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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte.

II. Le xviie siècle baroque

France

La musique instrumentale de Jean-Henri d'Anglebert (1635 -1691)

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Autre figure marquante de cette première école française de clavecin, lui aussi élève de Chambonnières, d'Anglebert fut d'abord organiste au service du duc d'Orléans et des Jacobins de la rue Saint-Honoré, puis devint en 1662 claveciniste du roi en remplacement de son ancien maître.

En 1689, dans les dernières années d'une vie sans histoires, il publia un Livre premier de pièces pour clavecin qui, contrairement aux intentions affichées par le musicien, allait rester sans suite, les autres pièces connues de lui relevant d'un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale.

Cet unique recueil de Pièces de Clavecin se révèle passablement disparate puisqu'à côté desdites pièces destinées au clavecin, réunies en quatre suites au contenu parfois déroutant, il comporte quelques pièces d'orgue, quelques leçons d'harmonie au clavier, et surtout une table d'agréments d'une importance capitale pour l'interprétation des musiques de l'époque.

L'œuvre de clavecin

Dans sa préface, tout en renvoyant le lecteur à un second livre qui ne viendra pas, d'Anglebert précise :  « Je n'ay mis des pièces dans ce recueil que sur quatre tons, bien que j4en ay composé sur tous les autres. » De fait, les quatre « suites » qu'il nous propose sont respectivement en sol majeur, sol mineur, ré mineur et ré majeur. Mais elles ont ceci de singulier qu'elles font se succéder, dans un assemblage des plus improbables, des mouvements de danses traditionnels, des transcriptions de pages tirées d'opéras de Lully, et même des transcriptions de vaudevilles que l'auteur avoue avoir placées là « pour remplir des fins de page, qui se seroient trouvé inutiles sans cela. » Autant dire que les interprètes ne sauraient se voir reprocher de « faire le ménage » dans tout cela afin d'offrir à leur public des suites plus conformes aux canons du genre.

Oublions un instant les transcriptions diverses figurant dans ce fameux recueil pour nous concentrer sur les danses et autres pièces plus naturellement à leur place dans ces suites. On y trouve bien entendu tout l'éventail des danses, à commencer par les allemandes, courantes, sarabandes et gigues, mais aussi quelques préludes non mesurés (moins élaborés que ceux de Louis Couperin mais très séduisants), une passacaille (plus longue que réellement captivante), un Tombeau de M. de Chambonnières, qui conclut la suite en ré majeur ,et même – à la fin des pièces en ré mineur - une série de Variations sur les Folies d'Espagne (une grande première au clavecin, hélas  moins inspirée que ce que livrera plus tard  Carl Philipp Emanuel Bach).

Cette production se révèle assez inégale. Elle se distingue par son élégance et sa fluidité, par une écriture sophistiquée, par une certaine grandeur et, parfois, par une noble gravité, mais aussi par un rare foisonnement d'ornements dont la richesse même peut lasser l'auditeur. Dans ses meilleurs moments, cette musique aristocratique exerce toutefois une forte séduction. A cet égard, outre les préludes déjà cités, on prètera une oreille attentive aux allemandes des suites en sol majeur et en ré majeur, à diverses courantes, à certaines gigues dont l'extraordinaire Gigue en sol mineur, à la noble et superbe Sarabande en sol mineur, à l'étonnante Sarabande grave de la suite en ré mineur et à la délicieuse Chaconne en rondeau de la suite en ré majeur.

« Les transcriptions de Lully (par exemple : ouverture de Cadmus, chaconne de Phaéton, passacaille d'Armide) valent moins, on s'en doute, par la musique dont elles s'occupent que par l'habileté dont elles font preuve. On y voit d'Anglebert dans son atelier de compositeur pour le clavier, affûtant ses outils, polissant son matériau, veillant à ce que ces pièces ne sentent plus l'orchestre d'origine, mais exaltent les pouvoirs du clavier. »1

Jean-Henri d'Anglebert, Prélude et Allemande en sol mineur, par Sophie Yates.

 

Jean-Henri d'Anglebert, Pièces en sol mineur (Sarabande de Lully, Gigue, …)
par Christophe Rousset.

 

Jean-Henri d'Anglebert, Pièces en ré mineur (Courante, Sarabande grave, …) par, Christophe Rousset.

 

Jean-Henri d'Anglebert, Tombeau de Chambonnières, par Hank KNox.

 

Jean-Henri d'Anglebert, Passacaille d'Armide par Christophe Rousset.

Les pièces d'orgue

Ces six pièces – cinq fugues sur un même sujet et un quatuor sur le Kyrie de la messe – remontent apparemment aux années 1660, ce qui « les place dans leur véritable famille spirituelle, celle des disciples français de Frescobaldi, par l'intermédiaire de Froberger, venu en France en 1652. »2

En les publiant au soir de sa vie, d'Anglebert confie avoir voulu simplement « donner un échantillon de ce que j4ai fait autrefois pour l'orgue », une façon peut-être de relativiser l'importance de ces témoignages, même si de son propre aveu le quatuor sur le Kyrie est une pièce très travaillée et exigeante.

Notes

1. Guy Sacre, La musique de piano , Robert Laffont, 1998 , p.90

2. Brigitte François-Sappey, dans Gilles Cantagrel (dir.), Le guide de la musique d'orgue , Fayard, 2003 , p.35 

Notice biographique dans musicologie.org

Michel Rusquet
2012

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Vendredi 10 Janvier, 2020