photographie © D.R.
En deuxième partie, le premier mouvement moderato du concerto pour violoncelle et orchestre en do majeur Hob. VIIb.1 de Franz-Joseph Haydn, dont la partition de 1762 avait été égarée avant d'être redécouverte en 1961, place Yann Merker au cœur de l'ensemble. Le violoncelliste lyonnais y privilégie, dans un jeu très personnel non dénué d'accentuations parfois rugueuses, la nervosité du rythme tout en parvenant à préserver l'expressivité des nuances. C'est ensuite au tour d'Alexey Naumenko d'occuper le rôle de soliste pour jouer le concerto pour violon et orchestre à cordes en la mineur BWV 1041 de Johann Sebastian Bach : le soliste pétersbourgeois nous y convainc, plus dans les premier et troisième mouvements, par de belles résonnances. Le concerto no 2 en sol mineur, op. 8, RV 315 « l'été », extrait des Quatre saisons d'Antonio Vivaldi permet à la Berliner Camerata de terminer ce concert dominical sur une magnifique prestation, notamment celle d'Olga Pak où la fougue intérieure remplace la partition. Le célébrissime presto fut offert en « bis » aux mélomanes d'une nef comble et enthousiaste.
Nice, le 31 mai 2015
Jean-Luc Vannier
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