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Michel Rusquet : trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverteI. De la Renaissance au premier xviie siècle : Angleterre.

John Dowland (1563-1626)

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Symbole entre tous (« Semper Dowland, semper dolens »…) de cette douce mélancolie dans laquelle se complaît volontiers la musique élisabéthaine, Dowland, luthiste et chanteur admiré en son temps, s'est pratiquement contenté de composer pour son propre usage, nous laissant ainsi une floraison de Songs or Aires et de pièces pour luth qui, par leur poésie et leur délicate sensibilité, ont suffi à assurer sa gloire.

Une gloire essentiellement posthume d'ailleurs, et plutôt récente puisque, jusqu'au xxe siècle, le compositeur était demeuré dans l'oubli. La justice est enfin rétablie à l'endroit de ce musicien errant qui, faute d'avoir été engagé par la reine Elisabeth, vécut plus de la moitié de sa carrière à l'étranger, transitant par Paris, par la cour de Brunswick, puis par l'Italie et à nouveau l'Allemagne, pour ensuite se fixer au Danemark où il passa environ huit ans comme luthiste de la cour, jusqu'à son retour définitif en Angleterre où il finit par entrer au service du roi en 1612.

Cette longue période de vie errante conserve du reste bien des mystères : on se plaît ainsi à évoquer l'idée de missions d'espionnage, une hypothèse qu'on ne saurait écarter à la légère tant il est vrai qu'en ces temps lointains, où ils constituaient une des rares populations habituées à se déplacer à l'étranger, on confiait volontiers aux musiciens des tâches que nous qualifierons pudiquement de diplomatiques.

Pièces pour luth

Comme il se doit, on y trouve pèle-mèle des fantaisies (ou fancies), des pavanes, gaillardes et courantes, des almains, et bien sûr des airs populaires célèbres tels que Fortune, Go from my window ou Walsingham (chansons transcrites et éventuellement traitées en variations). Sous les titres les plus divers, et dans des genres allant de la plus modeste almain aux plus complexes fancies (on pense notamment à la grandiose Forlorn Hope Fancy et aux célèbres Farewell, Lachrimae et Can she excuse), on a là, derrière l'impression de fluidité mélodique et polyphonique, des œuvres dont certaines font déjà pénétrer dans les voies nouvelles du xviie siècle. C'est dire que si les Anglais étaient en retard sur le continent pour la littérature destinée au luth, Dowland a œuvré brillamment pour les remettre dans la course.

S'agissant du style du compositeur, Paul O'Dette, un de ses plus brillants interprètes modernes, le présente ainsi : « Si, au début de sa carrière, son style est bel et bien anglais et élisabéthain, dans ses dernières pièces il adopte toutes les nouvelles techniques baroques : les trilles, l'appoggiature, le style brisé venu de France, de nouveaux rythmes de danse. Sa musique, qui se situe entre le style de la Renaissance et celui du baroque sans appartenir vraiment à aucun, est d'une ambivalence fascinante. Dowland a aussi fusionné différents styles nationaux : la tradition polyphonique anglaise, le style flamboyant et virtuose italien comme l'élégance du premier baroque français se fondent chez lui pour donner lieu à un langage tout à fait personnel. »1

 

John Dowland, Fortune My Foe, par Paul O'Dette (luth).

 

Go from my window, par Paul O'Dette (luth).

 

Forlone Hope Fancye, par Paul O'Dette (luth)

 

Lachrimae, par Paul O 'Dette (luth).

 

Fantasia, par Paul O'Dette (luth)

 

Piper's Pavan, par Nigel North (luth).

 

The Frogg Galliard, par Paul O'Dette.

Pièces pour consort de violes

En écrivant des œuvres pour consort de violes, le luthiste ne s'est pas oublié puisque l'unique recueil que nous a laissé Dowland en la matière est écrit pour un ensemble formé d'un luth et de cinq violes. C'est le fameux Lachrimae, or Seven Teares Figured en Seaven Passionate Pavans (1604), qui réunit vingt et une pièces d'une très riche écriture et d'une belle originalité, les sept Lachrimae elles-mêmes plus diverses gaillardes, pavanes et almands, ainsi que le célèbre Semper Dowland semper dolens. Certes, la mélancolie y est cultivée avec une forme de délectation, mais les affects poétiques sont tels qu'on a vite fait de succomber à ces subtils alanguissements. En vérité, pour reprendre la réflexion d'un ami mélomane, il n'y a pas meilleure compagnie pour les soirées hivernales au coin du feu, tout particulièrement – la précision a son importance - quand cette musique vient comme par enchantement habiter le silence ouaté qui vous entoure lorsque la nature environnante est revêtue d'un doux manteau neigeux.

John Dowland, Lachrimae Antiquae, Hesperion XX (dir. Jordi Savall)

 

Semper Dowland Semper Dolens, Sestina Consort.

 

Pavan a 4, par le Capriccio Stravagante (dir.Skip Sempe).

Notes

1. O'Dette Paul, Interview, dans « Le Monde de la musique »,  juin 1997.

Michel Rusquet
© musicologie.org


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Samedi 26 Décembre, 2020

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