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Jean-Marc Warszawski, 27 septembre 2013.

Avant-Gardes : frontières, mouvements : délimitations, historiographie

avant-gardes, éditions Delatour

Aubert Jean-Paul, Milan Serge, Trubert Jean-François (éditeurs), Avant-Gardes : Frontières, Mouvements [v. 1]  : Délimitations, Historiographie . Éditions Delatour, Samzon 2013 [400 p. ;  ISBN 978-2-7521-0153-2 ; 28 €]

Ce livre est la première partie de la publication des actes d'un colloque organisé en 2008 sur les avant-gardes artistiques qui a réuni plus de 45 communications.

Cette première volée de 18 communications ne répond peut-être pas, dans son ensemble, précisément à l'ambition de son titre et titre générique, car loi du genre, on n'y disserte pas sur un sujet commun en vue de produire discussion contradictoire, pensée critique et sens en quête de spécificité, mais on y multiplie des éclairages particuliers, dans lesquels la notion d'avant-garde peut-être au centre de la réflexion, mais où elle peut aussi être périphérique et anecdotique.

C'est que les délimitations ne son pas si claires que cela, il semble qu'on identifie — toujours dans l'ensemble — « avant-garde » à modernité, à une rupture avec les traditions.

Dès le premier article, quant à lui frontalement dans le sujet, Carole Talon-Hugon rappelle judicieusement que militairement parlant (« avant-garde » est un terme d'origine militaire), l'avant-garde des premières lignes et l'arrière garde qui couvre, participent à la même offensive. Or, quand au xixe siècle, le terme passe dans le vocabulaire social, c'est pour opposer l'avant garde à l'arrière garde. C'est à notre sens, le nœud de la problématique, qui suppose la vision d'un monde en mouvement orienté vers un avenir préférable, où vers un art purifié ou supérieur, comme c'est la cas du point de vue de Clément Greenberg, sujet de l'article évoqué, mais suppose aussi qu'aller de l'avant exige la destruction du passé, de son propre passé, symbolisé par l'arrière-garde (ce qui peut s'opposer à la dialectique hegelo-marxiste).

L'idée progressiste contenue dans le concept social d'avant-garde (de Saint-Simon à Marx-Engels et surtout Lénine dans les années 1960 pour le concept d'avant-garde) est battue en brèche par Patrick Marcolini, qui relève les justifications scientifiques et technologues des avant-gardistes, les liant à la société industrielle. On pourrait lui opposer le rôle émancipateur de cette industrie comme des progrès techniques, qu'il ne faudrait pas assimiler (malgré les liaisons) à la gestion capitaliste. Mais Ne prononçons pas de mots vulgaires et déplacés à l'université (il y a peut-être en arts, dans les années 1960, une importation un peu trop mécanique de la notion économique, sociale et politique de lutte des classes)

De fait, toutes les modernités ne sont peut-être pas assimilables à des avant-gardes (dont le pluriel serait aussi à discuter), comme le remarque d'ailleurs Paulo F. de Castro ou encore Robert Piencikowski à propos des sarcasmes de Pierre Boulez contre les académismes et les avant-gardismes, qui préfére être, ou se voir, en franc-tireur du présent.

On pense au cas Schönberg, dont la modernité indiscutable peut être considérée comme le fruit d'un esprit académique et réactionnaire, voulant remettre de l'odre dans la pagaille anarchique chromatique, qui lui semblait manquer de méthode collective (on regrette l'absence d'index des noms, qui ne nous a pas permis de retrouver l'évocation de ce fait, bien sûr en des termes plus retenus !)

Cette notion d'Avant-Garde (tardive en musique selon Paulo F. de Castro) n'est pas sans contradictions. Parce qu'elle induit une lutte entre arrière-garde et avant-garde, c'est à dire au sein d'une même armée (là on peut avancer la dialectique), brouillant une claire vision des finalités. Parce qu'une avant-garde, nécessairement minoritaire, est un état d'échec voué à devenir un académisme ou à disparaître. Parce qu'une avant-garde, précurseur, n'est pas porteuse d'elle-même, mais de l'avenir, et que les lendemains radieux, les œuvres d'art faites pour l'avenir, demandent un exercice ascétique pour le présent, une jouissance par procuration pour les générations de demain, mais pas pour soi-même...

Si nous regrettons qu'on ne soit pas un peu plus gaillard dans les explorations sociales, esthétiques, philosophiques au-delà des prés carrés des spécialités et des sujets singuliers, ce livre, toutes communications comprises, est intelligible. Il est émaillé de réflexions qui valent qu'on s'y arrête comme autant d'invitations, de riches informations, y compris techniques, par exemple l'utilisation d'images décalées ou distanciées dans le cinéma (Marie Martin), ou de la petite caméra à main familiale dans le cinéma de création (Lubomir Hosejko).

Par genre livre de consultation, c'est aussi par nature un livre à vraiment lire.

plume Jean-Marc Warszawski
27 septembre 2013


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