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Jean-Marc Warszawski, 2006.

Olivier Cullin : L'image musique

CULLIN OLIVIER, L'image musique Fayard, Paris 2006 [155 p. ; ISBN 2213630739 ; 30 €].

Dans ce nouveau livre, Olivier Cullin remet sur le métier et développe une idée qui lui tient à cœur, qui tient aussi la route de l'historiographie.

Son propos est clair, lisible, mais sans concession sur la rigueur. C'est une réussite de vulgarisation, à mettre autant dans les mains de spécialistes que dans celles d'un plus large public, comme celui des amateurs de beaux manuscrits. En effet, après une quarantaine de pages d'introduction, on nous offre plus de cinquante reproductions de qualité de beaux manuscrits notés, avec en regard de chacune, un commentaire précisant les généralités de l'introduction.

L'écriture donne à voir le sacré, écrit Olivier Cullin, elle est un miroir du pouvoir. Le livre sacré ne délivre pas la parole sainte, elle rend le Verbe visible.

Ainsi, quand à l'époque carolingienne, des moines surchargent les textes liturgiques de signes, les neumes, ils n'ont pas l'idée de fixer par écrit un chant, pour imposer une référence, ou pour soulager la mémoire.

Les chantres connaissent leur répertoire par cœur et transmettent ce qu'on leur a transmis, dans une tradition d'oralité.

Il s'agit avant tout de sacraliser le chant liturgique, de donner au chantre un livre singulier, montrant à l'autel la musique sacrée, comme le Livre montre le Verbe. Il ne s'agit donc pas d'écriture musicale, mais de la représentation de la musique, de sa mise en image.

Cette invention a d'immenses répercussions, car, chemin et siècles faisant, elle devient une véritable écriture organique à la musique.

C'est là un passionnant sujet à approfondir. Sous les Carolingiens on fixe le répertoire du plain-chant, on commence également à écrire les langues vernaculaires (les Serments de Strasbourg en 842), et à représenter graphiquement, les inflexions de la musique.

Il y a là techniquement un certain parallélisme si on pense, dans le cas de la langue et de la musique, qu'on note des sons.

On fabrique un Livre d'autel pour le chantre, on le sacralise. Mais en ajoutant des signes à un texte sacré, en introduisant un second Livre à l'autel, on peut aussi penser qu'il y a sacrilège.

On en revient alors à la question du pouvoir, celui des Carolingiens disputant à Rome le pouvoir terrestre, mais encore introduisant sa marque dans le rite religieux.

On ne s'étonne pas que Gérard Le Vot, spécialiste de la musique médiévale, aborde cette question du pouvoir et de l'écriture dans un article consacré à Rousseau et les musiques antiques et médiévales. [Dans Pierre Saby, « Rousseau et la musique, Jean-Jacques et  l'opéra», Université Lyon 2 / musicologie, Lyon 2006, p. 46-47]

Dans cet article il rapporte un récit des Tristes Tropiques de Lévi-Strauss. Lors d'un séjour chez les Nambikwara, un chef  apporte à Levi-Strauss une page couverte de dessins sans signification, qu'il fait semblant de lire devant sa tribu. Ainsi, accéde-t-il aux secrets des blancs. Le résultat ne sera pas celui espéré, la tribu abandonnera son chef. Cela évoque parfaitement le propos.

Avant que le signe musical ne devienne musique, la musique s'est donnée l'illusion, par des signes, d'accéder aux mystères. Et, il faut le dire, elle est restée jusqu'à nos jours, passablement auréolée du mystère des signes.


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Jeudi 7 Mars, 2024