François Chesnel / Thierry Lhiver, Yom / Denis Cuniot et Jean Claude Gallota, deux beaux duos et un Sacre endiablé pour accueillir le printemps.
Un printemps en avance cette année, 17h45 le vendredi 20 mars il paraît. Mais pas le soir, un brin frisquet, à Mathieu et sa médiathèque toute neuve où joue le duo « Japanese Song » avec Thierry Lhiver au trombone et François Chesnel au piano, dans le cadre du mois de Focus Jazz.
« Japanese Song », Thierry Lhiver et François Chesnel.
Photographie © Christian Mariette.
Encore mieux en concert qu'en disque [voir notre chronique] avec deux moments bien tranchés. D'abord un hommage un peu décalé à Monk : Eronel en quasi ragtime (de qui se monk-t-on ?), Misterioso tout freesonnant, et un Bemsha Swing tout démonké, avec un piano parfois boogy et un trombone bruitiste. Le tout avec humour et grand respect.
Les autres thèmes sont plus lyriques, toujours dans la complicité et l'écoute de l'autre, indispensables encore plus dans l'art du duo. Deux pièces de Kenny Wheeler, un magnifique First Song de Charlie Haden, récemment disparus l'un et l'autre. Hommages un peu mélancoliques donc, comme les très beau For T du tromboniste et Japanese (sad) Song du pianiste, une élégie écrite au moment du drame de Fukushima. Un trombone expressif et un piano virtuose et délicat. Un grand duo qui devrait pouvoir jouer plus souvent.
Le lendemain en fin d'après-midi, dans les foyers du théâtre de Caen, les places sont chères pour Yom, déjà venu plusieurs fois. Il joue de deux clarinettes, une claire, diurne, pour les prières, les berceuses et les méditations intimistes, l'autre sombre, nocturne, pour les danses, les excès en tous genres et les acrobaties aériennes. Une des prières, agnostique, ne s'adresse à personne et ne demande rien. Quant à la dernière danse, elle se propose d'effacer nos pêchés. Joli programme !
Une grande complicité ici aussi avec Denis Cuniot dont l'instrument s'adapte à toutes les envies musicales, en solo ou en duo, de la boîte à musique au trémolo si particulier du cymbalum, redevenant piano quand il le faut. Du klezmer originel, sans doute, mais avec deux musiciens rompus à l'improvisation jazz, doués tous deux d'une technique et d'une sensibilité exceptionnelles.
Le soir, au théâtre encore, alors que la mer remonte vers le coefficient 119, et se prépare à sa danse sacrale d'équinoxe, Jean Claude Gallota nous propose sa version du Sacre du Printemps [voir notre chronique] toute en énergie survoltée, avec quelques figures de groupes étonnantes, comme cette reptation collective assise, ou des déambulations en solo aux déhanchés asymétriques, comme la musique (une version de 1960 dirigée avec poigne par Stravinski lui-même).
Sinon peu de dramaturgie, à part peut-être cette esquisse de lutte entre les mâles qui se toisent et se repoussent, vers la fin, comme un écho de West Side Story. Quant à l'élue, les sept danseuses le sont à tour de rôle en se retrouvant successivement hors couple puisqu'il n'y a que six danseurs. Sur le principe des chaises musicales. Treize danseurs sur scène en tout. La symbolique est transparente. Par contre, un mystère demeure. Pourquoi ces deux minutes projetées de L'Atalante de Jean Vigo quand la mariée, bientôt délaissée, arrive sur la péniche dans les bras du mari sans désir, que les chats agressent, le griffant pour le punir ? L'absence d'élue redite autrement ? Est-ce vraiment utile, ou juste pour utiliser les équipements vidéo dernier cri ?
Jean-Claude Gallotta, Le Sacre du printemps, 15 mars 2012.
Photographie © Guy Delahaye
Une chorégraphie qui a déjà quatre ans, et qui s'amuse à prendre le contre-pied des plus anciennes, le drame façon Nijinski bien sûr, le collectif ascendant façon Béjart, ou la presque nudité des danseurs contre la nudité de la seule élue chez Preljocaj. Ici la soliste finale, aux déhanchements si étranges, est habillée bien sûr. Une belle vitalité en bienvenue au printemps nouveau.
Pour Focus Jazz, final à Caen au Bazarnaôm et au Conservatoire samedi prochain avec de l'electro et l'Omedoc dirigé par Olivier Benoit. Voir sur le site avec les autres dates.
Pour la musique du monde, proposée par le FAR, la 20e nuit des musiques et des cultures sur la grande scène du théâtre le 29 mai.
Et pour la danse, Vortex Temporum de Gérard Grisey dansé par la compagnie Rosas le 26 mai, avant le retour de Découflé avec Nosfell début juin pour Contact.
Toutes les infos sur le site du théâtre de Caen.
Alain Lambert
21 mars 2015
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