Muller Welleda (direction), L'instrumentarium du Moyen-Âge : la restitution du son. « Univers musical », L'Harmattan, Paris, 2015 [235 p. ; ISBN 978-2-343-06895-4 ; 27 € 50]
Les actes d'un colloque interdisciplinaire, tenu en 2014 à la Cité de la Musique, puis à Chartres, ont été réunis par Welleda Muller. Son objet était de rassembler des chercheurs de différents horizons pour aboutir à la reconstitution d'instruments, en se fondant sur l'iconographie et la littérature. Les regards croisés d'ethnomusicologues, de musicologues, de médiévistes, de luthiers et interprètes permettent ainsi d'enrichir notre connaissance à travers 21 communications.
Obligée par le genre, cette juxtaposition de textes si divers s'avère intéressante à plus d'un titre. Cependant, dès l'introduction, on s'interroge. En effet, l'organisatrice fait peu de cas du travail des chercheurs qui l'ont précédée et feint d'ignorer un riche passé, où universitaires, collectionneurs, conservateurs spécialisés, instrumentistes et luthiers avaient défriché ce territoire bien avant les années 90. Ainsi, Julien Skowron, opportunément cité, dont le savoir musicologique était solide, travaillait-il dès le début des années 70 avec tel ou tel luthier pour nourrir sa pratique. Et il n'était pas seul, non seulement en France, mais aussi en Grande-Bretagne, pionnière en la matière3. Pourquoi alors évoquer avec condescendance sinon mépris les « violons déguisés » qu'étaient les reconstitutions antérieures au groupe qu'elle anime. Sans les Tolbecque et Bricqueville, sans le zèle, le savoir et la passion de leurs continuateurs des musées instrumentaux nous aurions été privés non seulement d'instruments essentiels mais aussi d'une connaissance approfondie dont on ne trouve nulle trace dans les actes du colloque.
Les premières interventions ont trait à la symbolique des instruments, à l'iconographie des lettrines et aux énumérations d'instruments dans la littérature, de Marie de France à Machaut. Les musiciens d'une vingtaine de danses macabres, propres aux XIVe et XVe siècles, sont étudiés, tout comme les instruments du charivari. La première contribution débouchant sur la reconstitution d'instruments porte sur leur couleur, révélée par les polychromies de la statuaire, les manuscrits, les peintures murales et les vitraux. Réaliste ou décorative ? Une question fondamentale est posée par Laura de Castellet. À partir du patrimoine catalan, elle s'interroge sur les programmes iconographiques romans. L'instrumentarium décrit est-il fidèle, ou de portée symbolique ? Julien Ferrando nous entraîne dans cet univers fascinant où la recherche et l'expérimentation se nourrissent mutuellement, à propos de l'orgue à tirette (ou à glissières) qui fut l'instrument roi des grands organa. La reconstitution de Royaumont marque une avancée réelle dans la connaissance de sa technique et de son jeu. Suivent les interventions des musiciens et luthiers de l'instrumentarium de Chartres. Nous retiendrons la contribution de Giuseppe Severini, luthier travaillant à la reconstitution des rebabs de la Chapelle palatine de Palerme, de Denis Le Vraux pour qui les cornemuses « à vessie » n'ont plus de secrets. À partir de fouilles archéologiques, une équipe s'est attelée à la reconstitution de flûtes et de sifflets en os, d'un cor en céramique, et à leur fonction pratique. Les vièles sont évoquées1 sans référence aux traités, en particulier à celui de Jérôme de Moravie2. Dommage. Vielles, psaltérions, monocordes, archets font l'objet de témoignages de luthiers et d'une archetière ayant réalisé avec un souci réel d'exactitude, des reproductions destinées au jeu des interprètes. Ces contributions sont malheureusement muettes sur la facture interne des instruments à cordes, que l'iconographie — évidemment — et les traités ne révèlent pas, mais que l'ethnomusicologie et l'expérimentation peuvent renseigner. Quid des différentes organisations, d'un éventuel barrage, de l'âme, du chevalet, du chevalet-âme, aussi, et de leur rôle acoustique et mécanique ? Pourquoi cette absence du regard d'un acousticien (on pense à celles et ceux formés par Emile Leipp et Michèle Castellengo au Laboratoire d'acoustique musicale, qui, dès la fin des années 60 enrichissaient notre savoir organologique) ? Les instruments de percussion (3), mentionnés dans la première partie, ne semblent pas avoir retenu l'attention des organisateurs.
L'ouvrage, bien que ne répondant que très partiellement à son intitulé, enrichit les approches de ce chantier toujours prometteur. Bien des travaux seront encore nécessaires avant que le champ soit sinon épuisé, du moins défriché et fouillé méthodiquement.
Eusebius
21 décembre 2015
1. évoqués p. 164-169
2. en particulier : Segerman (E.) & Abbott (D.), Jerome of Moravia and Bridge Curvature in the Medieval Fiddle, Fellowship of Makers ans Restorers of Historical Instruments. Dans « Bulletin and Communications » (6) 1977, corrections en 1978 dans le no 10). Et Page (C.), Jerome of Moravia on the Rubeba and Viella. Dans « Galpin Society Journal » ( xxxii) 1979, p. 77.
3. Les musiciens et chercheurs d'outre-Manche s'étaient penchés très tôt sur ces factures instrumentales. En témoignent les instrumentistes rassemblés alors par David Munrow, ainsi que les nombreux articles publiés par Oxford University Press, dans la série « Early Music ». Pour les percussions : Montagu (Jeremy), Making early percussion instruments, 1976.
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Vive Chostakovitch ! — Prenez les chemins de traverse ! avec Les Traversées Baroques — Cyprien Katsaris et Alexander Ghindin : musique russe pour piano quatre mains.
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