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Jean-Marc Warszawski, 12 septembre 2006.

Gustav Mahler tel qu'en lui-même

MahlerPhilippe Chamouard, Gustav Mahler tel qu'en lui-même. Connaissances et Savoirs, Paris 2006 (1989) [238 p. ; ISBN 2-7539-0075 ; 19 €].

Les éditions « Connaissance et Savoirs » ont eu une bonne idée en éditant à nouveau le livre  « Gustav Mahler tel qu'en lui-même », dix-sept ans après la première parution.

Cet ouvrage est organisé selon le système du collage. L'auteur, Philippe Chamouard, a isolé dans l'ensemble des écrits de Gustav Mahler, la correspondance,  les interviews (une quinzaine de collections ou sources), ceux qui se rapportaient à son projet : exposer ce que Mahler a dit ou écrit sur lui-même et sur son rapport à son double métier de compositeur et de chef d'orchestre.

Ces textes sont organisés en 4 chapitres. Le premier généraliste, est intitulé « la carrière artistique ». Le second chapitre concerne le chef d'orchestre, bien entendu, le troisième est consacré au compositeur. Le quatrième expose, œuvre par œuvre, la réflexions du compositeur. Enfin, le dernier chapitre tente, à partir des propos du maître de formuler ses conceptions du monde en général, sa philosophie.

Philippe Chamouard intervient, de manière discrète, pour situer le cadre des citations, mais aussi pour dire l'admiration qu'il porte à Mahler, voire parfois pour le « sauver », comme par exemple pour banaliser le fait que le compositeur ait interdit à Alma, son épouse, de composer.

On objectera que cela ne justifie pas tout à fait le titre, et qu'encore il faudrait expliquer ce qu'est « être en soi-même » et ce qui pourrait l'exprimer. En tout cas dire et écrire est déjà une opération de mise en miroir, de mise en représentation qui est un rapport aux autres plus qu'à soi-même, si cela peut être. Le soi-même est autant ce qu'on ne peut exprimer que le regard des autres. Là ce sont des points de vue de Mahler sur ce qu'il fait, et il est vrai qu'à travers eux, se dessine un personnage à la manière d'un autoportrait.

Malgré, ici ou là, les sollicitations de l'auteur pour arrondir les angles, Mahler apparaît comme une personne malade d'égocentrisme. De cet égocentrisme qui empêche d'affirmer directement sa personne, son idée, son goût, son opinion intime, mais qui a besoin d'intercesseurs qualifiants ou d'intellectualisation, ou encore de confrontations.

Mahler ne s'imagine donc pas être au service de ses idées, mais comme il est courant à cette époque baignée de positivisme, il pense être  « au service de l'art », et la pertinence de ce service est assurée par  « un travail acharné ». C'est ainsi qu'on se croit et qu'on peut faire croire être missionnaire de forces supérieures.

Si on est impatient, coléreux, en furieux contre les musiciens, ce n'est pas en raison de sa personnalité, mais parce que  « c'est [...] l'attitude indispensable pour le véritable chef d'orchestre » [p. 57]. « J'ai marché sur des cadavres, mais tout le monde savait que je le faisais uniquement pour servir une grande cause, jamais pour une autre raison » [p. 59]. « Que faisais-je d'autre, lorsque je poursuis un œuvre jusqu'au bout avec le plus grande minutie et ne m'accorde aucun repos jusqu'à ce qu'elle soit telle que son créateur l'a voulue et rêvée ?» [p. 59].

Je ne pense pas, comme le propose Joseph-François Kremer dans la préface, que cela soit une nécessité de créateur.

Mais, ce n'est plus à établir, si ses relations avec ses proches et ses collègues sont souvent épouvantables, il est amené à chercher, plus que d'autres, à justifier, rationaliser, intellectualiser ses choix et comportements.

Si la quête de soi de Mahler est trop dans l'esprit positiviste pour être analytique, il reste que ce livre, agréable à lire, est d'un grand intérêt, y compris et peut être même plus avec les contradictions dans lesquelles Mahler s'emmêle parfois la dissertation.

« Il est impensable que je puisse me répéter (d'une symphonie à l'autre) à l'image de la vie qui ne cesse d'avancer, je dois prendre chaque fois un nouveau chemin [...] à chaque nouvelle œuvre on doit toujours réapprendre [p. 107].

Mais « Ma vie physique évolue organiquement de manière progressive plutôt que par bonds successifs ; l'enchaînement de mes œuvres obéit à la même loi ; à chaque nouvelle création je reprends plus ou moins là où je m'étais arrêté dans la symphonie précédente. Par conséquent, je n'ai pas l'impression de prendre un nouveau fil mais celle de continuer l'ouvrage que je viens de tresser » [p. 109].

Mahler et Mahler. Pour qui (moi), a  un peu de mal avec cette musique dans laquelle semblent se côtoyer des sommets d'écriture romantique et trivialités enfantines, une précision d'écriture de grande tradition et débraillement, la réponse est là, parfaitement là.

Jean-Marc Warszawski
12 septembre 2006.


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