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musicologiemardi 25 octobre 2016

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Radio France à la rencontre de Gilbert Amy pour ses 80 ans

Gilbert Amy. Photographie © Jean-Baptiste Millot.

Communiqué

Radio France célèbre Gilbert Amy à l'occasion de ses quatre-vingts ans, et organise un week-end sous la forme d'une « carte blanche ».

Gilbert Amy fait partie de ces compositeurs dont on dit volontiers qu'ils sont humanistes. Premier prix au Concours général de philosophie, le jeune homme choisit à vingt ans la musique et reçut le double enseignement de Darius Milhaud et d'Olivier Messiaen, qui lui apprendront à jouer avec les timbres instrumentaux et avec la tonalité. Il a la chance d'être remarqué par Pierre Boulez, qui lui permet de se faire entendre à vingt-deux ans au Domaine musical, cycle de concerts dont il sera directeur jusqu'en 1974.

Pédagogue, directeur du Conservatoire National Supérieur de Lyon de 1984 à 2000, il continue de composer sans relâche. Orchestrahl, la Missa cum jubilo ou l'opéra Le Premier Cercle d'après Soljenistyne font partie de ses œuvres les plus célèbres.

L'Orchestre Philharmonique participe à la fête de celui qui fut aussi, en 1976, son premier directeur musical.

Le programme musical comprendra des œuvres de Gilbert Amy, mais aussi de Darius Milhaud, Maurice Ravel, Joseph Haydn, György Ligeti, Olivier Messiaen, Claude Debussy, etc.

On entendra aux côtés du Philharmonique des solistes tels que Marianne Croux (soprano), Marc Mauillon (baryton), Mathilde Calderini (flûte), Yan Levionnois (violoncelle), Anne Le Bozec (piano), le Quatuor Hermès, Leonard Elschenbroich (violoncelle), Philippe Hattat (piano), l'ensemble Court-Circuit et des musiciens du philharmonique, etc.

 

Gilbert Amy, le mouvement et l'exploration. Un entretien avec Hélène Cao

H. C : Gilbert Amy, quels sont les fils conducteurs de ce week-end ?

G. A : Chaque concert se concentre sur un type de musique : la production vocale, le quatuor à cordes (j'en ai tout de même composé trois, sans compter Mouvement de 1958), la musique symphonique, la musique électroacoustique. Je tenais aussi à ce que l'un des concerts laisse s'exprimer des solistes de l'Orchestre philharmonique de Radio France. Le dernier concert comporte ma première pièce avec électronique en temps réel, Cors et cris, coproduite par l'Ircam. En outre, j'avais envie de mélanger des périodes différentes. Si les œuvres récentes prédominent, elles sont confrontées à des partitions de jeunesse comme les Variations de 1956 et Mouvement.

H. C : Quel regard portez-vous aujourd'hui sur ces œuvres anciennes ?

G. A : Je tiens beaucoup aux Variations, que j'ai composées à l'âge de vingt ans. On y sent l'influence d'Alban Berg, mais je trouve que c'est une œuvre qui fonctionne bien. Le Mouvement pour quatuor à cordes a été écrit pour un examen de la classe de composition. Figurez-vous qu'à cette occasion, il a été joué au piano à quatre mains ! Évidemment, ça n'allait pas très bien… À la fin des années 1950, j'écrivais déjà de la musique plus « avancée ». Mais dans le cadre de l'examen, j'ai respecté ce qu'on attendait d'une pièce pour quatuor et j'ai favorisé l'écriture polyphonique. Bien longtemps après, j'ai ressorti Mouvement et j'ai trouvé que cette page tenait la route malgré quelques naïvetés.

H. C : Le programme comprend aussi des œuvres qui ne sont pas de vous…

G. A : J'ai proposé le Quatuor no 1 de Ligeti — bien que je ne me situe pas dans cette lignée — en raison de son importance dans l'histoire du quatuor à cordes. Les Poèmes de Paul Claudel de Milhaud figurent au programme parce qu'il s'agit d'une œuvre de jeunesse, composée à peu près à l'âge que j'avais, moi, en entrant dans la classe de Milhaud. Le public pourra découvrir une nouvelle pièce de Thomas Lacôte, compositeur et organiste de l'église de la Trinité, par ailleurs brillant analyste (il est spécialiste de Messiaen). Je l'ai connu par l'intermédiaire de mes amis organistes Olivier Latry et Michel Bouvard. Je trouve sa musique très originale. Quant à Philippe Hurel, il représente en quelque sorte la génération intermédiaire entre Lacôte et moi. J'apprécie beaucoup son écriture énergique et rythmique.

H. C : Vous venez d'évoquer Milhaud et Messiaen. Quel rôle ont-ils joué dans votre formation ?

G. A : Il est difficile de juger, si longtemps après… Disons qu'à l'époque, je recherchais une écoute. Je l'ai trouvée auprès de Milhaud, qui savait écouter et conseiller, même face à une musique à laquelle il n'adhérait pas. Messiaen, c'est différent. Il a vraiment été mon mentor. Ses cours d'analyse m'ont énormément apporté, beaucoup plus qu'une classe de composition traditionnelle. En tant que compositeur, il m'a séduit par son harmonie et ses constructions rythmiques. Mais j'ai très vite été un peu critique vis-à-vis de ses structures formelles par juxtaposition, sans développement. Certes, le résultat est saisissant, parce qu'il y a chez Messiaen un souffle et un raffinement extraordinaires. J'avoue une tendresse particulière pour les Sept Haïkaï, les Couleurs de la Cité céleste (deux partitions que j'ai dirigées), Chronochromie. Au-delà de ma période d'apprentissage, il reste des traces de Messiaen dans mes alliages orchestraux.

H. C : Vous rappelez votre activité de chef. La direction d'orchestre a-t-elle eu une incidence sur votre façon de composer ?

G. A : Elle ne l'a pas changée en profondeur. Elle m'a appris à prendre certaines précautions et a développé l'acuité de mon oreille « instrumentale ». Mais mon expérience de chef ne m'a pas amené à écrire une plus « pratique », ni plus facile à diriger.

H. C : Votre pièce avec électronique Cors et cris regarde du côté de la musique spectrale. Quelle est votre relation avec ce courant ?

G. A : À l'origine, je n'avais rien à voir avec cet univers. La première génération des spectraux (Grisey, Murail) m'a intéressé, même si j'avais des réticences. Et puis, au fur et à mesure, je me suis laissé porter par cette musique. Dans Cors et cris, j'ai essayé d'être un peu spectral, à ma manière, par l'intermédiaire d'un instrument, le cor, en le traitant parfois comme si c'était un cor naturel : par moments, les deux cornistes de l'ensemble n'utilisent pas les pistons. À ce titre, je dois souligner l'importance de l'interprétation sur instruments anciens et de chefs comme Harnoncourt, qui m'ont ouvert des perspectives nouvelles. Dans Le Temps du souffle III, une œuvre pour cor et ensemble de 2001, j'ai commencé à entrevoir ce que je pourrais faire avec des « doigtés naturels ». J'ai continué de creuser cette question avec Cors et cris, puis Explorations chromatiques.

H. C : Vous avez composé de nombreuses œuvres vocales. Pourquoi avez-vous choisi de mettre en avant le poète René Leynaud, fusillé par la Gestapo en 1944 ?

G. A : J'ai toujours été très sensible à la poésie et à la littérature. Je me suis notamment inspiré de William Blake, Rimbaud, Rilke, Garcia Lorca, Char et Soljenitsyne (pour mon opéra Le premier cercle). Depuis toujours, je ressens le besoin de faire chanter la poésie, ce qui est très difficile en français. J'ai échoué à mettre certains textes en musique, qui me plaisaient pourtant. Quand j'ai découvert Leynaud, j'ai aimé sa poésie fraîche, spontanée, inclassable et inachevée, puisqu'elle a été éditée à titre posthume, sans que son auteur ait pu apporter d'éventuelles corrections. D'où le titre de mon recueil pour baryton et violoncelle, Le Poète inachevé. Bien que la prosodie de Leynaud présente certaines difficultés, j'ai tout de suite trouvé comment la mettre en musique.

H. C : Lors de ce week-end, nous entendrons plusieurs jeunes interprètes. Observez-vous une évolution dans leur attitude, par rapport à ceux qui les ont précédés ?

G. A : Ah oui, une évolution formidable ! Les jeunes musiciens apprennent les œuvres très rapidement et restituent le texte avec exactitude. Quand on travaille avec eux, on peut aller à l'essentiel. Ils ont une grande ouverture d'esprit : quand je dirigeais le Conservatoire national supérieur de musique de Lyon, j'ai pu constater que les professeurs les plus appréciés étaient souvent ceux qui faisaient travailler de la musique contemporaine.

 

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ISSN  2269-9910

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bouquetin

Mercredi 26 Octobre, 2016 0:25