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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Mozart : concertos pour piano 5 à 8

Mozart

Musique concertante avec piano | Musique avec cordes ou vents.

Ce sont là les premiers des vingt-trois « vrais » concertos pour piano de Mozart, le tout premier — K 175 en re majeur — datant de 1773, les trois suivants — K 238 en si♭majeur, K 242 en fa majeur et K 246 en ut majeur — ne voyant le jour qu’en 1776.

Avec le concerto no 5 en re majeur, Mozart affirme d’emblée sa personnalité et réalise d’un seul coup le modèle de ce qui sera, jusqu’au bout, le « concerto mozartien ». « Que cette œuvre déborde d’une force juvénile et d’un jaillissement extraordinaire de mélodicité, cela était normal chez un jeune homme de dix-sept ans, mais que cette spontanéité soit associée à une science accomplie, surtout dans l’écriture contrapuntique du finale, voilà qui tient du prodige ! Mozart se rendait d’ailleurs lui-même compte de la valeur de son œuvre puisque c’est elle qu’il produira durant son voyage à Mannheim et à Paris, et qu’il la jouera encore à Vienne. Là, quand il l’exécutera en 1782, il n’osera pas faire entendre le finale qu’il avait conçu neuf ans auparavant, et il y substituera un rondo beaucoup moins ardu pour son public, le K 382. Un morceau tout à fait charmant, mais qui est loin d’avoir, sur le plan musical, la force du finale originel. »104

Concerto no 5 en ré majeur K 175 (III. Rondo-Allegro).

Après ce cinquième concerto qui, décidément, mériterait d’être plus connu, on éprouve un brin de déception à l’écoute des trois suivants, composés entre janvier et avril 1776. Il est vrai que, choyé et abondamment sollicité par les milieux aristocratiques de Salzbourg, Mozart enchaîne les compositions en payant son tribut à la galanterie en vogue. Ces trois concertos privilégient le charme et l’élégance, et si le musicien y cultive certaines qualités clés qui caractériseront durablement son style (invention mélodique, continuité lisse du discours, art des transitions, clarté du timbre), dans l’ensemble, leur substance proprement musicale paraît moins riche. Ces traits s’appliquent tout particulièrement au concerto no 6 en si♭majeur, et assez largement au suivant (no 7 en fa majeur) qui fait appel à trois pianos, Mozart l’ayant écrit pour trois interprètes de la haute aristocratie locale, la comtesse Lodron (sœur de Colloredo) et ses deux filles. Mais, dans cette œuvre à l’écriture très aérée (au point que le compositeur en effectua sans peine une transcription pour deux pianos), il sait parfois se montrer beaucoup plus personnel, comme dans les délicates rêveries de l’Adagio ou dans les quelques moments d’évasion poétique qu’offrent les intermèdes du rondo final. Le concerto no 8 en ut majeur, que Mozart écrivit à l’intention d’une autre personnalité locale, la comtesse Lützow, dotée apparemment de doigts plus déliés que les Lodron, s’affranchit davantage du cadre de la galanterie et témoigne par instants d’un réel approfondissement expressif. « À bien y regarder, cet ouvrage […] est beaucoup plus intéressant qu’il n’y paraît. Sa maîtrise formelle et son atmosphère étrangement ambiguë lui donnent une place à part au sein des trois concertos du début de l’année 1776. »105