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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Mozart : Introduction ; musique pour clavier ; musique de chambre ; musique symphonique ; musique concertante.

Les sérénades de Mozart

Divertimenti, sérénades, cassations, sonates d’église, menuets, marches, danses allemandes et autres contredanses : nombreux sont les genres « secondaires » auxquels Mozart s’est consacré pendant sa courte existence, et notamment au cours de ses années salzbourgeoises. Que, pour la plupart, ces œuvres soient des compositions  de circonstance, et destinées le plus souvent au simple divertissement (de salon ou de plein air), ne doit surtout pas conduire à snober cette part de son catalogue. On l’a déjà dit ci-dessus à propos des deux grandes sérénades « Haffner » et « Posthorn » : Mozart n’a pas son pareil pour transcender les limites et contraintes des genres auxquels il est amené à se frotter, fûssent-ils les plus communs. On ne s’étonnera donc pas de trouver, ici encore, de beaux témoignages de son génie, et la découverte de ce catalogue est d’autant plus passionnante que ces œuvres s’adressent à des formations d’une grande variété, du petit ensemble uniquement constitué de cordes ou de vents (à la frontière de la musique de chambre) à des formations mixtes sensiblement plus étoffées, allant  jusqu’à  mettre en oeuvre deux ou quatre petits orchestres jouant en opposition.

Eine kleine Nachtmusik

Cette Petite musique de nuit (sérénade en sol majeur K 525) « est un chef-d’œuvre d’équilibre et d’élégance très connu, trop connu, très joué et souvent mal, car on la gonfle en l’interprétant avec de grandes formations, alors que la version originale, conçue pour un quintette à cordes, avec une contrebasse à l’unisson du violoncelle, est nettement plus raffinée dans son dépouillement. »159 C’est ainsi qu’il faut entendre ce pur joyau, tout de joie et de sérénité, qui vit le jour pendant l’été 1787, sans que l’on sache ni pourquoi ni comment, mais peut-être en réponse aux angoisses des immenses quintettes à cordes K 515 et 516 écrits trois mois plus tôt.

Wolfgang Amadeus Mozart, sérénade en sol majeur K 525, « Eine kleine Nachtmusik », IV. Rondo (Allegro) ,par le Gewandhausquartett

Serenata notturna – Notturno

Sérénade relativement brève (trois mouvements seulement), la Serenata notturna en majeur K 239 est une œuvre des plus charmantes, pleine de spontanéité et de fraîcheur, qui tire l’essentiel de son originalité de l’opposition de deux petits orchestres à cordes et de la présence des timbales dans l’un d’entre eux, celles-ci se signalant notamment, dans la Marcia maestosa initiale, par leurs roulements répétés face aux cordes jouant en pizzicatos.

On peut en rapprocher (bien qu’il ne s’agisse pas littéralement d’une sérénade) une autre composition en trois mouvements de la même époque (1776) , le Notturno en majeur K 286. Dans cette œuvre un brin convenue, Mozart semble se contenter de tirer des effets d’écho entre quatre ensembles différents composés cette fois de cordes et de cors.

« Gran Partita » pour treize instruments à vent

Œuvre à marquer d’une pierre blanche, cette sérénade en si♭majeur K 361, que Mozart composa apparemment au début de ses années viennoises est un monument de la musique d’harmonie (Harmoniemusik). Ecrite pour deux hautbois, deux clarinettes, deux cors de basset, deux bassons, quatre cors et contrebasse, elle ne justifie son appellation de « Gran Partita pour treize instruments à vent » que lorsqu’un contrebasson vient remplacer la contrebasse, mais qu’importe : avec cette œuvre, Mozart « donne ses lettres de noblesse au genre jusque-là mineur de la sérénade pour instruments à vent ; par ses dimensions, mais surtout par son invention, l’équilibre de ses proportions majestueuses, la richesse de son inspiration mélodique, la variété de ses alliages de timbres, cette page compte parmi les grandes réussites mozartiennes. »160 On a pu parler de mini-opéra à propos de cette composition où, avec une éloquence étonnante dans la mise en scène d’ensembles à géométrie variable, se succèdent des séquences allant de la franche rusticité à la plus profonde intériorité (on pense ici surtout au poignant Adagio, avec ses couleurs sombres, dont le caractère est bien éloigné de celui de la sérénade). Avec ses sept mouvements, dont deux menuets, l’œuvre « adopte le cadre de la sérénade nocturne et, par son usage des instruments à vent, semble relever de la musique de plein air. Mais sa facture est telle qu’elle rejoint la pure musique de chambre. Le genre de la sérénade éclate. Tout en faisant sonner la masse comme un plein jeu d’orgue, Mozart réalise de la façon la plus libre la conduite concertante des instruments et sait conserver à chacun son caractère propre. »161 On comprend l’enthousiasme d’A. Einstein lorsqu’il écrivait que « cette œuvre extraordinaire est supérieure à toute contingence et atteint à l’immatériel »…

Wolfgang Amadeus Mozart, sérénade en si♭majeur K 361, III. Adagio, par le Zefiro Ensemble, enregistrement public, Amsterdam 2011.

Sérénades pour huit instruments à vent

Contemporaines de la précédente, les sérénades en mi♭majeur K 375 (1781) et en ut mineur K 388 (1782) forment avec elle un ensemble d’importance majeure dans cette spécialité de l’Harmoniemusik qui, à Vienne, au début des années 1780, semble étre sortie des tavernes et des cercles militaires pour intéresser les milieux aristocratiques, et même l’empereur en personne. C’est dans ce contexte que Mozart composa ces deux magnifiques sérénades qui se limitent respectivement à cinq et quatre mouvements et convoquent un ensemble formé de deux hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons. Bien que de proportions plus modestes que la Gran Partita, elles sont d’un intérêt musical tout aussi évident, en particulier celle en ut mineur K 388,que le compositeur allait d’ailleurs reprendre plus tard pour en faire son quintette K 406. « Lorsque Mozart, au début de 1787, décide d’écrire un arrangement pour quintette à cordes de la Sérénade en ut mineur K 388, il ressent certainement le climat presque tragique qui caractérise la plus grande partie de ce K 388 comme plus proche de son humeur que la chaleur contemplative du   K 375, moins hors genre avec son échange continuel entre le ton des Nachtmusiken qu’on affectionnait en Autriche et une manière individuelle, déjà romantique. Car la sérénade en ut mineur est, elle, austère, tendue, subjective, aux antipodes des conventions musicales, expressives et sociales du genre, tant par sa tonalité que par la rigueur de son écriture contrapuntique. »162

Wolfgang Amadeus Mozart, sérénade ut mineur K 388.

Autres sérénades

Retour aux années de jeunesse salzbourgeoises (entre 1769 et 1774) avec quatre sérénades associant cordes et vents que Mozart écrivit pour des circonstances diverses, en particulier comme Finalmusik pour les étudiants de l’université. Toutes en majeur, ces sérénades K 100, K 185, K 203 et K 204 respectent les conventions du genre avec leur coupe en sept ou huit mouvements, dont deux ou trois menuets. Il serait malvenu de leur demander beaucoup plus que ce à quoi elles étaient destinées, à savoir distraire agréablement leur auditoire, ou d’en attendre la luxuriance orchestrale des sérénades « Haffner » et « Posthorn ». Reconnaissons cependant qu’on éprouve souvent un réel plaisir à l’écoute de ces musiques enlevées et insouciantes, en particulier des K 185 et K 203, deux œuvres où le jeune musicien semble vouloir faire feu de tout bois, allant par exemple jusqu’à y inclure de mini-concertos pour violon. On pourrait même parler de chef-d’œuvre à propos du K 203 qui non seulement offre un mini-concerto très séduisant, mais comporte une pure merveille avec son Andante dont la mélodie annonce le « Porgi amor » des Noces de Figaro.

Wolfgang Amadeus Mozart, sérénade K 203, en majeur, VI. Andante.

Notes

159.   Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (245), juillet-août 2000.

160.   Hulot Jean-Claude, dans « Diapason » (393), mai 1993.

161.   Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (269), octobre 2002.

162.   Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (247), octobre 2000.

 

 

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Mercredi 4 Juillet, 2018 3:26