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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. II. Le xviie siècle baroque.

La musique instrumentale de William  Lawes (1602-1645)

William Lawes

On se gardera de le confondre avec son frère ainé Henry qui, lui aussi, fut une éminente figure parmi les compositeurs de son temps mais ne se consacra qu'à la musique vocale, alors que le cadet, beaucoup plus éclectique, écrivit de nombreuses pages instrumentales qui lui valent une haute considération de la part des spécialistes.

C'est que ce musicien, qui fut compositeur attitré de Charles 1er à partir de 1635 et paya de sa vie sa fidélité à son souverain en pleine guerre civile, pendant le siège de Chester, alors qu'il s'était enrôlé dans l'armée royale, est reconnu comme un des plus grands maîtres de cette spécialité anglaise qu'est la musique de consort.

Qu'on se le dise: cette musique, dense, tortueuse, tendue, voire torturée, n'est pas faite pour séduire les foules. Il se trouve même des oreilles très professionnelles qui confessent avoir mis du temps pour l'assimiler et qui, en guise de conseil d'ami, suggèrent à l'auditeur novice de l'approcher à petits pas :  « Il convient de goûter à ces joyaux à doses homéopathiques, en n'hésitant pas à revenir autant que nécessaire sur le même mouvement pour laisser son esprit pénétrer les entrelacs du contrepoint, atteindre au cœur de la matière musicale. »

Consorts in four, five and six parts

Sous les dénominations de Royal Consort et Great Consort, William Lawes nous a laissé là ce qui constitue certainement le meilleur de sa production en même temps qu'un sommet de la musique anglaise pour consort.

Dès qu'on entre dans cet univers, on ne peut qu'être frappé, voire égaré, par ce qui fait la singularité du compositeur : « L'écriture ne manquera pas de surprendre les familiers des illustres prédécesseurs de Lawes, dont le lyrisme discret emprunte des voies plus sûres et plus directement liées aux dissonances accidentelles du contrepoint. On sent que Lawes, musicien de théâtre frotté à l'exercice du maske, élargit l'éventail des affects en forçant volontiers les limites d'une écriture traditionnelle, multipliant les fausses pistes dans les consorts à six. »2

En effet, le musicien n'hésite pas « à user de moyens extrêmes pour caractériser des passions exacerbées : nombreux sont les sujets et contre-sujets gênants par leur gaucherie volontaire, leur rigidité, leur invraisemblance, leur laideur même. Mais tout cela participe d'une volonté musicale tout entière régie par l'expression, et les règles les plus strictes s'y plient à son bon vouloir. »3

Nous voilà donc prévenus, mais que cela ne freine surtout pas les ardeurs du mélomane avide de découvertes, bien au contraire. Et si une hésitation subsistait, qu'il suive les exhortations de Jordi Savall en se lançant en priorité à l'assaut des dix Consort Suites à cinq et six voix : « cette collection est certainement la création de William Lawes où l'essence de son art énigmatique, passionné et novateur se manifeste de la façon la plus pure et la plus évidente : inventivité et maestria, audace et rigueur, sensibilité et virtuosité, poésie et passion, esprit et sensualité se combinent et se développent en grande liberté à travers une maîtrise complète et absolue de l'expression dans tous ses aspects mélodiques, contrapuntiques et harmoniques. William Lawes assume sans compromis un discours musical qui, encore à notre époque, surprend par sa force expressive intense et sa radicale modernité. »4

William  Lawes, Consort Set a 6, en sibémol majeur : Aire, Fantazia, Inominy, par Hespérion XXI, sous la direction de Jordi Savall.
William  Lawes, Consort Suite a 6, en fa majeur, Hespérion XXI, sous la& direction de Jordi Savall.


Autres œuvres

Il n'est pas sûr qu'on ait une connaissance exhaustive des nombreuses autres pièces instrumentales du musicien, de sorte que d'heureuses surprises restent possibles, par exemple — sait-on jamais ? — dans un domaine apparemment inexploré qui est celui des pièces pour virginal ou clavecin…

On connaît en revanche diverses autres œuvres dont quelques suites (ou Ayres) pour une ou trois lyra-violes, fortement ancrées dans la musique populaire, et surtout les huit Fantasia-suites pour deux violons, basse de viole et orgue, ou encore les Sonates pour violon, basse de viole et orgue : des œuvres dans lesquelles, malgré une ambition plus limitée que dans les grands Consorts (chacune de ces suites comporte simplement une Fantaisie suivie de brèves Allemande et Gaillarde), on retrouve bien la marque personnelle du compositeur, ne serait-ce qu'à travers une harmonie volontiers hasardeuse ou des ruptures de rythme aimablement déroutantes.

William  Lawes, Trois danses pour lyra viole, par Richard Boothby.
William  Lawes, Fantasy a 2 en ut majeur.

Notes

1. Serge Gregory, dans « Répertoire » (139) octobre 2000.

2. Philippe Ramin, dans « Diapason » (494) juillet-août 2002.

3. Serge Gregory, dans « Répertoire » (139) octobre 2000.

4. Jordi Savall, dans la notice de son intégrale des 10 Consort Suites publiée chez Aliavox.

Voir également


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