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Brahms, on adore !

 

Les Dissonances. Photographie © Benoît Linero.

Opéra de Dijon, Auditorium, 2 avril 2015, par Eusebius —

Avant Le Havre, après la Philharmonie de Paris, Dijon retrouve David Grimal et ses Dissonances. Au programme, deux œuvres essentielles, cependant rares au concert. La Gran Partita, K.261 de Mozart et la 2e symphonie de Brahms, où les vents vont également régaler un public attentionné.

Suite ou symphonie pour vents ? Peu importe pour cette page extraordinaire, chef-d'œuvre absolu de toute la littérature pour ensemble à vent, encore que certaines pages relèvent de l'esthétique chambriste et d'autres du caractère symphonique. Super octuor par l'ajout de deux cors de basset, de deux cors supplémentaires et d'une contrebasse, ses sept mouvements vont combiner les tutti, les soli, les duos en des mariages renouvelés et toujours savoureux. Premier hautbois et première clarinette se partagent les départs, puisque le principe fondateur des Dissonances et de se passer de chef. Après le largo d'ouverture, l‘allegro molto impose avec vigueur un ensemble équilibré, qui sonne remarquablement. Cependant on se prend à regretter que la puissance et la rondeur des instruments modernes se traduisent par une certaine perte de couleur propre aux instruments anciens (hormis les seuls cors). Mais, ne boudons pas notre plaisir, car il est réel. Ainsi le premier trio du menuet qui suit, dont la saveur des clarinettes et des cors de basset est exceptionnelle, ainsi l'adagio, plein, rond, où chacune des parties tisse une magnifique pièce. Le second menuet, bien que noté allegretto, est très enlevé, tonique, un vrai laendler, et son second trio, avec les pizzicati de la contrebasse une authentique valse. Sans doute la Romanze suivante est-elle le sommet de l'œuvre : l'esprit du Sturm und Drang  y souffle, avec certaines couleurs douloureuses, tourmentées. À signaler l'intelligence rare du jeu de chacun, sachant se faire humble, lorsque la musique le sous-entend, pour mieux se fondre dans l'ensemble. La dynamique et l'articulation des variations qui succèdent nous ravissent, particulièrement dans la 5e (adagio) avec ses phrasés amples et dans la 6e, gaie, légère, facétieuse. Le rondo final, où les musiciens s'en donnent à coeur joie, est un feu d'artifice qui illumine la salle. Les applaudissements crépitent et se prolongent.

Les Dissonances. Photographie © Benoît Linero.

La deuxième symphonie de Brahms, la moins beethovénienne des quatre1, dont il disait « sa tendre gaité [nous] fera beaucoup de bien »2, est de caractère pastoral, robuste, vigoureux, voire exubérant. Mais est-il début plus délicat à mettre en place ? Toujours dans la nuance piano, entrent tour à tour les cordes graves, les cors, puis les bassons qui précèdent les flûtes et clarinettes. Or les petites incertitudes des entrées rapprochées ne peuvent être évitées faute d'une métrique précise imposée par un chef. Il faudra attendre une bonne vingtaine de mesures pour que l'ensemble trouve sa cohésion et la plénitude3. Ce ratage, si dommageable soit-il, ne doit cependant pas occulter la qualité exceptionnelle de la réalisation. Les vents, déjà appréciés, auxquels se sont joints les flûtes et les cuivres, sont d'une grande homogénéité, dans leur élément, manifestement. Les cordes, en particulier altos et violoncelles ont un soyeux rare, une dynamique et une articulation admirables. Le mouvement est remarquablement construit, sans la moindre graisse, d'une grande fraîcheur, du meilleur Brahms4. L'adagio atteint une plénitude souriante, d'une vie intense, avec des bois exemplaires. L'esprit du scherzo caractérise l'allegretto grazioso, délicat, suivi d'un presto endiablé, très articulé. On croyait avoir été porté au sommet dans le mouvement précédent, l'excellence se confirme, s'amplifie. La clarté de la prodigieuse richesse rythmique de Brahms n'a jamais été aussi évidente. L'allegro con spirito conclusif, d'une vie intense, avec une grande variété de climats, du luxuriant à l'intime, termine de façon triomphale. On est proprement emporté par l'engagement collectif de l'orchestre. Le célèbre poco allegretto de la 3e symphonie récompensera les chaleureux applaudissements d'un public conquis.

Eusebius
Dijon, 3 avril 2015

1. le public et la critique allemands la bouderont longtemps à ce motif. Certains la considèrent comme « la dernière symphonie de Schubert », non sans raison.

2. Rostand, Fayard, p. 554.

3. demi-boutade : à l'enregistrement, commencer par l'adagio suivant, infiniment moins problématique… mais au concert ?

4. ainsi l'esprit de la valse dans le dialogue entre les contrebasses et les premiers violons. Rappelons que Brahms disait que sa symphonie était une « suite de valses », ce qui est particulièrement vrai des 1er et 3e mouvements.

 

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