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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Mozart : Introduction ; musique pour clavier ; musique de chambre ; musique symphonique ; musique concertante.

Les divertimenti de Mozart

Divertimenti pour cordes

On a déjà fait allusion à ces trois divertimenti (K 136 en re majeur, K 137 en si♭majeur et K 138 en fa majeur) en abordant l’œuvre pour quatuor à cordes de Mozart. « Composés à Salzbourg au début de 1772, ces divertimenti, bien que notés à quatre parties, sont beaucoup plus populaires aujourd’hui dans leur version pour orchestre à cordes, formation pour laquelle il n’existe guère d’autre œuvre de Mozart, — à l’exception de l’Adagio et fugue K 546 [une œuvre d’une toute autre importance, elle-même évoquée plus haut avec les ultimes quatuors à cordes]. Ces divertimenti sonnent d’ailleurs mieux à l’orchestre, auquel semblent les destiner leur écriture, leur caractère, et jusqu’à leur titre (mais celui-ci n’est peut-être pas de Mozart). […] Ce sont des pages charmantes et pleines d’invention, curieusement à cheval entre deux domaines de la musique instrumentale. »163 Des trois, c’est sûrement le dernier (K 138) qui est le plus beau et illustre le mieux une qualité-clé de l’art mozartien, cette  « merveilleuse continuité du discours, le filon que Leopold recommandait à son fils : le flot poétique coule sans aucun tressaut d’un bout à l’autre avec une légèreté de touche qui fait vibrer le chant… »164

Wolfgang Amadeus Mozart, Divertimento en fa majeur K 138, I. Allegro, par L'Amsterdam Baroque Orchestra, sous la direction de Ton Koopman.

Divertimenti pour instruments à vent

Moins connus que les sérénades pour vents dont il a été question ci-dessus, ces divertimenti qui, selon les cas, réunissent entre trois et dix instruments à vent, témoignent eux aussi de l’intérêt de Mozart pour l’Harmoniemusik, intérêt que le musicien manifesta par ailleurs en lui consacrant une transcription de son Enlèvement au sérail.

Citons d’abord les cinq divertimenti K 439b pour trois cors de basset, parfois joués de nos jours avec deux clarinettes et un basson. De proportions modestes (cinq mouvements chacune), ces œuvres des années viennoises semblent avoir été écrites à l’intention des frères Stadler et n’avoir eu d’autre objet que le propre divertissement des interprètes. Mais on sait la passion de Mozart pour tout ce qui touche à la clarinette ou au cor de basset. De fait, malgré une certaine monochromie, « ces morceaux sont de petits bijoux, étincelants d’imagination et de volubilité. Le registre de l’instrument est mis à profit pour savourer de nombreuses combinaisons de timbres, sa sonorité sert à peindre une carte du Tendre suave et agreste. »165

Wolfgang Amadeus Mozart, Divertimento en si♭ majeur K 439b no 5, par le trio di Bassetto.

Avant l’arrivée de la clarinette, la formation-type en matière d’Harmoniemusik était un sextuor comprenant deux hautbois, deux cors et deux bassons. C’est pour ce type d’ensemble que, dans les années 1775 à 1777, Mozart écrivit successivement cinq divertimenti, probablement destinés à servir de musique de table pour l’archevêque Colloredo. Il s’agit des K 213 en fa majeur, K 240 en si♭ majeur, K 252 en mi♭ majeur, K 253 en fa majeur et K 270 en si♭ majeur. Des pages mineures, certes, encore loin des réussites des grandes sérénades pour vents à venir, mais « elles n’en portent pas moins la griffe du jeune Mozart, qui y fait admirer son sens des sonorités poétiques, son aisance mélodique, sa manière de transfigurer une inspiration populaire et des rythmes de danse pour aboutir à des petits bijoux raffinés, agréables et soigneusement calibrés pour divertir les connaisseurs. Il y a un côté ludique, une verve spirituelle dans ces pages brèves – tant d’ailleurs pour les auditeurs que pour les interprètes, car elles sont parfaitement écrites pour les vents. » 166 Le plus remarquable de ces cinq Divertimenti est sans aucun doute le K 253 qui se distingue par son Andante initial, un admirable thème varié, et plus généralement par l’art extraordinairement subtil dont un Mozart de vingt ans se montre capable dans le contrepoint de timbres entre trois instruments différents.

Wolfgang Amadeus Mozart, Divertimento en fa majeur K 253 par l'Ensemble Zefiro.

Dans une même veine, qui donne à penser qu’il s’agirait aussi de musique de table, on a, datés de 1773, et faisant probablement suite à une commande venue d’Italie, deux autres divertimenti (K 166 en mi♭majeur et K 186 en si♭majeur) dont la principale particularité est de faire appel à cinq paires d’instruments. Au-dessus des cors et des bassons, on y trouve en effet trois paires d’instruments différents (hautbois, clarinettes et cors anglais). Virtuosité, charme et bonne humeur, espièglerie même, sont au rendez-vous dans ces pages sans vraie prétention, nourries d’effets sonores originaux, auxquelles le jeune musicien a su conserver une louable légèreté de texture malgré l’importance de l’effectif utilisé.

A citer également, au moins pour mémoire et pour son instrumentation insolite le divertimento en ut majeur K 188 pour deux flûtes, cinq trompettes et quatre timbales. Une œuvre brévissime, en six mouvements vite expédiés, qui pourrait bien — mais ce n’est qu’une hypothèse — avoir été écrite pour les manifestations de l’école de cavalerie de Salzbourg.

Divertimenti associant vents et cordes

Il faut ici mettre à l’honneur deux œuvres superbes qu’on regroupe parfois sous le terme de Lodronische Nachtmusiken, en référence à la comtesse Lodron pour qui Mozart les écrivit en 1776-1777 et dont la demeure était un haut lieu de la vie musicale salzbourgeoise. Il s’agit des divertimenti en fa majeur K 247 et en si♭majeur K 287 pour deux cors, deux violons, alto et contrebasse. Construits en six mouvements, ils ont toutes les apparences de la (bonne) musique de société, mais, surtout dans le cas du K 287, ils sont nettement plus proches de la musique de chambre que de l’esprit de la sérénade. Une mention spéciale s’impose pour ce K 287 , mais  ces deux divertimenti ont en commun « la distinction raffinée, la haute tenue aristocratique, la politesse qui interdit l’étalement du discours, l’élégance et la discrétion de l’expressivité, ce qui n’enlève rien — tant s’en faut — à l’intensité de l’expression. »167 On reste confondu devant tant de perfection, et on peut partager ici encore l’enthousiasme affiché par A. Einstein qui voyait dans ces œuvres un « véritable paradis perdu de la musique ».

Wolfgang Amadeus Mozart, Divertimento en fa majeur K 247, IV. Adagio, par L'Officina Musicale.

D’un intérêt plus inégal, on a quelques compositions éparses, échelonnées entre 1771 et 1779, où Mozart associe des effectifs — le plus souvent limités — de cordes et de vents. Composé à Milan, le bref divertimento K 113 a surtout comme originalité d’utiliser (déjà et avec une certaine tendresse) la clarinette, un instrument alors inconnu à Salzbourg. Plus ambitieux, le K 131 en re majeur (avec flûte, hautbois, basson et cors) se signale par une certaine ampleur « symphonique », par une belle vitalité et surtout par de belles avancées en matière de recherches de timbres. Écrit à Vienne en 1773, à un moment où le jeune musicien s’emploie à assimiler le style de Joseph Haydn, le K 205 en re majeur associe simplement un trio à cordes et deux cors, manifestant en l’espèce « un art subtil de faire jouer par contraste une verve, voire une robustesse du terroir autrichien, avec une distinction aristocratique des plus raffinées. »168 Vient ensuite (en 1776) un  petit chef-d’œuvre écrit pour hautbois, cors et cordes : le divertimento en re majeur K 251 que Wolfgang composa pour l’anniversaire de sa sœur, d’où son surnom de « Nannerlseptett ». Œuvre d’intimité familiale, et d’une inestimable fraîcheur, cette composition fait délibérément la part belle au style français qu’affectionnait particulièrement Nannerl Mozart, et frappe par l’importance du rôle confié au hautbois. Trois ans plus tard, cette série qui n’en est pas une trouvera son couronnement avec le divertimento en re majeur K 334 que Mozart surnommait « Musique à Robinig », du nom d’une famille amie à laquelle il était destiné. Aussi remarquable dans l’esprit que dans la forme, cette œuvre, dont le premier menuet a fait le tour du monde, fait carrément éclater le genre auquel elle appartient. « Bien que réduit à un sextuor (quatuor à cordes et deux cors), ce divertimento est une œuvre impressionnante où règne la Gemütlichkeit autrichienne avivée d’esprit français. Il y perce aussi par moments — Andante à variations, Adagio — un chant tragique d’une infinie tristesse, insoupçonnable dans une musique galante qui respire d’abord un bonheur paisible. »169

Wolfgang Amadeus Mozart, Divertimento en re majeur K 334, II. Andante et III. Menuetto par Jean-Pierre Rampal (flûte), Trio Pasquier, André Cazalet et Jean-Michel Vinit.

À titre plus anecdotique, citons encore quelques œuvres pour cordes et vents dont le caractère les rattache à la musique de divertissement : le Galimathias musicum K 32, composé d’une douzaine de brefs morceaux d’une indiscutable fraîcheur (dont un solo pour clavecin) écrits par un enfant de dix ans ; les Cassations K 63 et K 99, de trois ans postérieures, qui sont comme des petites symphonies à effectif réduit ; et enfin, datant de 1787, une œuvre parfaitement caricaturale, la Plaisanterie musicale (Ein musikalischer Spass) K 522 où le musicien s’amuse tout bêtement à mettre en scène des compositeurs et interprètes incompétents, en mettant bien sûr les rieurs de son côté

Notes

163 Halbreich Harry, dans François-René Tranchefort (direction), « Guide de la Musique de chambre », Fayard, Paris 1998, p. 634.

164. Hocquard Jean-Victor, Mozart, de l’ombre à la lumière. Jean-Claude Lattès, Paris 1993, p. 30.

165. Zitzmann Marc, dans « Le Monde de la musique » (218), février 1998.

166. Macia Jean-Luc, dans « Diapason » (508), mai 2004.

167. Hocquard Jean-Victor, op. cit., p. 37.

168. Ibidem, p. 32.

169. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (233), juin 1999.

 

 

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bouquetin

Dimanche 15 Juillet, 2018 2:26