musicologie

20 octobre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Musique classique à Maastricht : un jeune grand petit festival

Carles Budo (piano), Alexandre Guerrero (ténor). Photographie © Musicologie.org.

L’internationale Klassieke Muziek Festival de Maastricht a fêté ses deux ans les 13-16 octobre derniers. Tous les observateurs ont constaté, par rapport à l’an passé, une bonne croissance : un public sensiblement plus nombreux, un programme plus ambitieux, une implantation régionale plus fructueuse. Et la même ambiance sympathique.

Le maître d’œuvre, le pianiste Didier Castell-Jacomin, passé du mimosa niçois à la tulipe hollandaise, agacé par le confinement et ses conséquences sur le spectacle vivant s’est sérieusement remué pour créer cet événement, le rendre possible et réunir, avec bonheur, des musiciens à haute musicalité, de dedans et d'en dehors les frontières.

C’est un festival de découvertes, les artistes qui s’y produisent ne sont pas des objets artificiels fabriqués par les grands médias, le spectateur est soumis à la curiosité d’une attente, un inconnu qui n’est pas comblé d’avance. De ce point de vue, les bonnes surprises se sont succédé en ces quatre jours-huit concerts.

Une ouverture en co-production (Favola in Musica, Dansstudio Maastricht), en matinée enfantine, dans un spectacle organisé autour de La Flûte enchantée de Mozart, conçu par Saskia Eurlings, avec Danee Klever (danse), Egita Gielen (soprano), Tudor Cioceanu (piano) George Janssen (récitant).

Le soir, très en forme au dire de toutes et tous, Didier Castell-Jacomin était de récital, Johann Sebastian Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Franz Schubert et surtout Frédéric Chopin, question de chauffer la salle pour la soirée du 14 octobre à venir.

Amara Tir (violon), Ludovic Selmi (piano). Photographie © musicologie.org.

Justement le 14 octobre fin d’après-midi nous a permis de découvrir deux duos, Amara Tir (violon) et Ludovic Selmi (piano), dans un répertoire solide de répertoire, avec la sonate de César Franck et la 5e sonate de Ludwig van Beethoven, une approche en nuances bien mesurées, sensible et pas mal introspective, dans deux œuvres de longue haleine aux architectoniques différentes. La première développant ses thèmes, la seconde les réinsérant cycliquement tout au long de ses quatre mouvements. Le second duo formé par Anna Fedorova (piano) et Nicholas Schwartz (contrebasse et violoncelle) a créé le contraste, avec de nombreuses pièces ou d’extraits, assez courts, arrangés pour cet ensemble peu banal, qui a soulevé l’enthousiasme.

En soirée le quatuor à corde Eurasia, aussi agréablement soigné visuellement que musicalement pur et fin, faisait l’orchestre dans les deux concertos pour piano de Chopin, avec au clavier Michelle Lynne pour l’un et Eliane Rodrigues pour l’autre, un excellent choix dans cette juxtaposition de deux appropriations pianistiques différentes.

Le quatuor Eurasia, Asia Czaj (violon), Egle Kaunietyte (violon), Ekaterina Degtiareva (alto), Stanislav Degtyarev (violoncelle) et la pianiste Eliane Rodrigues. Photographie © Musicologie.org.

Le 15 octobre était entièrement chantant, avec en matinée la colorature Egita Gielen et la pianiste Patricija Ciemese, dans un copieux programme de compositeurs lettons, et quelques Français (Ravel, Nadia et Lili Boulanger), le thème, quelque peu artificiel, de ce festival étant « À la recherche du temps perdu » d’un écrivain français dont le nom m’échappe temporairement. En soirée le Ténor Alexandre Guerrero, filleul de Montserrat Caballé et le pianiste complice Carles Budo, furent quant à eux francos catalans (Mompou, Obradors, Toldra, Ravel, Massenet, Hahn, etc.) et ont fait monter l’émotion à son comble, notamment avec un arrangement (Budo) d’Avec le temps de Leo Ferré, la Romance de Nadir de Bizet et El cant dels Ocells, l’hymne catalan de Pau Casals.

Nikita Akulov (violon), Isabel Rico Repiso (piano). Photographie © Musicologie.org.

La pianiste et flûtiste Isabel Rica Repiso était au centre de la dernière matinée avec un mouvement de la sonate « La Tempête » de Beethoven, la 11e étude de Claude Debussy et un remarquable El puerto d’Isaac Albéniz. Moins habituel était la suite Platero y yo, d’Eduardo Sáinz de la Maza par le guitariste Sandro Rodrigues, et son beau et orignal duo avec Isabel Rica Repiso, cette fois à la flûte, dans des pièces d’Astor Piazzolla. Enfin un autre duo avec le superbe violoniste Nikita Akulov, dans un répertoire français bien assis, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré et bien entendu, La méditation de Thaïs de Massenet.

Tania Cardillo. Photographie © Musicologie.org.

La soirée était entièrement consacrée au récital de la pianiste italienne Tania Cardillo au tempérament bien trempé : Schubert, Johannes Brahms, Chopin, et en seconde partie découverte, des œuvres de Luca Moscardi, compositeur et pianiste vivant, inspiré de jazz, de variété, du grand piano virtuose début xxe siècle, de la dissonance expressive sur trame tonale. Une bonne fin de festival sincère, mélodique avec acidités, en douceur, en contrastes énergiques, l’exploitation de tout ce qui est entre pianissimi audibles et ce que le piano peut encaisser en fortissimo, marque dit-on de Fausto Zadra qui fut un des maîtres de Tania Cardillo.

Jean-Marc Warszawski
20 octobre 2022


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Dimanche 23 Octobre, 2022 2:25