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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Introduction ; musique pour clavier ; musique de chambre ; musique symphonique ; musique concertante.

Les œuvres concertantes pour cordes de Wolfgang Amadeus Mozart

Qu'elles soient dévolues aux instruments à archet ou aux instruments à vent, ces autres œuvres concertantes, à de rares exceptions près comme le concerto pour clarinette et la symphonie concertante pour violon et alto, ne s'élèvent pas au niveau des grands concertos pour piano. Quelles qu'en soient les raisons, Mozart n'y a pas, en général, manifesté les mêmes ambitions. Il est vrai aussi que, pour une très large part, ces œuvres ne relèvent pas de la haute maturité du musicien, mais de ses années salzbourgeoises, et que, dans ces années-là, il s'agissait avant tout de plaire. Contrat merveilleusement rempli, pourrait-on dire, car même les tout premiers de ces concertos, à défaut de s'embarrasser de graves considérations formelles, illustrent joliment le génie mélodique et l'aisance expressive du compositeur.

Concertos pour violon

Ces cinq concertos virent le jour dès 1773 pour le premier et deux ans plus tard pour les quatre autres. Même inégalement accomplies, ces oeuvres « offrent un embarras de richesses (H.C. Robbins Landon) . Les dessins mélodiques s'y accumulent et les idées nouvelles s'y succèdent dans une parfaite insouciance de leur accord mutuel et de tout schéma formel. L'élégance incomparable de la conception et de la réalisation, la suavité de l'orchestration, qui a déjà l'éclat caractéristique des œuvres de la maturité, et la volupté de la pure mélodie séduisent immédiatement. La forme, en revanche, serait plus justement définie par son absence d'économie : Mozart ne se soucie nullement, par exemple, du fait que le premier sujet du mouvement initial du concerto no 4 en re K 218 ne reparaisse jamais dans la récapitulation. Ses thèmes, charmants, sont rarement développés. »123

Les deux premiers de ces concertos — K 207 en si♭majeur et K 211 en re majeur — sont ceux qui souffrent le plus de ce manque d'élaboration, mais n'en sont pas moins des œuvres attachantes : on ne peut que louer l'élégance de cette musique très imprégnée de galanterie à la française, où le jeune Mozart manifeste la fécondité de son imagination et, sans recourir aux artifices de la virtuosité, sait remarquablement mettre en valeur les ressources du violon. Un pas important est franchi avec le troisième, le concerto en sol majeur K 216, qui présente une structure beaucoup plus élaborée. « Sans se détourner du style galant et de l'influence française, Mozart nous offre une page d'une tout autre ampleur et d'une expression beaucoup plus soutenue. Même pendant les solos, il attache davantage d'importance à l'orchestre qui, parfois, dialogue véritablement avec le soliste, et diversifie le rôle des instruments pour donner à sa musique un caractère plus contrasté et une plus grande profondeur. »124  Dans ce superbe concerto, il faut saluer les qualités expressives du développement de l'allegro initial, la grande originalité et la verve mélodique du rondeau conclusif, et bien sûr la magie poétique et l'impalpable douceur du chant de l'adagio, une des plus belles inspirations du musicien.

Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto en sol majeur, K 216 (II. Adagio), par Itzhak Perlman et le Wiener Philharmoniker sous la didrection de James Levine.

Changement de décor avec le quatrième de ces concertos, le K 218 en re majeur, qui cède à une virtuosité brillante, presque spectaculaire parfois. « Mozart tourne cette fois ses regards vers la musique italienne, et plus particulièrement Boccherini. S'il se soucie moins de l'instrumentation que dans l'œuvre précédente, et si, dans le cas présent, l'orchestre est le plus souvent réduit au rôle d'accompagnateur, du moins s'efforce-t-il de faire preuve d'originalité en variant la structure de chaque mouvement. Quant à la partie soliste, son lyrisme et sa beauté mélodique, magnifiés par les sonorités de l'instrument, ne peuvent qu'éblouir l'auditeur, à défaut de l'émouvoir vraiment. »125 Malgré sa popularité, ce concerto est surclassé sans conteste par le cinquième, le justement célèbre concerto en la majeur K 219, de décembre 1775. C'est le plus achevé des cinq, et il « reprend en les amplifiant les tendances précédentes : culte de la mélodie, enrichissement de la matière orchestrale et de ses interventions dans le dialogue, de l'expressivité et de la rythmique, de la couleur et de la vie intérieure avec ses pointes de mélancolie, de sensualité tendre, de joyeux élans ou de dramatisme fiévreux. »126 On pense évidemment ici au sublime adagio, mais tout serait à citer de ce vrai chef-d'œuvre, de l'originalité de l'entrée du soliste dans le premier mouvement jusqu'aux particularités « folkoriques » du trio dans le rondeau final. Il y a, en effet, de quoi être impressionné par le chemin parcouru par le compositeur en l'espace de quelques mois.

Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto en la majeur, K 219 (I. Allegro aperto), par Henryk Szeryng et le New Philharmonia orchestra, sous la direction d'Alexander Gibson

 

Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto en la majeur, K 219 (II. Adagio), par Itzhak Perlman et le Wiener Symphoniker, sous la direction de James Levine.

Pièces isolées pour violon et orchestre

Toutes trois écrites pour Brunetti, violoniste à la cour de Salzbourg, ces pièces, a priori modestes, méritent qu'on s'y arrête. On a d'abord l'Adagio en mi majeur, K 261, d'une expression intense, que Mozart écrivit à la demande dudit Brunetti en remplacement du, trop beau sans doute, cConcerto no 5 K 219. On a ensuite, toujours de l'été 1776, le séduisant rondo en si♭ majeur K 269, écrit comme finale de remplacement pour le concerto no 1 K 207 qui, à l'origine et contrairement aux concertos suivants, se terminait par un presto. On trouve enfin, d'avril 1781, le très beau rondo en ut majeur K 373, une page toute de charme et de fraîcheur, dont existe une transcription pour flûte et orchestre et qui est la dernière œuvre concertante pour violon de Mozart dont l'authenticité ne soit pas douteuse.

Wolfgang Amadeus Mozart, Adagio en mi majeur K 261 par, David Oistrakh.

Concertone pour deux violons et orchestre

On ne sait pas grand chose de l'origine de cette œuvre qui semble remonter à mai 1773. Ecrite pour deux violons solos, mais avec des passages en solo pour hautbois et violoncelle, elle tient en réalité plus du divertimento que du concerto. « Une écriture qui fait la part belle au contrepoint, un souci très affirmé du traitement instrumental (imitations, nuances multiples, etc.), constituent l'intérêt majeur de cette œuvre en trois mouvements. »127 Mais il faut bien en convenir : ce « Concertone » n'ajoute rien de significatif à la gloire du compositeur.

Symphonie concertante pour violon et alto

On ne connaît pas bien non plus la genèse de cette symphonie concertante en mi♭majeur K 364 qui vit le jour à Salzbourg entre l'été et l'automne 1779, mais on tient là une des œuvres magistrales des années antérieures à l'installation du musicien à Vienne. « Si Mozart [à cette époque] ne semble pas s'investir totalement dans la forme symphonique, il atteint pourtant un sommet d'inspiration dans ce témoignage d'un besoin d'évasion qui ouvre la route aux grands concertos et aux dernières symphonies. Ecrit deux ans après le concerto K 271 (« Jeunehomme ») et dans la même tonalité, ce chef-d'œuvre en est le pendant ; les thèmes principaux de leurs mouvements lents respectifs ont des profils très semblables et baignent dans la même atmosphère douloureuse, mais les sonorités de la Sinfonia concertante, inspirées par la partie d'alto que Mozart écrivit sans doute pour son propre usage, sont sans équivalent. La distribution orchestrale, avec deux parties d'altos ripieno, indique un souci croissant des timbres orchestraux chers à l'école de Mannheim. Toutefois, Mozart a si profondément assimilé ces caractéristiques que le résultat est entièrement sien. Ce qui frappe, plus encore que le sens des valeurs instrumentales, c'est le contenu spirituel de cette sinfonia concertante, où le sens implicite de l'unité, les tutti palpitants, les longs échanges en contrepoint des deux solistes, l'emploi du silence anticipent la dialectique beethovénienne. Jamais encore l'expression de Mozart n'a été à la fois si douloureuse et si volontaire — on y perçoit le sourire refoulant les larmes —, et il faudra attendre les grands concertos pour piano de la maturité pour trouver des œuvres instrumentales qui en égalent l'intensité. »128

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie concertante en mi♭ majeur, K 364 (II. Andante) par Iona Brown, Nobuko Imai et l'Academy of Sant-Martin-in-the-Fields

Notes

124. Parouty Michel, dans François-René Tranchefort (dir.), « Guide de la Musique symphonique», Fayard, Paris 2002, p.552.

125. Ibid. p. 553.

126. Hamon Jean, dans « Répertoire » (115), juillet-août 1998.

127. Parouty Michel, op. cit., p.556

128. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (264), avril 2002.

 

 

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Mercredi 7 Mars, 2018 23:40