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Juliette Mazerand, un nom à retenir

 

Juliette MazerandJuliette Mazerand. Photographie © D. R.

Église Saint-Jacques et Saint-Philippe de Châteauneuf-en-Auxois, 22 août 2015, par Eusebius —

Durant l'été, à côté, ou loin, en marge des festivals, fleurissent des milliers de manifestations musicales, le plus souvent modestes, initiées par des bénévoles, dépourvues de moyens. Si c'est l'occasion de mieux faire connaître les richesses de notre patrimoine architectural, et de permettre à de jeunes artistes de rôder leur programme de concours, on en sort réjoui de constater que la musique y est partagée par le plus grand nombre et qu'elle irrigue tout le territoire. Les satisfactions musicales sont plus rares, la bonne volonté, la gentillesse et le partage ne suppléent pas la fréquente absence de professionnalisme. Tel n'est pas le cas à Châteauneuf-en-Auxois, dont le château domine l'A6 de son éperon. Une jeune pianiste, déjà lauréate de plusieurs prix enviables, s'y produit dans un ambitieux programme. Pour être tout à fait franc, c'est lui qui nous a motivé, au risque d'en sortir insatisfait, tant ses exigences sont très élevées.

Le début du molto moderato de la dernière sonate de Schubert, en si bémol majeur (D 960), laisse perplexe. La réverbération du transept et peut-être un peu trop de pédale altèrent sa lisibilité. Mais cette première impression s'estompe vite. L'exposition est un modèle d'intelligence et de sensibilité. Le jeu est pleinement schubertien, servi par une main gauche très expressive. Ça chante, ça respire, les modulations s'inscrivent dans une dynamique que peu de grands virtuoses maîtrisent à ce point. L'andante sostenuto, joué avec simplicité, n'en est que plus poignant. La progression est bouleversante, avec une palette de couleurs particulièrement riche. Le scherzo, allegro vivace, est bien vivace, très enlevé, sans que la délicatesse et la fraîcheur en pâtissent, enfiévré. Légèreté des traits de la main droite, avec un jeu splendide de la gauche, c'est un constant régal. Presqu'enchaîné, le finale, jovial, enjoué, avec ses rappels et ses contrastes forts jusqu'à la strette conclusive nous ravit. Ma voisine me rappelle justement que depuis le grand Lazar Berman, elle ne l'a écoutée avec un tel bonheur. Est-il plus bel éloge ?

Après les adieux de Schubert, ceux de Beethoven, puisque ses six bagatelles de l'opus 126 ouvrent la seconde partie. Ces miniatures, extrêmement travaillées, d'une densité rare, figuraient au programme d'un monstre du piano, écouté récemment dans un gr        and festival. Son grand  Steinway était mieux réglé1, mais sa prestation ne m'a pas fait plus forte impression, malgré la mise en scène de la vedette… Ici, rien de tel : une humilité constante, un maintien modeste, voire gauche lorsqu'elle ne se trouve pas devant son clavier, une pianiste vraie, d'une sincérité indéniable.

Ses moyens techniques extraordinaires, son aisance, vont trouver matière à s'exprimer dans la redoutable Fantaisie bétique de Falla2. Solaire, éblouissante, c'est le condensé de toute l'Espagne musicale, avec ses modes, ses rythmes, ses incantations et sa fièvre. Le jeu de Juliette Mazerand, souple, nerveux, puissant et racé comme un bel étalon fier, lui permet de se hisser au plus haut niveau3.

Comment Les Musicales de Châteauneuf sont-elles parvenues à trouver cette pépite demeure un mystère. Le public, proprement captivé, a réservé de longues ovations à la jeune soliste, à laquelle nous souhaitons la brillante carrière dont elle a les moyens4.

Eusebius
23 août 2015

1. le concert était enregistré et diffusé sur les ondes de l'Union européenne de radiodiffusion…

2. écrite à la demande du jeune Arthur Rubinstein, en 1919-20, qui ne la joua plus après sa création.

3. On pense à la regrettée Alicia de Larrocha.

4. Professeur de conservatoire, elle se produit à quelques (trop) rares occasions. Mère de trois jeunes enfants, elle a fait le choix de s'y consacrer pleinement. Puisse cette sage décision lui permettre aussi de partager davantage son grand art !

 

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