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Marseille, 28 décembre 2014, Jean-Luc Vannier.

Un « Elisir d'amore  » frais et tonique à l'Opéra de Marseille

width="570"Paolo Fanale (Nemorino). Photographie © Christian Dresse.

Contrairement aux rafales de vent à vous décorner un bœuf qui balayaient la Canebière, une fraicheur à la fois douce et tonique inspirait avec talent, samedi 27 décembre, la production marseillaise de L'Elisir d'amore de Gaetano Donizetti : loin du bucolisme insufflé à Nice par Fabio Sparvoli en mars 2011, débarrassé d'une recherche conceptuelle comme dans la version helvéto-monégasque d'Adriano Sinivia de février 2014 à Monte-Carlo, le travail d'Arnaud Bernard a voulu faire « ressortir cette perfection toute simple » de l'œuvre créée à Milan en 1832  « en fabriquant des silhouettes attachantes qui évoluent dans un cadre sobre et épuré, loin de tout folklore ». À l'aide d'un dispositif scénique similaire au diaphragme suggérant l'esthétique de la photographie en noir et blanc du début du XXe siècle, cet ancien assistant de Nicolas Joël passé par le Capitole de Toulouse, parvient à dynamiser, à intensifier ce melodramma giocoso sans en altérer la douce poésie : en témoignent la remarquable densité mélancolique du quatuor finale de l'acte I et celle du récitatif avec air entre Adina et Nemorino « Prendi per me, sei libero » à l'acte II. Signalons l'aide précieuse apportée par les décors et les costumes de William Orlandi dont la créativité avait déjà contribué au magnifique Il Trovatore à l'opéra de Nice en février 2012.

width="570"Inva Mula (Adina). Photographie © Christian Dresse.

Associée à cette réussite, ouvertement saluée par les musiciens de l'orchestre de l'opéra de Marseille à l'issue de la représentation, la direction de Roberto Rizzi Brignoli impressionne aussi par l'accompagnement méticuleux des artistes sur le plateau : l'ancien assistant de Riccardo Muti guide les voix jusque dans leur consistance, leur intonation. Ici, il fait signe aux chœurs féminins, très sollicités dans cette pièce, d'approcher à l'avant scène dans le « saria possibile ? » au début de l'acte II, là il invite la soprano Jennifer Michel à prononcer mezza voce son « Ma zitte, piano, per carita » dans la même scène. Ici encore, il fait accentuer un aigu, là tenir une note. Le ténor Paolo Fanale ne le quitte d'ailleurs pas des yeux.

width="570"Paolo Bordogna (Dulcamara), Armando Noguera (Belcore) et Jennifer Michel (Giannetta). Photographie © Christian Dresse.

Contrairement au Roméo et Juliette de Gounod en novembre 2014 à l'opéra de Monte-Carlo où il s'était « économisé » dans les trois premiers actes, le ténor italien Paolo Fanale investit immédiatement le rôle de Nemorino dès son inaugural « Quanto e bella, quanto e cara ! » et ce, pour le plus grand bonheur du public : timbre harmonieusement chaleureux, accents lyriques suscitant l'affect, stabilité dans la puissance vocale. Sa brillante interprétation de la romance au second acte « Una furtiva lagrima » fut légitimement et longuement ovationnée : Paolo Fanale s'est même payé le luxe d'une légère incursion dans le contralto pour le deuxième « si piu morir » nous abandonnant sur un ultime « d'amor » d'une rare subtilité où il a comme expiré, lui d'amour, et nous de plaisir. Dans le personnage d'Adina, la belle voix d'Inva Mula nous convainc davantage par son charisme vocal et son engagement scénique que par des mediums un peu faibles et des aigus puissants mais privés de lyrisme. La jeune soprano Jennifer Michel campe une Giannetta enjouée et pétillante avec une voix pleine de promesses. De forts beaux accents et une puissance dans l'émission permettent au baryton argentin Armando Noguera d'incarner avec aisance le sergent Belcore. Malgré toute l'agilité physique et vocale requise par le rôle de Dulcamara dont il n'hésite pas à exploiter toutes les facettes, le baryton italien Paolo Bordogna peine parfois dans sa cavatine « Udite, udite, o rustici ». Son assistant, joué par le comédien Alessandro Mor, ne démérite pas. Plusieurs rappels sous des applaudissements enthousiastes de la salle confirmeront le succès de cette très agréable production.

width="570"Paolo Fanale (Nemorino) et Inva Mula (Adina). Photographie © Christian Dresse.

Marseille, 28 décembre 2014
Jean-Luc Vannier
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