On ne peut pas dire que les abords de Musique en Seine, Pont-de-Sèvres, aménagés pour la circulation automobile et en bonne partie grillagée pour empêcher les piétons, soient des plus accueillants. Pour le métropiéton, le fléchage commence une fois que par chance ou flaire, il a trouvé le bon chemin.
Il y a quelque chose d’inhumain, de désincarné dans ce bâtiment pourtant photogénique, un peu hall d’expositions assez désert, il y a du flottement quant à l’organisation, mais un personnel fort affable.
L’auditorium n’est pas bondé, honnêtement peuplé. Il est sonore (penser aux bouchons d’oreilles la prochaine fois).
Sur scène, Cirque, le dernier spectacle du Mnozil Brass. Ce septuor de cuivres est né voici plus de 20 ans, des rencontres de musiciens de haut niveau, au café Mnozil à Vienne, réputé pour son restaurant installé dans une belle et grande cave voûtée. Ils ont pratiquement tous étudié à l’université de musique et des arts de la scène de Vienne, sinon Zoltán Kiss (trompette), né en Hongrie et passé par l’Université Chopin de Varsovie. Ils ont été musiciens, souvent solistes, de grands orchestres, comme le Symphonique de Vienne, de l’orchestre de l’Opéra, y compris d’ensembles baroques comme le célèbre Concentus Musicus, et d'ensembles de jazz, ils sont aussi professeurs (quand ils en ont le temps avec plus de 100 concerts par an).
L’humour en musique semble un bon créneau, mais en fait, sur la durée, peu y ont réussi, sinon Maurice Baquet qui étant tout autant acteur que violoncelliste ou Victor Borge, à la fois humoriste et excellent pianiste. C’est que les gestes fonctionnels du musicien et ceux théâtraux de l’acteur se marient difficilement. Les quelques expériences récentes qui nous ont été données à voir, accumulent des blagues, des acrobaties, des numéros, où les excellents musiciennes ou musiciens dépassent en fin de compte difficilement des pitreries, autour d’un répertoire tout de même classiquement « sérieux ».
Les musiciens du Mnozill ont largement surmonté ces obstacles, en adaptant un répertoire approprié, les flonflons traditionnels des pays germaniques, du jazz (brillantissime), des succès populaires, des musiques de film, genre cabaret, magnifiquement interprétés, et pour plusieurs d’entre eux ayant travaillé, c’est évident, la prestidigitation, le mime, le théâtre. Ils ont d’ailleurs créé des spectacles de théâtre.
Le Mnozil Brass à Musique en Seine. Photographie © musicologie.org.
Il y a un côté surréaliste absurde, qu’on irait bien chercher du côté des Frères Jacques ou de Raymond Devos, une poésie et une empathie avec le public, qui se régale. Il doit y avoir des fans dans la salle, qui réagissent au quart de tour à plus d’un tour.
Bien entendu, comme dans tout numéro de cirque, on montre ici quels cuivres on astique, en jouant à deux trompettes, ou cette scène amusante ou le pierrot un peu lunaire de l’équipe actionne avec les mains les pistons des trompettes et avec les pieds les coulisses des trombones de quatre de ses collèges. Mais ce ne sont que des ponctuations dans un spectacle, ou les véritables prouesses sont tout de même la musique (les chorus — fabuleux Thomas Gansch — et bien des morceaux sont copieusement applaudis, voire ovationnés… il y a ici des amateurs de jazz), et de pouvoir sinon arrêter, mais au moins alentir le temps, qui finit tout de même par nos rejeter dans ce coin Pont-de-Sèvres peu accueillant, mais on connaît le chemin.
Jean-Marc Warszawski
4 novembre 2017
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Dimanche 5 Novembre, 2023