Jan Dismas Zelenka De Profundie ; Miserere ; Requiem Il Fondamento / paul Dombrecht Disques passacaille Disques Passacaille ================================ Extrait du livret accompagnat le disque Document de travail http://www.musicologie.org ================================== DR. W O L F G A N G R E I C H Traduction: Thomas Luks Le présent enregistrement propose trois oeuvres que Zelenka composa à plus ou moins sept ans d'intervalle les unes des autres. Il dévoile ainsi quelques-unes des caractéristiques fondamentales du langage musical du compositeur, aussi bien de son avant-dernière période, que de celle du début de sa dernière période créatrice. Tout d'abord, une partie vocale ancrée dans la tradition polyphonique, présentant la structure d'un motet, et qui contraste ainsi de façon foudroyante avec les grandes masses chorales homophoniques et harmoniquement expressives. Ensuite, un profond respect du texte liturgique, souvent illustré de façon extrêmement intense. Enfin, une manière d'utiliser, dans le contexte de la rhétorique musicale, des stéréotypes relatifs au traitement des topoi récurrents du texte qui dépasse de loin, tant du point de vue des motifs que du point de vue harmonique, leur emploi contemporain. De l'Office des Morts que Zelenka avait eu le droit de diriger en 1724 à la Dresdner Hofkirche à la mémoire de son père défunt, le "De Profundis" en ré mineur (ZWV 5o) est probablement la seule partie qui soit parvenue jus-qu'à nous. Inhabituelle et très impressionnante, la combinaison de trois trombones avec trois basses vocales dans les trois parties du mouvement d'introduction en forme de motet, illustre de façon poignante l'âme implorant le Seigneur "des profondeurs". En l'église catholique de la cour de Dresde, un requiem commémoratif était exécuté chaque année, dès 1722, à la mémoire du Kaiser Joseph I décédé le 17 avril 1711 ; ceci suivant la requête d'une de ses filles, Maria Josepha. A la mort du maître de chapelle Heinichen, celle-ci commanda à son successeur Zelenka une nouvelle oeuvre pour la célébration annuelle. Zelenka, qui avait étudié en profondeur la musique religieuse viennoise, prit comme modèle pour sa composition la messe commémorative qui était de mise à la cour impériale. La cérémonie ne pouvant durer qu'une heure, la partie musicale se trouvait limitée à trois quarts d'heure. Il s'imposait donc d'abandonner des formés trop étendues, (longs airs ou mouvements instrumentaux), afin de garder la possibilité de mettre en musique les parties importantes de la Missa pro Defunctis (? - ?). Zelenka réussit le tour de force de traiter les 19 strophes du "Dies Irae" de manière concise, en évitant de verser dans la déclamation pure et simple, et de nuire à la compréhension du texte par une structure polyphonique trop dense. Nous pourrions percevoir l'utilisation dans le "Tuba mirum" du chalumeau, à la sonorité proche de la clarinette, comme une bizarrerie, voire comme une erreur d'interprétation des exécutants actuels. Les trompettes nous parais-sent aujourd'hui plus adéquates à illustrer le Jugement Dernier. Il n'est donc pas inutile de rappeler que vers 1700, la couleur sonore d'un chalumeau n'était pas encore associée au caractère bucolique ou folklorique, comme cela deviendra le cas à partir 19ième siècle . Au contraire, Zelenka utilise cet instrument pour souligner des passages de profonde dévotion, à l'instar de l'emploi que Bach fait du hautbois d'amour. Pour la composition de son Miserere en do mineur de 1738 (ZWV 57), Zelenka a la liberté d'utiliser tous les moyens stylistiques offerts par le Vermischte Kirchen –Stylus " de son temps. De ce fait, la personnalité créatrice unique de Zelenka apparaît ici pour la première fois dans toute son individualité. L'oeuvre fait appel à un langage musical profondément émouvant et parfois même dérangeant pour un auditeur d'aujourd'hui. La pièce maîtresse du Miserere, un développement choral de l'intégralité du psaume ainsi que d'une partie de la doxologie finale, n'est pas une oeuvre originale de Zelenka, mais une adaptation d'une pièce pour orgue écrite un siècle auparavant. Ce procédé à lui seul rend déjà l'oeuvre singulièrement originale pour son époque. La pièce pour orgue en question est un ricercare à quatre voix de Girolamo Frescobaldi, tiré du recueil "Fiori Musicali" paru en 1635. La transformation de ce ricercare intime et profond en pseudo-motet en estompe quelque peu les contours. L'oeuvre semble d'ailleurs avoir déplu lors de sa première audition , le 8 avril 1731, Si l'on en croit le journal d'un Jésuite : "monsieur Zelenka a exécuté un Miserere extrêmement long (Miserere Longissimus)". Pour la deuxième exécution l'année suivante, Zelenka rajouta deux mouvements 'modernes'. D'abord, au milieu de l'oeuvre, un air pour soprano (Gloria Patri) qui par sa richesse mélodique et son rythme enjoué correspondait entièrement au 'goût napolitain' de l'époque. Puis, servant de cadre à la composition entière, un choeur écrit sur les première phrases du psaume (Miserere mei Deus). Ce choeur, avec son caractère d'une émotion presque violente dût être une attaque en règle contre le 'bon goût' de l'époque. L'auditeur d'aujourd'hui ne peut qu'être lui aussi totalement saisi à la première écoute. Il éprouvera même un véritable choc à l'entrée brusque et surprenante du choeur final (Miserere III). Le Miserere en do mineur est plus éloigné de l'idéal formel dassique qu'aucune autre oeuvre de Zelenka. Mais c'est bel et bien ce farouche individualisme dans la conception esthétique qui donne à la musique du compositeur bohémien toute sa force et sa poignante efficacité. DR. W O L F G A N G R E I C H Traduction: Thomas Luks