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musicologie
Caen, 10 mai 2017, par Alain Lambert ——

Ran Blake en concert solo : « Le clavier bien dissoné »

Ran Black à Caen le 10 mai 2017. Photographie © Gérard Boisnel.

Un vieux monsieur en déambulateur arrive sur scène, s'installe au piano dans un éclairage sombre d'où ne ressort que l'homme et son instrument, et quelques projecteurs bleus en haut de la scène du Conservatoire. Une ambiance de « film noir » en somme, comme le pianiste les aime, ceux de Chabrol en particulier, à qui il a consacré il y a peu un superbe cédé.

Il y reprend l'idée même de scénario pour enchaîner les morceaux au cours de medley où les ambiances se transforment au gré des harmonies et des dissonances, les mélodies se succèdent, quelques notes grêles  et perdues suivies de phrases puissantes juchées sur des accords profonds ou violents.

Pour exemple, le premier set, autour du racisme, propose Strange Fruit de Billy Hollyday (une allégorie des noirs lynchés), Freedom Day de Max Roach, Fables of Faubus de Mingus (du nom du gouverneur raciste en Arkansas favorisant la ségrégation dans les écoles au moment du mouvement pour les droits civiques en 1957) et Memphis de Ran Blake en mémoire à  Martin Luther King assassiné là. Avec quelques accords de Monk en transition et une phrase de Glory America en contrepoint.

Le second, moins grave, des airs de Chris Connor, Al Green, Mahalia Jackson, Nat King Cole, se clôt par Hallelujah I Love Her So de Ray Charles, où la mélodie se reconstruit dans le jeu des renversements d'accords. Car toute cette improvisation se fait par le travail de mémoire qui permet à la mélodie d'en surgir, loin des partitions, et de s'habiller des accords les plus personnels du soliste.

Lukas Papenfusscline à Caen le 10 mai 2017. Photographie © Gérard Boisnel.

C'est du moins ce que nous a expliqué la veille, lors de la masterclasse, son assistant, Lukas Papenfusscline, son étudiant, d'abord, au conservatoire de Boston, sur trois semestres. Le premier consacré à la mélodie, le second à l'harmonie, le dernier au style personnel, mais nourri des musiciens classiques, soul, rock ou jazz favoris, et  bien sûr des autres arts (Picasso, Chabrol, Hitchcock, Godard...  pour Ran Blake).

Le jeune chanteur et pianiste ouvre d'ailleurs la seconde partie, avec une voix incroyable et un jeu de piano intense et expressif, avant un duo sur un thème de Max Roach, Mendacity.

Le retour au solo de Ran Blake égrène des chansons d'Abbey Lincoln, puis Short Life of Barbara Monk, écrit par lui en mémoire de la fille de son ami Thelonious. En final, un émouvant Laura, le thème d'un très célèbre film noir, bien évidemment.

Gérard Boisnel, qui a eu du mal pour ses portraits, vu le peu de luminosité, a « été frappé par sa quasi mutation, passant du vieil homme arrivant en déambulateur au soliste capable de faire partager tant d'énergie. »

À noter que les deux thèmes de lui joués ce soir étaient ceux proposés aux étudiants caennais, soit en solo, soit en trio, pendant la masterclasse.

Cette tournée française, commencée à Tours, se termine à Strasbourg par un concert le 13 mai.

Prochain concert du collectif PAN, dédié au jazz en région, Samsara 5tet avec Richard Foix en invité, le 17 juin à la Fermeture éclair, sur le port de Caen.

Alain Lambert
10 mai 2017
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