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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : la musique instrumentale en Allemagne de Beethoven à Schubert.

Sonate pour violoncelle et piano opus 102 (no 4-5), de Ludwig van Beethoven

La musique de chambre de Ludwig van Beethoven.

Sonates pour violoncelle et piano : opus 102 (nos 4-5) ; opus 69 (no 3) ; opus 102 (nos 4-5).

beethoven

Nettement plus tardives, on l’a vu, les deux dernières sonates, que Beethoven dédia à la comtesse Marie Erdödy, sa protectrice et confidente, inaugurent la troisième et dernière période créatrice du compositeur, caractérisée par le rôle déterminant qu’allait y prendre le contrepoint, et plus généralement par l’affrontement, plus manifeste que jamais chez le musicien, entre sa fidélité aux formes classiques et son besoin de les asservir, quitte à les dissoudre,  à ses exigences poétiques les plus profondes.

Découpée en quatre mouvements selon une articulation lent-vif-lent-vif, dont deux brefs mouvements lents, l’opus 102 no 1 en ut majeur, que Beethoven qualifia de freie Sonate (sonate libre) dans son manuscrit et qui culmine dans un finale d’une grande puissance polyphonique, frappe par une économie de moyens qui en fait la plus dense des cinq. « Écrite dans un style succinct, maniant la litote, dissimulant les sentiments profonds sous des apparences fantasques, elle est indiquée comme devant être jouée d’un seul tenant, et qui corresponde le mieux à ses formes épurées comme à sa thématique concise. Les parties de développement sont brèves ; et aussi peut-on dire que sa configuration générale rappelle, de même que les dernières œuvres de Beethoven, la sonate baroque du XVIIIe siècle. »181 Face à une construction aussi originale, on comprend que les auditeurs de l’époque aient éprouvé un fort sentiment d’étrangeté.

Ludwig van Beethoven, Sonate pour violoncelle et piano opus 102 no 1 en ut majeur, par Jacqueline du Pré & Daniel Barenboim.

Avec sa structure en trois mouvements (vif-lent-vif) nettement individualisés, l’opus 102 no 2 en majeur apparaît de prime abord assez « rassurante ». Son premier mouvement, dans lequel Beethoven développe de façon magistrale, en contrepoint serré, deux thèmes fortement contrastés, respecte d’ailleurs assez strictement les canons de la forme sonate. Mais c’est son finale fugué qui, en même temps que l’émerveillement, suscite le plus grand étonnement. Encore aujourd’hui, on peut partager la perplexité d’un Schindler qui, ayant avoué à Beethoven qu’il ne parvenait pas à comprendre ce fugato, n’eut d’autre réponse qu’un laconique « ça viendra ! ». Sa puissance annonce déjà la fugue de la sonate opus 106 « Hammerklavier », voire la Grande Fugue opus 133. On a d’ailleurs observé que cet allegro fugato préfigurait la fugue de l’opus 106 « jusque dans les détails de son architecture : même épisode contrastant, interpolé au centre du développement, mêmes tronçonnements, inversions, éclatements dramatiques, même « dramatisme » de la dissonance entre les dimensions harmoniques et contrapuntiques. Même irruption spectaculaire du trille, enfin, sur la fonction de dominante, dans la conclusion… »182 Aussi légitime soit-elle, l’admiration que suscite ce finale ne devrait pas cependant conduire à passer si souvent sous silence l’autre grand moment d’émerveillement de cet opus 102 no 2, son adagio con molto sentimento d’affetto. Un mouvement lent de forme très libre, d’une beauté exceptionnelle, au discours aussi noble qu’émouvant, et dont le sommet est probablement atteint dans sa mystérieuse et géniale section finale conduisant sans interruption à l’allegro conclusif. « Cet adagio parfaitement épanoui, à la fois noble, mobile et plein d’émotions, c’est presque à regret que Beethoven semble l’avoir quitté. »183

Ludwig van Beethoven, Sonate pour violoncelle et piano, opus 102 no 2 en majeur, par Michal Kanka & Ivan Klansky.

 

plumeMichel Rusquet
27 novembre 2019

© musicologie.org

Notes

181. Tranchefort François-René, Guide de la musique de chambre, Fayard, Paris 1998, p. 63.

182. Boucourechliev André, Beethoven, « Solfèges », Éditions du Seuil, Paris 1963, p. 72.

183. Tranchefort François-René, op. cit., p. 64.

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