JOSEPH HAYDN Mass No. 12 in B flat major "Harmoniemesse" (Hob. XXII:14) Les messes tiennent une place de choix dans l'oeuvre de Haydn, bien qu'elles n'atteignent ni au plan quantitatif ni au plan de la variété la richesse caractéristique de ses symphonies, de ses quatuors et de ses oeuvres pour piano. Le compositeur était fort jeune lorsqu'il écrivit sa première messe, en 1750, et parmi les quatorze qu'on connaît de lui, la Harmoniemesse, composée en 1802, est précisément la dernière de la série. A cette époque, le musicien avait déjà derrière lui deux tournées triomphales en Angleterre, et il avait déjà écrit ses douze symphonies londoniennes. Entre autres, c'est précisément l'expérience amassée à cette occasion au plan de la composition et de l'exécution qui a porté ses fruits au cours de la période créatrice tardive de 1796-1802, durant laquelle ses plus grandes oeuvres vocales prirent forme: La Création (1798), Les Saisons (1801), le Te Deum et six de ses messes. Le nom de Harmoniemesse a été donné à l'oeuvre à l'époque où elle vit le jour. II fait allusion au fait que les instruments à vent (en d'autres termes, l'« har- monie ») y tiennent une place d'une importance inaccoutumée. Le nombre même des instruments à vent que comporte la partition dût frapper les contemporains de Haydn (une flûte, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, deux cors et deux trompettes). A cette époque, Beethoven lui-même n'écrivait pas pour un orchestre plus fourni. Pour l'auditeur moderne, cependant, ce sont surtout la différenciation de l'instrumentation et l'emploi tan-tôt par blocs, de manière concertante, et tantôt soliste des instruments à vent qui frappent. Les effets sonores produits par la combinaison avec les parties vocales rendent plus variée encore la richesse de coloris de cette musique, caractéristique des symphonies que le compositeur écrivit sur le tard. Haydn a recours à toutes ces finesses techniques pour élaborer une musique à programme, au sens le plus noble du terme. Mais le choix du thème — de même que celui des formes, du dessin mélodique, des harmonies et même des modulations — est mis au service de ce programme. Haydn ne traite pas le texte ancestral et traditionnel de la messe comme une chose abstraite: il le suit avec une grande sensibilité et en met à nu le contenu intellectuel et sentimental, et tout son symbolisme. Cette musique à programme n'est donc pas illustrative. Elle touche et rend sensible le fond des choses. Istvàn Màriéssy