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Opéra de Dijon, Auditorium, 29 mars 2015, par Eusebius ——

Café Zimmermann, Hélène Le Corre, Christian Immler : le bonheur !

Le café Zimmermann Le café Zimmermann à Leipzig au XVIIIe siècle, à 400 mètres de la Thomaskirche.

On attendait Sophie Karthäuser et Christian Immler pour ce programme de cantates, dans le cadre de la Bachfest dijonnaise. Souffrante, la soprano a dû renoncer et c'est Hélène Le Corre qui la remplace.  Ainsi deux purs produits de maîtrises1 se retrouvent-ils pour notre plus grand bonheur, d'autant que Café Zimmermann n'est plus à présenter. Le programme permet de les associer dans trois cantates de caractère concertant, toutes écrites à Leipzig entre 1726 et 1730 : Jauchzet Gott in allen Landen (BWV 51), pour soprano, avec la trompette solo, Ich habe genug (BWV 82), pour basse, avec hautbois solo, et, enfin Liebster Jesu, mein Verlangen (BWV 32), qui réunit les deux solistes avec le hautbois. De plus, les deux premiers numéros de la tonique cantate des paysans (BWV 212) sont offerts en bis à un public sous le charme. Après l'entracte, la sonate pour violon et basse continue en sol majeur (BWV 1021) antérieure aux cantates de quelques années, apporte une variété à ce riche programme. C'est aussi l'occasion d'apprécier le jeu des animateurs de Café Zimmermann2 : Céline Frisch, au positif, et Pablo Valetti, premier violon l'ont porté au plus haut niveau depuis sa création en 1999. Un instrument par partie, en dehors du continuo, permet une légèreté, une ductilité et une lisibilité sans pareilles. Les deux instruments solistes, la trompette naturelle de Hannes Rux et le hautbois d'Emmanuel Laporte, sont des virtuoses humbles, comme on les aime. Alors que l'écriture conduit tant de leurs confrères à s'imposer de façon démonstrative, ils servent l'œuvre en se fondant naturellement dans un merveilleux ensemble. Leurs couleurs, les phrasés et l'articulation n'appellent que des éloges.

Hélène Le CorreHélène Le Corre. Photographie © D.R.

Justement célèbre, Jauchzet Gott in allen Landen est la cantate jubilatoire par excellence. La trompette et la soprane y rivalisent d'agilité, dès les vocalises figuralistes de la première aria jusqu'à l'Alleluia final. Hélène Le Corre a la pureté d'émission requise, la souplesse, la longueur de souffle, l'articulation aussi. Le riche continuo (contrebasse de viole, violoncelle et positif) déséquilibre ponctuellement l'ensemble par son volume et des nuances insuffisamment observées3. Le medium d'Hélène Le Corre, moins puissant que ses aigus clairs est parfois couvert. C'est un soprano léger, ne l'oublions pas.

Christian Immler.Christian Immler. Photographie © D.R.

Ich habe genug est un sommet. Un signe : Anna Magdalena en recopia la musique, et retint deux arias de cette cantate pour son Petit livre. La mort y est désirée, apaisement du croyant aspirant à l'au-delà. L'aria d'ouverture, avec ses longs mélismes partagés par le hautbois et par la voix, proche du climat du Erbarme dich, de Saint-Matthieu, porte toujours la même émotion, intime. Christian Immler lui donne une plénitude rare, avec un phrasé exemplaire qui traduit son intelligence du texte. L'émission est idéale et semble naturelle. Le récitatif avec son arioso concis connaît une vie singulière. Deuxième aria, Schlummert ein, nous berce, bien qu'écrite à quatre temps. La sérénité confiante qui l'empreint est servie à merveille par l'ancien soliste des Petits chanteurs de Tölz. Le court récitatif qui suit exprime son adieu au monde. L'air final Ich freue mich auf meinen Tod [Je me réjouis de ma mort] de caractère animé, dansant, traduit parfaitement la perspective à laquelle Bach devait adhérer pleinement. Les interprétations de cette cantate sont légions. Pour la fréquenter de longue date et en connaître de nombreuses, je ne crois pas avoir été bouleversé autant qu'à ce concert. L'évidence vocale, la justesse de ton du hautbois et de l'ensemble la hissent au plus haut niveau

Céline FrischCéline Frisch. Photographie © Céline Frisch.

Après la rare sonate pour violon et basse continue, la cantate Liebster Jesu, mein Verlangen rassemble les deux voix, avec, toujours, le beau hautbois d'Emmanuel Laporte. L'extrême délicatesse de sa phrase d'entrée sur le balancement de l'orchestre suffit à le qualifier. L'air de soprane, suivi de l'air de basse, précède leur récitatif et leur duo, qui s'achève par le choral, chanté ici à deux voix, les autres parties étant confiées à l'ensemble. Le dialogue de l'Âme (soprano) et du Christ (basse), pour artificiel qu'il puisse paraître au XXIe ŝiècle, est l'occasion pour le violon solo d'y déployer toute sa virtuosité (no 5, duetto). Un concert mémorable par sa qualité exceptionnelle.                                                                                    

  Eusebius
30 mars 2015

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1. Hélène Le Corre a commencé par la Maîtrise de Radio-France, Christian Immler par le Tölzer Knabenchor.

2. À Leipzig, au XVIIIe siècle, le Café Zimmermann était un centre prisé d'émulation musicale.

3. Surprenant… alors que Bach ne connaissant que deux indications de nuances, piano et forte, et qu'il les indiquait régulièrement — piano lorsque le / la soliste chante et forte à la suite de son intervention — on n'observe pas de changement d'intensité durant le no 3 (Aria), Höchste, mache deine Güte.


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