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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte

Les suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach

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Johann Sebastian Bach

D'une structure assez constante, les six suites pour violoncelle BWV 1007 à 1012 « s'ouvrent toutes par un prélude, suivi d'une allemande, d'une courante, d'une sarabande, de deux Galanterien et d'une gigue. La ressemblance de leur structure avec celle des Suites anglaises fait supposer que ces deux œuvres furent écrites environ à la même époque. Bien que les limites techniques du lourd violoncelle soient encore plus étroites que celles du violon, rendant impossible l'inclusion d'une fugue réelle, Bach réussit à créer des œuvres d'une maîtrise consommée, égale sinon supérieure à sa musique pour violon solo. Dans le prélude de la quatrième suite, par exemple, il donne, avec les moyens les plus simples, l'illusion d'une pédale d'orgue dont il se sert comme assise à des harmonies qui s'écoulent lentement ».97

Pour rendre justice à ces œuvres d'exception, il faudrait ici reprendre, parfois mot pour mot, une bonne part des réflexions exprimées à propos des pièces pour violon solo. Peut-être même faudrait-il appuyer le trait, car, plus que jamais, le musicien prouve ici qu'il atteint les plus hauts sommets lorsqu'il s'impose les limites les plus étroites. « Nulle part Bach ne semble avoir autant de grandeur, de force et d'émotion que dans ses six Suites pour violoncelle (1720-1723 ?), pages de musique instrumentale pure où il est par excellence le maître de la liberté et où, pas un instant, il ne sombre dans l'arbitraire ni dans l'abstraction gratuite. L'architecture des préludes et des allemandes, l'édifice contrapuntique des sarabandes et même les mouvements de danses plus décoratifs suggèrent malgré leur style très libre une science polyphonique assez complexe (même si plusieurs voix restent sous-entendues) ».98

Est-il vraiment besoin d'ailleurs de s'étendre sur les fabuleuses qualités de ces œuvres qui, bien qu'exigeant beaucoup de concentration et d'imagination de la part de l'auditeur, ont acquis une immense popularité ? Depuis que Pablo Casals s'en est fait le propagandiste, tous les violoncellistes, des plus confirmés aux plus jeunes, s'y sont engagés avec toute leur flamme et le public a suivi, toujours plus nombreux, succombant au pouvoir d'envoûtement magique de cette musique qui touche au plus profond de l'âme humaine. Et que ces pièces soient si souvent « célébrées » dans des lieux normalement voués au culte, voilà un détail qui ne laisse pas indifférent : au-delà de toute considération touchant à l'acoustique, c'est une façon comme une autre de souligner la dimension spirituelle que Bach a certainement voulu donner à nombre de ces pages. Des pages aux multiples facettes et sortilèges, qui nous font passer de l'ombre à la lumière, des épanchements au silence, du recueillement au vagabondage, comme le suggérait un commentaire de Xavier Lacavalerie qui concluait sur cette belle interrogation : « Et si cette musique païenne était l'une des plus belles formes de la prière ? ».

Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 1 en sol majeur BWV 1007 (I. Prélude), par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 2 en re mineur BWV 1008 (VI. Gigue), par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 3 en ut majeur BWV 1009, (II. Allemande) par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 3 en ut majeur BWV 1009, (III. Courante) par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 3 en ut majeur BWV 1009, (IV. Sarabande) par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 3 en ut majeur BWV 1009, (VI. Gigue) par Mischa Maisky.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 4 en mibémol majeur BWV 1010 (I. Prélude), par Mstislav Rostropovitch.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 5 en ut mineur BWV 1011 (IV. Sarabande), par Mstislav Rostropovitch.
Johann Sebastian Bach, suite pour violoncelle seul no 6 en re majeur BWV 1012 (III. Courante), par Mischa Maisky.

Notes

97.  Geiringer Karl et Irène, Bach et sa famille : sept générations de génies créateurs (traduction par Marguerite Buchet et Jacques Boitel). Buchet Chastel, Paris 1955, p. 315.

98.  Szersbovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (210), mai 1997.


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Samedi 22 Janvier, 2022

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